mardi 29 décembre 2020

Petit bilan de mes lectures de 2020

L'heure du bilan de cette .... étrange .... année est arrivée!


Voici les lectures les plus marquantes de 2020 : 

- Les braises de Sandor Maraï : Un court roman maîtrisé d'une main de maître, un huis clos époustouflant. 

- David Copperfield de Charles Dickens : Ce fut mon grand roman du confinement. Lu en lecture commune avec UnlivreUnthé, cette histoire addictive fut un régal de bout en bout.

- Dark island de Vita Sackville-West : Ce roman est bien plus complexe qu'il n'y paraît et j'ai adoré cette lecture déstabilisante et pleine de mystères. 

- Les royaumes du Nord Tome 1 d'A la croisée des mondes de Philip Pullman : Une série que j'ai été longue à débuter, pourtant ce tome 1 m'a envoûtée. J'ai également apprécié le tome 2 et je compte bien lire le troisième et dernier tome rapidement. 

- Wild de Cheryl Strayed : Après la découverte du film, je me suis jetée sur ce livre. Enorme coup de cœur! Un livre que je relirai. 

- La brodeuse de Winchester de Tracy Chevalier : Cadeau de Lou, je me suis glissée dans ce roman comme dans un bain chaud plein de bulles. Un petit bonbon délicieux ... et intelligent! 

- Dans la forêt de Jean Hegland : Dernière lecture achevée de l'année et très coup de cœur. Ce roman m'accompagnera encore très longtemps. Un terrible écho aux temps troublés actuels. (Chronique en cours de rédaction)


Mais cette année, j'ai aussi lu un nouveau Rougon-Macquart qui fut, comme toujours, délicieux. J'ai lu mon dernier roman (achevé) de Jane Austen et je me réjouis de pouvoir tous les relire indéfiniment. J'ai continué mon voyage sur Ténébreuse. J'ai découvert l'univers envoûtant d'Arturo Perez-Reverte. J'ai relu le sublime Une vie de Maupassant qui m'avait tant marqué adolescente. J'ai lu deux romans de Laura Kasischke ... et tant d'autres choses. 

Et qu'en est-il de mes bonnes intentions livresques de 2020 ? 

Je vous confesse que je n'ai pas réussi à atteindre le nombre de 40 romans dans l'année. Et pourtant il y a quelques années ce nombre m'aurait paru ridicule. Désormais entre les enfants, le boulot, une grande maison, de nouvelles activités, j'ai moins de temps libre pour lire. Mais je n'ai pas de regrets. Je ne cache pas que j'aimerais lire plus, mais quoi qu'il arrive, je lis toujours ... et toujours avec plaisir. Moins, certes, mais mieux. J'ai lu 32 romans en 2020, soit un peu plus de 2 romans par mois. Il y a de gros pavés dans le lot. 

J'ai relu un roman que j'avais aimé il y a quelques années. Il s'agit d'Une vie de Maupassant. Cela fait 3 ans que je me relis un roman dans l'année et j'apprécie beaucoup ce moment. Je le renouvellerai en 2021. Je ne sais pas encore avec quel titre. 

Je n'ai pas poursuivi ma lecture offerte du 1er tome de Harry Potter avec mon fils car ... il l'a lu seul ... pour mon plus grand bonheur.

Je n'ai pas relu de classiques grecs ou de romans traitant de la mythologie comme je le voulais, mais je ne désespère pas pour 2021.

J'ai lu de la littérature fantastique et compte bien continuer l'année prochaine notamment en terminant la série A la croisée des mondes

J'ai peu lu de BD ... mais toujours avec joie. 


Bref pour 2021, je me souhaite :
- De belles lectures (et de dépasser 35 romans).
- Une relecture d'un de mes romans marquants

Et ... c'est déjà pas mal.

Je vous souhaite une belle année livresque 2021. 

dimanche 6 décembre 2020

Nostalgie et réconciliation

Atala et René
Chateaubriand
Le livre de poche, 2019.

Sur les bords du Mississippi, la vie du jeune Chactas commence mal. Sa tribu vaincue, son village détruit, son père mort, ce jeune Indien intrépide, après un rapide passage par la ville, a été fait prisonnier par ses ennemis héréditaires. Promis à une mort atroce, ses derniers jours sont pourtant illuminés par la présence d'Atala, la fille du grand chef. Cet amour lui rendra peut-être la vie. Les deux jeunes gens pourront-ils s'enfuir et échapper à leur destin ? Sur fond d'Amérique et de bons sauvages, Chateaubriand revisite l'histoire de la fille du geôlier, à la mode romantique : en proie au mal du siècle, Atala et Chactas font partie de ces êtres d'exception qui ne connaîtront jamais de répit. L'étroitesse du monde est une torture qui ravage les grandes âmes : telle est la sombre leçon que Chateaubriand, de René aux Mémoires d'outre-tombe, ne cessera de répéter, à travers une écriture majestueuse à force de souffrances.

Lors d'un récent séjour bordelais et de passage à la librairie Mollat, j'ai été prise soudainement d'une bouffée de nostalgie. Au cœur de ce lieu plein de livres qui sentait l'encre et où planait une ambiance tamisée de fin de journée d'automne, je me suis revue 15 ans plus tôt, étudiante en Lettres Modernes. A cette époque, j'étais constamment fourrée dans la libraire qui jouxtait la fac. Vivant à la campagne, je devais souvent attendre mes trains. Je me rappelle de ces fins de journée froides et sombres où j'errai dans les rayons de la librairie. Je me souviens des sons, des odeurs, des lumières. C'est là que j'ai acheté et découvert tous ces textes classiques qui ont forgé la lectrice que je suis. Il y a quelques semaines, en retrouvant ses sensations anciennes, j'ai eu envie de dévaliser les rayons de littérature classique, retrouver (mais l'ai-je déjà quittée?), cette littérature que j'aime tant. J'ai eu envie de "vrais" classiques, ceux qu'on étudie à la fac. J'en ai choisis trois ... dont Atala/René de Chateaubriand que je vous présente ici. 

Autant vous dire que Chateaubriand et moi, c'est une histoire compliquée. Je l'ai découvert au lycée en filière littéraire avec des extraits de Mémoires d'Outre Tombe ... et je n'ai pas du tout accroché. Le côté Calimero de Chateaubriand, toujours en train de maudire le jour qui l'a vu naître, c'était trop pour moi. Je l'ai boudé durant des années et l'ai cité régulièrement comme auteur classique que je n'aimais pas. Et puis, le temps est passé. En préparant le concours de prof des écoles il y a presque 4 ans, j'ai été amenée à étudier un extrait de Mémoires d'Outre Tombe. Il s'agissait d'une anecdote sur l'enfance de Chateaubriand. Contre toute attente, j'ai ri. J'ai découvert un François-René très second degré, amusant et touchant. Doucement, l'idée a germé en moi de découvrir dans son intégralité cette œuvre majeure de la littérature. Je garde cette idée dans un coin de ma tête, mais en attendant, j'ai commencé en douceur avec deux petits romans de l'auteur, Atala et René

J'ai énormément apprécié cette lecture. Son charme désuet m'a séduite. Dans ce monde qui me semble de plus en plus étrange et violent, lire des "Ô!" très théâtraux et des tirades enflammées m'ont fait du bien. J'ai embarqué dans ce texte malgré sa vieillesse et ses caricatures. J'ai tremblé pour Chactas et j'ai été touchée par Atala. Quant à l'histoire de René, j'ai été très surprise par son propos. Je n'ai au final que peu de choses à dire de ces romans. Je ne les ai pas lus pour les analyser, mais j'ai laissé les mots glisser sur moi, j'ai lâché prise. Je ne peux que vous encourager à découvrir ces textes seulement pour le plaisir d'une belle langue, un brin pédante, mais si nécessaire. 

Cette pause très classique m'a fait un bien fou. Je me réconcilie doucement avec Chateaubriand. Affaire à suivre!

" On m'accuse d'avoir des goûts inconstants, de ne pouvoir jouir longtemps de la même chimère, d'être la proie d'une imagination qui se hâte d'arriver au fond de mes plaisirs, comme si elle était accablée de leur durée; on m'accuse de passer toujours le but que je puis atteindre: hélas! je cherche seulement un bien inconnu, dont l'instinct me poursuit. Est-ce ma faute, si je trouve partout des bornes, si ce qui est fini n'a pour moi aucune valeur? Cependant je sens que j'aime la monotonie des sentiments de la vie, et si j'avais encore la folie de croire au bonheur, je le chercherais dans l'habitude.  "

(Photos : Romanza2020)

Zut alors!

La vie devant ses yeux
Laura Kasischke

Le livre de poche, 2014.

Diana vient d'atteindre la quarantaine.
Elle a apparemment tout pour être heureuse : un mari professeur de philosophie, une jolie petite fille et une belle maison. Elle est cette mère de famille américaine typique qui accompagne les sorties scolaires de sa fille, qui cuisine admirablement et enseigne le dessin à mi-temps. Pourtant le passé - et l'événement traumatisant qui en est au cœur - ne cesse de la hanter, par bouffées, et ces flashes sont autant de ruptures dans la narration du présent de Diana.
Par un effet d'éclatement chronologique, Laura Kasischke crée ainsi une sorte de science-fiction "domestique", et nous livre une critique cruelle de l'Amérique petite-bourgeoise.

Alors autant je suis une grande fan de l'univers de Laura Kasischke et une accro à ses histoires mystérieuses et pleines d'ombres, que là, avec La vie devant ses yeux, j'ai été assez déçue

Pourtant le scénario de début était alléchant. Du Kasischke parfait : un non-dit, un vernis qui craque, une famille parfaite pas si parfaite. Mais voilà, alors que ça marche normalement du feu de Dieu avec moi, là ça n'a pas pris. En lisant La vie devant ses yeux, j'ai compris toutes les critiques que certains lecteurs pouvaient faire à Kasischke. Beaucoup disent qu'il ne se passe rien dans ses romans, que c'est bavard, surfait. Je n'irai pas jusque là, car j'aime définitivement Kasischke. Mais je ne peux qu'avouer que La vie devant ses yeux est peu palpitant. Etrangement, Kasischke nous livre dès les premières pages le secret de la vie de Diana. On attend autre chose durant toute la lecture, un secret encore inavoué. Et puis, non. Rien. On lit donc des dizaines de pages de la vie de Diana qui vit mal son secret, vit dans la douleur de la culpabilité. Puis arrive la fin. Une fin énigmatique ... que je n'ai pas comprise. J'adore les fins inachevées de Kasischke, les questions qui restent sans réponses, les ombres persistantes, ... mais là, il n'y a aucun mystère qui reste, c'est juste que la fin est écrite dans un style très métaphorique et que je n'ai pas tout saisi. 
L'idée de départ était bonne. Une femme vit avec un poids sur le cœur, une épée de Damoclès qu'elle traine depuis l'adolescence. Elle s'efforce d'être parfaite mais sa vie n'est qu'un mensonge. J'aurais aimé que Kasischke ne dévoile pas le fin mot de l'histoire dès le début. En évoquant l'amitié de Diana et Maureen en flashback, en créant (comme elle sait si bien le faire) une ambiance lourde presque surnaturelle qui fait planer le doute sur un éventuel roman fantastique et enfin une révélation finale, cela aurait bien mieux marché. 
J'ai retrouvé un scénario digne de Kasischke mais non traité comme l'aurait fait Kasischke normalement. Mais bien sûr, cette déception ne refroidit pas mon intérêt pour cette auteure que j'adore lire et que je relirai avec bonheur. En attendant une nouvelle lecture kasischkienne, je vais me dénicher le film adapté de La vie devant ses yeux qui me permettra sûrement d'y voir plus clair. 

PS : Une fois cet article rédigé, j'ai lu l'avis d'une lectrice sur Babelio qui me fait repenser toute ma vision du roman. Je crois que je suis vraiment totalement passée à côté du texte. Je n'ai pas vu les messages de Kasischke glissés dans le récit qui font basculer le roman dans quelque chose de très différent. J'ai presque envie de le relire avec en tête cette interprétation du texte. Je m'en veux un peu d'être passée à côté de cette analyse. 
"L’été...
Tout ce désir et tout cet espoir moite du printemps avaient finalement abouti à quelque chose. Chez elle, les pivoines s’étaient ouvertes, dans le jardin devant sa maison, comme les manches d’un joli chemisier - mais elles étaient restées collantes, douces, couvertes de petites fourmis rouges.
L’herbe était verte comm du fard à paupières, verte comme du satin.
Le ciel était un gros bonbon bien dur.
Et les abeilles s’agitaient autour du chèvrefeuille, comme de minuscules petits anges dorés jouant de la trompette.
Les lys venaient juste de fleurir, et une brise parfumée s’élevait de leurs cœurs intacts pour envahir le monde. "
(Photos : Romanza2020)

dimanche 29 novembre 2020

Le cœur de Gaïa

Voyage au centre de la terre 
Jules Verne

Le livre de poche, 2010.

Dans la petite maison du vieux quartier de Hambourg où Axel, jeune homme assez timoré, travaille avec son oncle, l’irascible professeur Lidenbrock, géologue et minéralogiste, dont il aime la pupille, la charmante Graüben, l’ordre des choses est soudain bouleversé.
Dans un vieux manuscrit, Lidenbrock trouve un cryptogramme. Arne Saknussemm, célèbre savant islandais du xvie siècle, y révèle que par la cheminée du cratère du Sneffels, volcan éteint d’Islande, il a pénétré jusqu’au centre de la Terre !
Lidenbrock s’enflamme aussitôt et part avec Axel pour l’Islande où, accompagnés du guide Hans, aussi flegmatique que son maître est bouillant, ils s’engouffrent dans les mystérieuses profondeurs du volcan…
En décrivant les prodigieuses aventures qui s’ensuivront, Jules Verne a peut-être atteint le sommet de son talent. La vigueur du récit, la parfaite maîtrise d’un art accordé à la
puissance de l’imagination placent cet ouvrage au tout premier plan dans l’œuvre exceptionnelle du romancier.

Voyage au centre de la terre est mon cinquième Jules Verne. Rentrer dans l'univers de ce romancier est une sorte de lâcher prise ... ça passe ou ça casse. Avec moi, ça marche très bien. 

J'aime les débuts des romans de Jules Verne lorsqu'il décrit ses personnages et installe l'ambiance. Il rentre vite dans le vif du sujet, si bien que l'on ne peut qu'accrocher et désirer savoir la suite. Voyage au centre de la terre ne déroge pas à la règle. Les premiers chapitres sont excellents. Ce fut un véritable régal! Je ne cache pas que le reste du roman manque de piquant. J'ai trouvé le texte très court, assez simple, trop simple peut-être. Avec une entrée en matière si prometteuse, je m'attendais (malgré le petit nombre de pages) à un roman plus flamboyant. Ceci dit, me retrouver au centre de la terre avec ces trois hommes étranges mais attachants a été une expérience unique. J'ai apprécié de me réfugier dans les lignes de Verne après les rudes journées de travail. Cet écrivain crée un véritable cocon. Non dénués d'humour, ces romans sont de petites friandises qui se savourent, se grignotent. Je confesse ne pas m'être encore lancée dans ses pavés ... peut-être que la friandise dévient indigeste au bout d'un moment. Je me garde 1 000 lieues sous les mers, L'île mystérieuse et les autres gros morceaux quand je serai dans de bonnes conditions.

Au final, Voyage au centre de la terre fut une lecture agréable. Même si ce roman n'est pas mon préféré, malgré un début fantastique, j'ai tout de même pris beaucoup de plaisir à suivre les péripéties de ces trois personnages. 

" Le 24 mai 1863, un dimanche, mon oncle, le professeur Lidenbrock, revint précipitamment vers sa petite maison située au numéro 19 de Königstrasse, l’une des plus ancienne rue du vieux quartier de Hambourg.
La bonne Marthe dut se croire fort en retard, car le dîner commençait à peine à chanter sur le fourneau de la cuisine.
« Bon, me dis-je, s’il a faim, mon oncle, qui est le plus impatient des hommes, va pousser des cris de détresse.
– Déjà M. Lidenbrock ! s’écria la bonne Marthe stupéfaite, en entrebâillant la porte de la salle à manger.
– Oui, Marthe ; mais le dîner a le droit de ne point être cuit, car il n’est pas deux heures. La demi vient à peine de sonner à Saint-Michel.
– Alors pourquoi M. Lidenbrock rentre-t-il ?
– Il nous le dira vraisemblablement.
– Le voilà ! je me sauve, monsieur Axel, vous lui ferez entendre raison. »
Et la bonne Marthe regagnât son laboratoire culinaire. "

(Photos : Romanza2020)

mardi 10 novembre 2020

" Le meilleur moyen, le seul peut-être, de gouverner les hommes, c'est de les tenir par leurs passions."

 Les diaboliques 

Jules Barbey d'Aurevilly

Club des amis du livre, Paris, 1964.

Les diaboliques est un recueil de six nouvelles mettant en scène des femmes puissantes, sombres, vengeresses. 

C'est en période halloweenesque que j'ai ouvert Les diaboliques, espérant au fond de moi frémir légèrement en lisant ce recueil de nouvelles. Bon je n'ai pas frémi ... j'ai plutôt hurlé intérieurement de la misogynie de Barbey d'Aurevilly. Mais ceci dit, le charme désuet de ce recueil est bien présent.  J'ai aimé retrouver une langue riche et soutenue, un brin pédante parfois mais toujours soignée

Certaines nouvelles, soyons clairs, sont longues, bavardes et peu passionnantes. Je pense notamment au Dessous de cartes d'une partie de whist. Mais certaines d'entre elles sont assez prenantes. Le bonheur dans le crime, Le rideau cramoisi et La vengeance d'une femme en tête de ma liste. Il est vrai que Barbey n'est pas tendre avec la gente féminine et qu'il m'a souvent énervée, mais si on lit le texte avec distance, on peut se retrouver à sourire de certains propos et à rentrer dans son jeu. Les deux dernières nouvelles sont assez gores. Âmes sensibles, préparez-vous! Je suis toujours très étonnée de lire ces auteurs décalés, provocateurs, dans une époque où la bienséance régentait le monde. 

Cela faisait un moment que je n'avais pas lu de recueil de nouvelles. J'ai vraiment apprécié de retrouver ce format. Même si Barbey n'est pas ma tasse de thé, j'ai aimé lire de courtes histoires le soir au coin du feu. Je pense ressortir certains de mes recueils de nouvelles afin d'en grapiller quelques textes. 

A lire ... avec beaucoup de recul lorsqu'on est une femme! 

Je suis convaincu que, pour certaines âmes, il y a le bonheur de l'imposture. Il y a une effroyable, mais enivrante félicité dans l'idée qu'on ment et qu'on trompe ; dans la pensée qu'on se sait seul soi-même, et qu'on joue à la société une comédie dont elle est la dupe, et dont on se rembourse les frais de mise en scène par toutes les voluptés du mépris.

(Photos : Romanza2020)

dimanche 8 novembre 2020

"S'il existe au monde une foutaise creuse et fausse, c'est la théorie de la noblesse de la naissance et de la pureté du sang, que certains d'entre nous s'efforcent de préserver "

 Le docteur Thorne

Anthony Trollope

Points, 2012.

Sans dot, de naissance illégitime, la belle et fière Mary ne saurait s'unir à celui qu'elle aime, Frank Gresham, un jeune héritier désargenté. Les Ladies de la famille Gresham manœuvrent en coulisse pour le marier à une femme riche afin de sauver le domaine familial hypothéqué. Seul l'oncle de Mary, le docteur Thorne, connaît le secret de son ascendance et la fortune dont elle pourrait hériter si...

Voici un roman que j'ai mis beaucoup de temps à lire. Attaqué en pleine rentrée scolaire, j'ai passé plusieurs semaines à ne lire que quelques pages par jour. 

Je l'attendais depuis des mois ce roman. Ayant eu un coup de cœur énorme pour Miss Mackenzie il y a quelques années, je lorgnais depuis longtemps les autres romans de Trollope et surtout celui-ci avec sa couverture si délicate. Un bon gros pavé classique comme je les aime! Même si j'ai, au final, moins aimé que ce que je pensais, j'ai tout de même apprécié ce texte.

Trollope a une plume très vive. Il dissèque avec brio les relations humaines et la société de son temps. J'ai aimé le franc parler que l'on trouve dans Le docteur Thorne. Trollope parle vrai. Il a le souci du détail et aime aller au bout des choses. C'est vrai que ce texte est un peu bavard et que l'intrigue aurait pu tenir en 200 pages, mais la complexité que Trollope tisse autour de l'histoire accentue sa volonté de réalisme. Il crée un monde. Tout comme Bazac, Trollope invente un univers avec ces personnages qui se croisent d'un roman à l'autre. Un brin maniaque, Trollope veut que tout s'enclenche, s'emboite. Je pense qu'il n'aurait pas supporter de dénouer l'intrigue du Docteur Thorne rapidement. Il fallait que les nœuds se dénouent de façon réaliste, juste, crédible. L'être humain est complexe, la vie également, son roman devait l'être aussi. 

Malgré sa longueur, j'ai aimé me réfugier dans ce texte. L'écriture y est belle. Le ton est exquis. J'ai parfois souri, ri même. J'ai été parfois blessée, révoltée. Le personnage de Mary Thorne est très beau. J'aurais aimé la suivre et la connaître davantage. J'ai aimé les obstinations des protagonistes, mais aussi leurs doutes. 

Un classique de la littérature anglaise à savourer. La cure de Framley m'attend dans ma bibliothèque ... et j'en suis ravie. 

- J'imagine, mon oncle, que, selon vous, nous sommes comme le renard qui a perdu sa queue, ou plutôt comme un renard qui a eu la malchance de naître sans elle.
- Je me demande comment, l'un et l'autre, nous prendrions cela, si nous nous retrouvions riches tout à coup. Ce serait une grande tentation...une tentation difficile à surmonter. Je crains bien, Mary, que lorsque les gens parlent de l'argent avec mépris, ils ressemblent souvent à ton renard sans queue. Si la nature, tout à coup, devait donner une queue à cet animal, n'en serait-il pas plus fier encore que tous les autres renards du bois?
(...)
Il n'a jamais existé de renard privé de queue qui ne serait ravi de se retrouver soudain doté de cet appendice. Jamais. Même si ce renard sans queue s'est montré très sincère dans ses conseils à ses amis! Tous autant que nous sommes, bons et méchants, nous cherchons des queues - nous en cherchons une, ou plusieurs; nous le faisons trop souvent selon des procédés assez méprisables.

(Photos : Romanza2020)

Tu engendreras dans la souffrance.

 Le Chœur des femmes 

Martin Winckler

Folio, 2017.

Je m'appelle Jean Atwood. Je suis interne des hôpitaux et major de ma promo. Je me destine à la chirurgie gynécologique. Je vise un poste de chef de clinique dans le meilleur service de France. Mais on m'oblige, au préalable, à passer six mois dans une minuscule unité de "Médecine de La Femme", dirigée par un barbu mal dégrossi qui n'est même pas gynécologue, mais généraliste ! S'il s'imagine que je vais passer six mois à son service, il se trompe lourdement. Qu'est-ce qu'il croit ? Qu'il va m'enseigner mon métier ? J'ai reçu une formation hors pair, je sais tout ce que doit savoir un gynécologue chirurgien pour opérer, réparer et reconstruire le corps féminin. Alors, je ne peux pas - et je ne veux pas - perdre mon temps à écouter des bonnes femmes épancher leur coeur et raconter leur vie. Je ne vois vraiment pas ce qu'elles pourraient m'apprendre.

Je remercie UnlivreUnthé pour m'avoir fait découvrir ce roman. Je ne l'aurai sûrement pas lu sans elle. Cela aurait été bien dommage. 

Je dois reconnaître que l'intérêt du Choeur des femmes n'est pas littéraire. Beaucoup de lieux communs, de longueurs, de lourdeurs même. L'ambiance n'est également pas ce qui m'a séduite. Pourtant, j'ai apprécié ce livre ... et je le recommanderai autour de moi ... surtout à des femmes. C'est un texte qui bouscule

Comme je le disais certains points m'ont rendue perplexe. La narration en elle-même, l'histoire aussi, ne sont pas les choses que j'ai préférées. J'ai apprécié Le Choeur des femmes car je l'ai lu comme un témoignage, une enquête ... et non comme un roman. 

Ce livre de Martin Winckler est un livre qui fait ouvrir les yeux. Je me suis rendue compte à quel point tout ce qui paraissait normal aux femmes ne l'était pas. J'ai été marquée, durant ma lecture, par l'idée que nous sommes conditionnées pour penser que les examens gynécologiques sont forcément désagréables et humiliants. On y va la boule au ventre, on sait d'avance que l'on va avoir mal, qu'on aura le droit (quoi qu'il arrive) à un examen physique ... même si ce n'était pas nécessaire. Tout ça est dans les normes. On le transmet même de mère en fille. On subit ... c'est ainsi. Nous n'avons pas d'autres modèles. Martin Winckler met le doigt sur ce problème (sans vilains jeux de mots). Oui, un examen gynécologique peut se passer de toucher vaginal. Non, la position sur le dos et les pieds sur les étriers n'est pas la seule qui existe. Oui, tout est fait pour le confort du médecin et non pour celui de la patiente. A la lecture, plusieurs souvenirs me sont revenus ... Des souvenirs désagréables auxquels je pense toujours avec honte, mais qui me paraissaient "normaux". Ma première visite gynécologique à 14 ans et cette médecin qui m'a faite souffrir jusqu'aux larmes ... Elle ne m'a pas dit un mot, n'a rien expliqué, n'a pris aucuns gants. Cette même femme quelques années plus tard qui me regarde avec dédain, un sourire aux lèvres, car je reviens d'un voyage humanitaire au Sénégal et que j'ai des petits soucis gynécologiques. Elle sous-entend ouvertement que je me suis envoyée tous les sénégalais du pays. J'ai regardé mes pieds, j'ai baissé les yeux. C'était faux. Et même si cela avait été vrai, quel était son rôle? Celui de me juger? Je ne crois pas. Et bien sûr, il y en d'autres. Ces médecins qui te demandent de te mettre entièrement nue. Sans même un drap sur toi. Tu trembles sur la table d'auscultation. Mais tu ne dis rien. Car tu penses que c'est normal. Ce gynécologue qui est arrivé dans la salle d'accouchement où je mettais mon premier bébé au monde. Je ne l'avais jamais vu. C'était la sage-femme qui gérait merveilleusement bien depuis le début du travail. Il ne s'est pas présenté. Il a mis sa tête entre mes jambes. Je me souviens de l'affreux bruit de la peau découpée au ciseau, de la douleur ... Puis il a recousu sans anesthésie. Les coups d'aiguilles étaient une torture. J'avais mon tout-petit sur mon ventre, plutôt que de le regarder, je ne faisais que me mordre les lèvres pour ne pas crier. J'ai pu enfin souffler et profiter une fois qu'il était sorti. Sans un mot. Pourtant, je fais partie des femmes qui ont eu un "bel accouchement". Je n'ai pas été "traumatisée". Je n'ai pas eu de complications ... et en garde de "beaux souvenirs". Pourquoi? Parce qu'on est élevées dans l'idée que tout cela est normal.  

Alors oui, le livre de Winckler est long, parfois maladroit, Jean n'est pas un personnage que j'ai apprécié, l'énumération de témoignages finit par être lourd ... mais tout ça ... tant pis. Ce livre est nécessaire car il nous fait prendre conscience de tout ce à quoi on s'est habitué car c'est "normal". La femme doit engendrer dans la souffrance (ou se préparer à engendrer dans la souffrance ... même si elle ne veut pas d'enfants). C'est ainsi. Et bien, non. Nous avons le droit de dire non. Non, je préfère restée habillée. Non, je ne veux pas accoucher dans cette position. Non, je ne vous autorise pas à me toucher sans m'avoir d'abord prévenue. Les mœurs changent doucement. Mais le chemin est encore long. Nous, les mères, les tantes, les amies, ne transmettons pas cette peur ou cette idée que la gynécologie est un passage subi, désagréable, humiliant. Expliquons plutôt aux jeunes générations qu'elles ont le droit de s'opposer, de poser des questions, d'exposer leurs préférences. Qu'elles deviennent maîtresses de leur intimité. 

Un livre qui ne se lit pas comme un roman, qui a beaucoup de défauts ... mais qui se lit comme un témoignage indispensable à toute femme. A lire pour savoir et prendre conscience.

- Chaque fois que vous interrompez une patiente, vous l'empêchez de dire ce qui est essentiel pour elle. Chaque fois que vous remettez en question la véracité de ce qu'elle dit, vous la faites douter.
- Mais si elle dit quelque chose de faux ?
- D'abord, ce n'est pas "faux", c'est ce qu'elle ressent. Son interprétation n'est peut-être pas conforme aux acquis de la science, mais elle lui permet d'appréhender la situation d'une manière intelligible, de ne pas se laisser gagner par la panique. Notre boulot, ça n'est pas de lui dire que ce qu'elle ressent est "vrai", ou "faux", mais de chercher pour son bénéfice, et avec son aide, ce que ça signifie. Si tu veux que les patientes respectent ton avis, il faut d'abord que tu respectes leur perception des choses...
- Même si elle repose sur une vision complètement fantasmatique ?
- Bien sûr. Respecter, ça ne veut pas dire adhérer. Ça veut dire : plutôt que de perdre ton temps dans un bras de fer (j'ai raison, tu as tort), essayons de trouver un terrain commun. Une relation de soin, ce n'est pas un rapport de force.

(Photos : Romanza 2020)

" Des petites choses naît la grandeur "

 La brodeuse de Winchester

Tracy Chevalier


Quai Voltaire, 2020.

Winchester, 1932. Violet Speedwell, dactylo de trente-huit ans, fait partie de ces millions de femmes restées célibataires depuis que la guerre a décimé toute une génération de fiancés potentiels. "Femme excédentaire", voilà l'étiquette qu'elle ne se résigne pas à porter, à une époque où la vie des femmes est strictement régentée. En quittant une mère acariâtre, Violet espérait prendre son envol, mais son maigre salaire lui permet peu de plaisirs et son célibat lui attire plus de mépris que d'amis. Le jour où elle assiste à un curieux office à la cathédrale, elle est loin de se douter que c'est au sein d'un cercle de brodeuses en apparence austère - fondé par la véritable Louisa Pesel - qu'elle trouvera le soutien et la créativité qui lui manquent. En se liant d'amitié avec l'audacieuse Gilda, Violet découvre aussi que la cathédrale abrite un tout autre cercle, masculin cette fois, dont Arthur, sonneur de cloches, semble disposé à lui dévoiler les coulisses. A la radio, on annonce l'arrivée d'un certain Hitler à la tête de l'Allemagne.

Ce n'est que la seconde fois que je lis Tracy Chevalier et pourtant, à la fin de chaque lecture, j'ai ressenti la même douce sensation au cœur. J'aime l'univers de cette romancière. J'aime sa plume simple mais ne tombant jamais dans le cliché ou la facilité. J'en arrive à la conclusion suivante : il faut que je lise davantage cette autrice. 

J'avais adoré Prodigieuses créaturesauquel je pense systématiquement lorsque je me balade sur une plage bordée de falaises. Dans ce nouveau roman, point de mer agitée ni de fossiles à déterrer. La brodeuse de Wincherster prend place en ville, au cœur des grandes cathédrales anglaises. L'héroïne de cette histoire, Violet, est extrêmement attachante. Elle ne rentre pas dans les critères des héroïnes romantiques anglaises. C'est une vieille fille. Elle ressent le poids de sa situation et le regard que l'on pose sur elle. Elle se refuse à être la garde-malade de sa mère et décide de prendre son autonomie ... quitte à souffrir de la faim et du froid. J'ai ressenti beaucoup d'empathie pour cette femme, mais je n'ai jamais ressenti de pitié. Jamais Violet ne permet qu'on la plaigne. C'est une battante. Malgré ces doutes et ses sensibilités, elle lève la tête et se bat. J'étais ravie de retrouver Violet chaque soir après ma journée de travail. 

Je me suis longtemps demandée comment Tracy Chevalier allait terminer cette histoire. J'ai croisé les doigts pour qu'elle ne tombe pas dans la mièvrerie. Heureusement, la fin fut comme le reste du roman, pertinente, intelligente et émouvante

La brodeuse de Winchester possède un charme incroyable et je remercie Lou de me l'avoir offert. Ouvrir ce roman après une dure journée de travail, c'était comme se glisser dans un bon bain chaud. Je compte bien retrouver Tracy Chevalier dans un autre de ses romans.

" Il se ragaillardit. "Avez-vous vu la Table ronde accrochée dans le Grand Hall...l'unique vestige du château de Winchester?"
Violet hocha la tête. Elle avait emmené Marjorie et Edward la voir; s'était ensuivi l'inévitable combat à l'épée, mené à l'aide de roseaux cueillis dans des champs inondables. Gigantesque, six mètres de diamètre, le plateau était divisé en vingt-quatre segments peints en vert et blanc au bord desquels était inscrit le nom de chaque chevalier du roi Arthur. Au centre figurait une rose Tudor rouge et blanc, assortie d'un portrait du roi en habit rouge, blanc et bleu, tenant une épée.
"C'est une reproduction médiévale de la table ronde du roi Arthur, décorée ultérieurement sur l'ordre du roi Henri VIII. Il a été suggéré que le château de Winchester était peut-être Camelot, bien qu'il n'y ait de cela aucune preuve historique, pas plus, d'ailleurs, que de l'existence du roi Arthur. "

(Photos : Romanza2020)

lundi 5 octobre 2020

Nostalgie

Une vie 

Guy de Maupassant

 

Livre de poche, 1983.

Jeanne, fille unique très choyée du baron et de la baronne Le Perthuis des Vauds, avait tout pour être heureuse. Son mariage avec Julien de Lamare, rustre et avare, se révélera une catastrophe. Sa vie sera une suite d'épreuves et de désillusions. 

Pour ma relecture de l'année, j'ai choisi un de mes premiers coups de cœur de lectrice. Avec Le rêve de Zola, Une vie est le roman qui m'a fait découvrir la littérature classique alors toute jeune adolescente. Je l'ai donc relu le mois dernier, plus de 20 ans après l'avoir découvert. 

Je ne me souvenais plus que ce roman était si dur. Je me souvenais que la vie de Jeanne était triste à en pleurer, je me souvenais de certaines scènes marquantes (la naissance de Massacre en tête de liste), mais j'avais oublié la rudesse de la plume de Maupassant. Bien sûr, on est loin d'un Zola, mais mon cher Guy n'est pas tendre pour autant. La nuit de noce de Jeanne en est un bel exemple. Je comprends pourquoi ce roman m'avait marquée jeune fille. C'est effrayant, violent et sans pitié. La vie de Jeanne aurait pu faire 500 pages tant elle est complexe et malheureuse. Maupassant décide d'être plus bref, de faire de grandes ellipses, de narrer la vie de Jeanne comme il nous la murmurerait en confidence, le temps d'une soirée. Ce qui rend le tout encore plus cruel. 
Alors que je m'étais totalement identifiée à Jeanne il y a plusieurs années, aujourd'hui j'ai entendu l'histoire de Jeanne comme si cette dernière était une amie, mais je ne me suis pas associée à elle. Elle est trop soumise, trop compréhensive, trop naïve. Je n'ai plus 15 ans. Je connais davantage la vie. Jeanne essaie de se rebeller, mais elle n'y parvient pas dans ce monde où la place des femmes peut être comparée à un paillasson. Je crois que le paroxysme de l'enfer de la vie de Jeanne est atteint avec le comportement égoïste de son fils. En tant que mère, j'ai ressenti à quel point son petit Paul pouvait illuminer sa vie. Mais il ne la fera que souffrir davantage. J'ai eu le cœur serré durant toute ma lecture. Heureusement qu'une éclaircie se profile dans les dernières lignes. On espère, on sourit et on souhaite laisser Jeanne en paix. 
Un classique de la littérature à lire absolument. Maupassant est un auteur que j'ai beaucoup lu et que j'aime beaucoup. Il peut être autant cruel qu'émouvant, parfois drôle et même grivois. Une vie fait partie de ces œuvres tristes qui marquent longtemps.
" Elle demeurait souvent pendant des heures immobile, éloignée dans ses songeries ; et son habitation des Peuples lui plaisait infiniment parce qu'elle prêtait un décor aux romans de son âme, lui rappelant et par les bois alentour, et par la lande déserte, et par le voisinage de la mer, les livres de Walter Scott qu'elle lisait depuis quelques mois. "
(Photos : Romanza2020)

samedi 26 septembre 2020

Mes lectures d'été


Bon ... il faut se rendre à l'évidence. Je suis incap
able de trouver le temps d'écrire une chronique détaillée pour chacune des lectures faites cet été. Je publie donc un article global, moins détaillé qu'un article spécifique mais il faut se faire une raison, j'ai pris trop de retard. 

(J'ai également fait deux lectures "de rentrée". J'ai relu Une vie de Maupassant, découvert La brodeuse de Winchester de Tracy Chevalier et Le chœur des femmes de M. Winckler. Je ne désespère pas d'écrire des articles détaillés sur ces trois romans. Je ne les présente donc pas ici. Les chroniques arrivent ... enfin j'espère).

Voici donc mes avis sur 4 lectures réalisées cet été

A la croisée des mondes - Tome 2 - La tour des anges de Philip Pullman

J'avais adoré le premier tome de la série, Les royaumes du Nord. J'ai été ravie de reprendre le fil de l'histoire et de retrouver Lyra. Je reconnais que ce deuxième tome m'a moins emballée que le premier. Mais la qualité d'écriture et l'imagination de l'auteur restent intactes. J'ai été, tout comme pour le premier tome, très surprise par la maturité de cette lecture. Certaines scènes sont extrêmement violentes. Bien qu'adulte, j'ai souvent frissonné. J'imagine sans peine à quel point cette série lue à l'adolescence doit être très marquante. Mais je rassure les lecteurs frileux. Il n'y a rien de gore ou atroce. P. Pullman est un tel conteur que les émotions sont très exacerbées durant la lecture. On tremble avec les personnages, on a peur, on rit, on espère. C'est en ça que certaines scènes nous chahutent. 

J'ai hâte d'en apprendre davantage et de connaître le fin mot de l'histoire. Beaucoup de questions se bousculent à la fermeture de ce tome 2. Je vais essayer de ne pas laisser trop de temps avant la lecture du dernier tome afin de ne pas oublier trop de points importants de l'histoire. Je sens que, déjà, certaines choses s'estompent. Je ne voudrais pas gâcher la fin de cette série.

Le club Jane Austen de Karen Joy Fowler 

Je n'ai pas aimé ce roman ... et j'en suis chagrine car il s'agissait d'un cadeau qui m'avait beaucoup touchée. Je n'ai pas adhéré à l'écriture, je n'ai pas adhéré à l'histoire non plus et je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages. J'ai trouvé l'ensemble froid et "déjà vu". J'ai peu de choses à vous dire, j'en ai peur. Je n'ai pas compris le lien entre Austen et les personnages de Fowler. Elle s'efforce de créer un parallèle entre son histoire et l'œuvre de l'écrivaine anglaise, mais ça ne marche pas. A part le plaisir d'entendre parler de Jane Austen et de ses héroïnes, je n'ai pas trouvé d'intérêt à ce roman.

L'ombre de Sethos - Série des Amelia Peabody d'Elizabeth Peters

Bien sûr, ce fut encore un réel régal de lire les aventures d'Amelia Peabody. Comme toujours, j'ai avalé ce tome avec délice. Pourtant, je reconnais que ce quatrième tome m'inquiète. Voilà 4 romans que je lis de la série d'E. Peters et j'ai comme l'impression que ça risque de tourner en rond. Oui, je ris toujours autant et l'écriture est efficace et distrayante, mais les joutes verbales Amelia/Emerson commencent à se répéter dangereusement. Le sketch à répétition, d'accord ... mais au bout d'un moment, on se lasse. De plus, je note une écriture un brin "fleur bleue" que je n'avais pas remarqué dans les autres tomes. Bien sûr, j'ai conscience que c'est volontaire et que c'est une sorte de parodie des romans Arlequin, mais cela m'a gênée. En lisant les Peabody, je désire une enquête bien ficelée, des répliques croustillantes, des fous rires, des scènes amusantes entre Amelia et Emerson. Je ne souhaite pas des torses puissants et affriolants, des héroïnes dont tout le monde tombe amoureux, des chemises masculines déchirées et j'en passe. J'espère que le 5ème tome se renouvellera un peu et qu'il ne tombera pas dans un cliché bien regrettable. 

Le maître d'escrime d'Arturo Perez-Reverte

Voilà un grand écrivain espagnol que je n'avais pas encore lu. J'ai beaucoup aimé Le maître d'escrime. Principalement, pour sa retenue. J'ai été très surprise de trouver cette histoire. Je m'attendais à de la sueur, des duels sans fin, des hommes dans la force de l'âge et une héroïne à protéger. Je suis pourtant tombée sur un vieux héros frôlant la retraite, une héroïne à la Milady comme on en fait trop peu et une histoire extrêmement lente qui s'accélèrent que dans les dernières pages. Ce fut une belle surprise. Perez-Reverte fuit les clichés et c'est un régal! J'ai été très surprise par cette lecture. Je relirai avec plaisir cet auteur. 

(Photos : Romanza2020)

samedi 19 septembre 2020

" I'd rather be a hammer than a nail "

Wild

Cheryl Strayed

10/18, 2014.

Lorsque sur un coup de tête, Cheryl Strayed boucle son sac à dos, elle n'a aucune idée de ce qui l'attend. Tout ce qu'elle sait, c'est que sa vie est un désastre. Entre une mère trop aimée, brutalement disparue, un divorce douloureux et un lourd passé de junkie, Cheryl vacille. Pour tenir debout et affronter les fantômes de son passé, elle choisit de s'en remettre à la nature et de marcher. Elle part seule pour une randonnée de mille sept cents kilomètres sur le Chemin des crêtes du Pacifique, un parcours abrupt et sauvage de l'Ouest américain. Au fil de cette longue route, elle va surmonter douleurs et fatigue pour renouer avec elle-même et finalement trouver sa voie.
Franche, dynamique et un brin déjantée, Cheryl Strayed nous entraîne grâce à ce récit humain et bouleversant sur les chemins d'une renaissance.

Quelques jours avant l'annonce du confinement, je m'étais, un soir, installée devant l'écran pour regarder Wild. Ce film me faisait de l’œil depuis un moment, mais il est bien difficile de trouver le temps de se poser devant un bon film. Cette fois-ci, c'était bon! Je me suis installée confortablement et j'ai embarqué. Ce film fut une claque. Je suis une amoureuse de la nature et de la marche depuis toujours. Je crapahute très régulièrement dans mes montagnes pyrénéennes seule, ou avec mon mari et mes enfants. Pour notre famille, aller planter une tente au milieu des sommets pour y passer la nuit est une activité régulière. Les enfants savent choisir du bois pour le feu, installent le camp et apprécient les nombreux bruits de la vie nocturne. J'ai toujours voulu tenter l'expérience d'un voyage itinérant seule. Mais j'ai encore quelques barrières qui m'empêchent de réaliser ce projet. Suivre les pas de Cheryl sur le PCT fut un régal et Reese Witherspoon est incroyable. J'ai donc très rapidement acheté le livre. Je voulais absolument replonger très vite dans cette histoire

Wild est un livre vrai et juste. L'histoire de Cheryl est authentique, sans filtre,. Ce qui rend la attachante, ce sont ses failles, ses faiblesses, ses erreurs. Elle avoue tout à son lecteur ... même les choses dont elle n'est pas fière. J'ai écouté sa confession comme l'aurait fait une amie, sans jugement. J'aime cette femme cabossée qui a trouvé la force de se relever. L'un de mes personnages préférés est celui de la mère de Cheryl. J'ai senti sa perte comme l'a ressentie Cheryl. Une absence insupportable. J'ai été très émue quand Cheryl explique qu'elle s'est perdue, qu'elle aimerait redevenir la belle personne qu'elle était, celle que sa mère a élevée. J'ai compris que l'on pouvait se perdre et s'oublier lorsque le phare de notre vie s'éteignait. 

Wild est un roman qui peut séduire beaucoup de lecteurs, même ceux qui n'aiment pas les récits de voyage. Il est bien plus que cela. C'est avant tout l'histoire d'une femme. Cheryl nous raconte son parcours vers la résilience. Il est vrai qu'elle raconte ses heures sur le PCT et qu'il est question de soif, de pieds douloureux, de tente, etc ... mais l'ensemble du roman est dédié à un chemin intérieur, plus qu'à des kilomètres de marche et de souffrance. 

Wild est un texte très bien écrit. La plume de Cheryl Strayed est juste. J'ai corné de nombreuses pages. C'est une grande lectrice et cela se sent. Les parallèles qu'elle fait entre la route et sa propre vie sont très justes. Mais le plus réussi reste la construction du livre. L'histoire est décousue. Cheryl nous offre ses souvenirs par bribes. Le puzzle s'emboîte petit à petit. 

Wild est un texte que je relirai. Il m'accompagnera souvent ... tout comme son adaptation cinématographique. J'en grappillerai quelques pages ... quand j'aurai besoin de voyages, de marche, d'aventures, mais aussi lorsque je serai pleine de doute, que j'aurai l'impression de me perdre, de m'oublier.

Wild est un roman à découvrir. Je pense que toute femme y trouvera une vérité. 

 

" La peur est en grande partie due aux histoires qu’on se raconte, alors j’avais décidé de me raconter autres choses que ce qu’on répète aux femmes. J’avais décidé que je ne courais aucun danger. J’étais forte. Courageuse. Rien ne pourrait me vaincre. M’en tenir à cette histoire était une forme d’autopersuasion, mais, la plupart du temps, ça fonctionnait. Chaque fois que j’entendais un bruit d’origine inconnue ou que je sentais quelque chose d’horrible prendre forme dans mon imagination, je le repoussais. Je ne me laissais tout simplement pas impressionner. La peur engendre la peur. La puissance engendre la puissance. Alors j’avais opté pour la puissance."

 (Photos : romanza2020)

mercredi 24 juin 2020

" Les étoiles sont vivantes, petite. Le savais-tu ? "

Les royaumes du Nord
A la croisée des mondes Tome 1
Philip Pullman 
Folio junior, 2007.


Pourquoi la jeune Lyra, élevée dans l'atmosphère confinée du prestigieux Jordan College, est-elle l'objet de tant d'attentions? De quelle mystérieuse mission est-elle investie? Lorsque son meilleur ami disparaît, victime des ravisseurs d'enfants qui opèrent dans le pays, elle se lance sur ses traces. Un périlleux voyage vers le Grand Nord, qui lui révélera ses extraordinaires pouvoirs et la conduira à la frontière d'un autre monde. 

Voilà de bien nombreuses années que la série culte de Philip Pullman est notée dans mon petit répertoire "livres à acheter". J'ai souvent tourné autour sans jamais me décider. Depuis l'an passé, je retrouve avec joie le bonheur de plonger de temps en temps dans un roman fantastique. Je me régale et voyage hors du temps avec ces histoires merveilleuses. 
J'ai beaucoup aimé Les royaumes du Nord. Dès les premières pages, j'ai littéralement embarqué avec la pétillante Lyra et son Daemon, Pantalaimon. Je reconnais avoir été un peu déstabilisée dans les premiers temps car Philip Pullman n'explique pas grand chose au lecteur et part du principe que ce dernier connaît déjà son univers ... ce qui n'est pas le cas. Il faut accepter d'avoir les informations par bribes. J'ai joué le jeu, si bien que cela ne m'a finalement pas dérangée. Au contraire, j'ai adoré faire partie de ce monde et être considérée comme un membre à part entière. 
Je me souviens d'une amie, lorsque j'étais adolescente, qui me parlait avec passion de ce texte qu'elle avait lu enfant. Je comprends que l'on se passionne pour un tel univers. Ce que j'ai particulièrement aimé et qui fait tout le génie de cette série est l'idée des Daemons. Mais quelle idée sublime! Imaginer que chaque être humain naît avec une âme qui prend la forme d'un animal qui le suit en permanence, qu'ils sont tous les deux liés par leurs émotions, leurs sensations, qu'ils s'aiment d'un amour hors du commun, .... J'ai littéralement adoré cet aspect du roman. Le fait que les Daemons changent de formes jusqu'à l'âge adulte est aussi une merveilleuse idée. La relation qui lie les personnes à leur Daemon m'a énormément émue. La scène du petit Tony ou celle de la guillotine m'ont percée le cœur. J'ai lu ces pages en apnée. 
Je suis assez scotchée par la qualité des romans jeunesse que je lis depuis quelques temps. Non pas que j'imaginais trouver une écriture sans valeur ou fade, mais je ne pensais pas avoir une plume si vive, efficace, de la complexité, de la nuance, des thèmes parfois durs, ... Que ce soit avec La Passe-miroir l'an passé et aujourd'hui avec A la croisée du monde, je suis agréablement surprise de lire ces textes ... comme une adulte. Je ne me mets pas du tout dans la peau d'une jeune lectrice. Je lis pleinement, totalement ... comme une maman de 34 ans. 
Les royaumes du Nord est un hymne à l'enfance. L'univers de ce roman est fabuleux. J'ai aimé Lyra et Pantalaimon, je suis extrêmement intriguée par Lord Asriel, par la Poussière, par cet autre monde inconnu, ... j'ai hâte de connaître la suite. 
Les tomes 2 et 3 sont commandés! 
" La lune s'était couchée entre-temps, et le ciel, au sud, était d'un noir absolu, malgré les milliards d'étoiles qui le parsemaient, tels des diamants sur un drap de velours. Mais leur éclat ne pouvait rivaliser avec l'Aurore. Jamais Lyra ne l'avait vue aussi brillante, aussi dramatiquement belle ; à chaque saccade, chaque tremblement, de nouveaux miracles flamboyants dansaient dans le ciel.Derrière ce voile de lumière qui ne cessait de changer, cet autre monde, cette cité baignée de soleil apparaissait, nette et réelle. "
(Photos : Romanza2020)

jeudi 4 juin 2020

Tout ça grâce à un déplacement de fauteuil!

Le meurtre de Roger Ackroyd
Agatha Christie

Le masque, 1992.

Cela fait tout juste un an que le mari de Mrs Ferrars est mort. D'une gastrite aigüe. Enfin, c'est ce qu'il semble. Après tout, les symptômes de l'empoisonnement par l'arsenic sont presque les mêmes... Hier, Mrs Ferrars est morte à son tour. Une trop forte dose de véronal. Suicide ? Allons donc ! Elle était encore jeune et très riche... Et puis, aujourd'hui, Mr Ackroyd a été assassiné. Cette fois, le doute n'est pas permis. Mais pourquoi ? Bien sûr, Mrs Ferrars et Mr Ackroyd paraissaient fort bien s'entendre. Surtout depuis la mort du mari. Mais de là à dire... Non, ce n'est pas possible... En tout cas, ce n'est pas si simple...

Douzième Agatha Christie et toujours un plaisir!
A dire vrai, ma lecture de ce classique de la grande dame du crime a été faussée. Je connaissais LA révélation, ce "truc" qui fait de ce roman un texte si connu. Lors d'une conférence passionnante il y a quelques années sur l'histoire du roman policier, la conférencière avait révélé l'originalité du Meurtre de Roger Ackroyd et ainsi dévoilé le si précieux secret. Cependant, je me suis toujours dit que je lirai tout de même ce texte un jour. J'étais curieuse d'observer ce tour de force d'Agatha Christie. 
J'ai vraiment pris un grand plaisir à lire ce roman. Cela faisait un moment que je n'avais pas lu d'Agatha, alors que j'en lisais au moins un par an depuis de nombreuses années. Ce court roman fut un petit bonbon agréable à la fin de la journée. Après ma longue et parfois laborieuse lecture de Shirley, Le meurtre de Roger Ackroyd m'a fait du bien. Surtout en cette période de reprise de travail après le confinement. 
Je reconnais que j'aurais aimé ne pas connaître la révélation finale afin d'être autant scotchée que pour Le crime de l'Orient express par exemple. Ceci dit, le fait de connaître la vérité m'a permis d'observer les faits et gestes d'un certain personnage (ceux qui savent comprennent), de chercher les indices, analyser les détails. Je ne peux qu'être fascinée par Agatha Christie qui nous donne toujours toutes les billes mais arrive tout de même à nous surprendre. 
Un petit Christie mondialement célèbre qui n'a pas volé sa réputation. Un meurtre fascinant, une plume de génie, un régal de lecture. 
" S'il faut en croire Kipling,la devise de la gent mangouste tiendrait en quatre mots : Va, cherche et trouve.Et selon moi la mangouste conviendrait parfaitement comme emblème à ma soeur Caroline, à supposer qu'elle s'inventât des armoiries.Quant à la devise, le dernier mot suffirait. Caroline n'a jamais besoin d'aller nulle part: elle trouve.Sans bouger de chez elle ni faire le moindre effort.Comment s'y prend elle ? Je l'ignore mais c'est un fait: rien ne lui reste caché.Ou bien peu de choses. J'incline à croire que domestiques et livreurs lui servent d'agents de renseignements.Et quand elle sort, ce n'est pas pour aller aux nouvelles mais pour les diffuser- autre de ses talents qu'elle exerce avec un brio confondant."
 (Photos : Romanza2020)