jeudi 31 décembre 2009

Un vrai Noël littéraire!

J'ai reçu pas moins de 8 livres cette année et j'en reste toute tremblante de joie ... Bon, c'est vrai que ma PAL en a pris un coup mais je suis totalement aux anges. Il y avait 2 livres au pied du sapin et j'ai reçu un bon d'achat pour la FNAC alors vous pensez bien que je m'y suis précipitée. J'ai ramené 6 romans .... Que du bonheur!

- Tout d'abord les deux livres cadeaux :



- Du côté de Castle Rock d'Alice Munro : Une nouveauté que je ne connaissais pas du tout mais qui a l'air délicieux. Des petites nouvelles parlant des ancêtres de l'auteur en Ecosse, mais aussi de l'auteur elle-même et de son amour pour la lecture.


- Gabriel Garcia Marquez. Une vie de Gerald Martin : J'avais adoré Cent ans de solitude. Je ne lis presque jamais de biographie et pourtant, à chaque fois, c'est un bonheur! L'histoire de la vie d'un écrivain sur fond d'Histoire sud-américaine.

- Mes choix FNAC :

- Emma de Jane Austen : Car je suis bien décidée à lire tous les romans de cette fabuleuse dame.

- Melmoth de Ch. R. Maturin : Un roman classique gothique dont j'entends le plus grand bien. Des ambiances comme je les aime.

- Le moine de M.G Lewis : Je veux le lire depuis très longtemps. Un roman dont j'attends beaucoup.

- L'étrange disparition d'Esme Lennox de Maggie O'Farrell : Un roman que j'ai souvent croisé mais qui ne m'a jamais intrigué jusqu'à ce que la toile en parle comme un superbe roman, passionnant et mystérieux.

- Un moment à Pékin (1 - Enfances chinoises et 2 - Le triomphe de la vie) de Lin Yutang : Une saga familiale chinoise. Je l'observais depuis longtemps sans jamais me décider à l'acheter. L'histoire d'une famille avec en arrière plan la Chine du début du XXème siècle. Je rêve de m'y plonger!

Voilà! Je suis horriblement gâtée ... mais ça fait tellement de bien!

mardi 29 décembre 2009

Comment passer un Noël d'enfer ...

Carmilla
Sheridan Le Fanu
Défi J'aime les classiques (Décembre)
Le livre de poche, Libretti, 2004.


Dans un château de la lointaine Styrie, au début du XIXe siècle, vit une jeune fille solitaire et maladive.
Lorsque surgit d'un attelage accidenté près du vieux pont gothique la silhouette ravissante de Carmilla, une vie nouvelle commence pour l'héroïne. Une étrange maladie se répand dans la région, tandis qu'une inquiétante torpeur s'empare de celle qui bientôt ne peut plus résister à la séduction de Carmilla... Un amour ineffable grandit entre les deux créatures, la prédatrice et sa proie, associées à tout jamais " par la plus bizarre maladie qui eût affligé un être humain ". Métaphore implacable de l'amour interdit, Carmilla envoûte jusqu'à la dernière ligne... jusqu'à la dernière goutte de sang !


Ce tout petit roman tient toutes ses promesses : vampirisme, horreur, mystère, sensualité. Un livre efficace et prenant que l'on lit d'une traite. Des chapitres courts qui apportent tous des éléments supplémentaires à l'intrigue. Le principal défaut de ce roman est d'ailleurs sa trop courte longueur. Le personnage de Carmilla est si complexe, envoûtant, ambivalent que j'aurais adoré la suivre plus longtemps. Carmilla pourtant passionnant semble résumé. Il est vrai que cela est cohérent avec le texte puisque c'est Laura, l'héroïne, qui raconte son histoire et avoue elle-même qu'elle zappe certains détails. Mais c'est dommage! Sheridan Le fanu n'a pas assez exploité cette intrigue passionnante. J'ai la tête pleine de questions : Pourquoi Carmilla est envoûtée par (et cherche à envoûter aussi) les jeunes filles riches? Qui est cette femme qui l'accompagne? Comment mettent-elles en place leurs pièges? Pourquoi cette apparition de Carmilla lors des six ans de Laura? Quelle est précisement l'histoire de Mircalla comtesse de Karnstein?
A part son si petit nombre de pages, je recommande fortement la lecture de ce texte. Carmilla nous replonge dans ces délicieuses ambiances gothiques, stéréotypées à souhait mais si croustillantes et nous emmène dans une intrigue bien ficelée ... malgré tout.

" Une nuit, alors que j'avais à peine six ans, je m'éveillai soudain, et, après avoir regardé autour de moi, je ne vis pas ma bonne dans la chambre. Comme ma nourrice ne s'y trouvait pas non plus, je me crus seule. Je n'eus pas peur le moins du monde, car j'étais un de ces enfants heureux que l'on s'applique à garder dans l'ignorance des histoires de fantômes, des contes de fées, et de toutes ces légendes traditionnelles qui nous font cacher notre tête sous les couvertures quand la porte craque brusquement ou quand la dernière clarté d'une chandelle expirante fait danser plus près de notre visage l'ombre d'une colonne de lit sur le mur. "
(Carmilla, Libretti, p 29/30)


(Source image : tartx.com)

jeudi 24 décembre 2009

Petit bilan de fin d'année!

Et oui, ça y est! C'est la fin de l'année (déjà!) ... Et je n'échappe pas à la coutume en venant vous parler de mes coups de coeur littéraires de cette année 2009.

J'ai découvert plusieurs auteurs que je relirai souvent au cours de mon existence, mais j'ai aussi craqué pour des classiques reconnus et réputé et même pour des artistes oubliés ....

Attention, c'est l'heure du bilan :



- L'invitation à la valse de Rosamond Lehman : Une dame rentrant progressivement dans l'oubli et c'est bien dommage. Un roman magnifique qui m'a réellement bouleversée. Le personnage d'Olivia est sublime. Un bijou à lire d'urgence!

- L'abbaye de Northanger de Jane Austen : Ce fut une petite douceur durant une période de travail assez intense. C'est ce roman qui a renforcé mon amour pour Jane Austen, qui m'a persuadée de lire entièrement son oeuvre. Un humour irresistible, une histoire d'amour sublime, une langue envoûtante et qui transporte loin de notre quotidien, une merveille!

- Secrets de famille de Louisa May Alcott : Un petit livre sans prétention, au style simple et non renversant, mais qui m'a transportée et bouleversée. Un roman que je n'ai pu lâcher jusqu'au mot "fin".

- La petite cloche au son grêle de Paul Vacca : Alors là, énorme coup de coeur pour ce tout petit livre. Un roman profondément humain, vrai, sensible. Un hymne à la littérature.

- Notre dame de Paris de Victor Hugo : Un classique de chez classique que je n'avais pas encore lu. Un monde génial, fort, puissant. Un roman digne des grandes tragédies grecques. A lire d'urgence!

- Lady Susan de Jane Austen : Tout comme Northanger abbey, ce tout petit roman m'a confirmée l'énorme talent de madame Austen. Une plume qui fait rêver ... pas moins.

- Le coeur cousu de Carole Martinez : Une très belle surprise que ce roman au doux parfum de conte et de légende.
...
- ça de Stephen King : Un gros pavé délicieux, une histoire d'amitié qui me suit continuellement depuis sa lecture, une magnifique et surprenante découverte ...

- Effi Briest de Theodor Fontane : Avec une histoire faussement simple, Fontane nous envoie au plus profond de la détresse humaine. Un roman psychologique qu'il faut lire sans attendre.

- Bonheur d'occasion de Gabrielle Roy : Le début d'une belle histoire, la découverte d'une plume sublime et sensible, la confirmation de l'immense talent des écrivains québécois.

- Rebecca de Daphné du Maurier : Le roman qui classe Daphné du Maurier dans mon Panthéon d'écrivains. Je veux tout lire d'elle ....

- Le temps où nous chantions de Richard Powers : Une magnifique découverte. Des semaines de lecture palpitantes et émouvantes, des personnages qui me suivront longtemps.


Et bien évidemment :

- A la recherche du temps perdu de Marcel Proust : Comment ne pas citer l'auteur avec qui j'ai vécu durant un an?? Voir, entendre, sentir, vivre les 7 tomes de La recherche est tout sauf sans conséquences ... Une lecture dont je suis sortie différente.


Et il y a aussi deux romans qui m'ont confirmée le talent de deux de mes auteurs chouchous qui n'ont plus rien à me prouver. Je suis conquise depuis des années et pour la vie. J'ai nommé Monsieur Dumas et Monsieur Zweig qui m'ont encore touchée cette année avec La tulipe noire et Lettre d'une inconnue.


Une année de nouveau qui fut riche en coups de coeur. Pas forcément dans le nombre, mais dans l'intensité. J'ai vraiment fait des rencontres exceptionnelles cette année, des découvertes bouleversantes. Une très bonne année littéraire.

(Source image : Henry Lamb - The artist's wife - 1933. Tate.org.uk)

Une année avec Proust!

Voilà, je suis arrivée à bout de A la recherche du temps perdu de Marcel Proust. Mais arrive t-on vraiment à bout d'une telle oeuvre? Après avoir attendu et craint tant d'années avant de me décider à ouvrir cette oeuvre, après avoir passé un an avec Swann, Odette, Françoise, Albertine, Gilberte, peut-on vraiment dire que je tire un trait dessus? Non. C'est impossible! Je n'en ai pas encore fini avec Proust. Il sera encore avec moi longtemps. Je le croiserai dans la rue, je l'entendrai dans chaque air de piano, le verrai dans chaque tasse de thé. Il y aura toujours en moi, un je-ne-sais-quoi de La recherche du temps perdu. Avoir lu Proust, c'est comme si l'on croisait ensuite en permanence des émotions, des instants de vie, des personnes appartenant au monde de la Recherche.

Après avoir lu les 7 tomes de cette œuvre majeure de la littérature, je me lance dans un dur exercice, un impossible exercice (que je ne devrais même pas envisager) : un bilan. Quels sont mes ultimes sensations, mes éventuels conseils pour tout futur lecteur de Proust? J'essaie, je me lance … sans prétention. Je ne demande même si parler de Proust est autorisé?

Certains intellectuels, férus de Proust, disent qu'il n'y a pas la moitié des lecteurs de cet écrivain qui comprennent vraiment ce que l'auteur veut dire, veut faire passer et qu'ils ne méritent pas de lire un texte aussi puissant, que c'est un roman destiné à une certaine élite. Je suis d'accord avec le fait que je suis à mille lieux d'avoir compris tout ce que j'ai lu. Proust reste pour moi comme une sorte d'énigme, un mystère. Je n'arrive qu'aux chevilles de la pensée de ce grand homme. Mais, je pense sincèrement que ce n'est pas si important que ça de ne pas tout comprendre de Proust. On tirera toujours quelque chose d'une telle lecture. Chacun y trouvera une vérité, une émotion, un apprentissage. Peu importe que l'on soit passé à côté de telle ou telle chose littéraire ou encore rhétorique ultra méga importante. L'essentiel, c'est d'avoir ressenti Proust, d'avoir été ému même si on ne sait pas vraiment pourquoi, d'avoir ri aussi (ce qui arrive assez souvent d'ailleurs), d'avoir trouvé une sensation littéraire unique, une sensation humaine … tout simplement.

Il y a aussi la catégorie de personnes qui lisent Proust comme moi, c'est à dire sans avoir spécialement le niveau intellectuel de notre cher Marcel, ni même de notre «élite» nommée précédemment, mais qui font des théories incroyables sur la notion de temps dans La recherche ou le développement du futur écrivain que sera Marcel Proust, qui sont persuadés eux d'avoir tout compris et qui en oublient peut-être un peu trop les sentiments, les ambiances, les sensations, les odeurs, les sons, les mots, la musique de La recherche du temps perdu. Si je devais conclure sur ces sept tomes intenses, épuisants, vibrants, je dirai ça. Proust, c'est avant tout des images, l'inoubliable ambiance du monde proustien. Monde de douceur, de sensation. Proust, c'est plonger dans un monde unique, s'évader plus qu'à tout autre moment du quotidien. Ce sont des ambiances avant tout : le piano (Il m'a accompagnée durant toute ma lecture de Proust : Mozart, Beethoven, Chopin.), les balades au parc, au jardin, les fleurs, l'heure du thé.

Je ne me permettrai pas de dire que telle ou telle façon de percevoir Proust est mieux qu'une autre. Comme je le disais plus haut, chacun y trouve une vérité. Certains un éblouissement purement intellectuel, d'autres une façon de briller en société, une fierté, une expérience littéraire supplémentaire et j'en passe. Pour moi, ma vérité fut tout en sensualité, en émotion. J'ai plus ressenti Proust que je ne l'ai compris. Est-ce mieux? Je n'en sais rien. Mais moi, cela me plaît. C'est comme cela que je voulais lire Proust. Je n'ai aucun regret. Je n'ai pas la sensation d'être passé à côté de son œuvre … bien au contraire.

J'ai un gros coup de coeur pour le premier tome : Du côté de chez Swann. Il est beau, drôle, nostalgique, mélancolique, satirique … Il a tout. Je trouve également que c'est le plus simple à lire. Mais j'ai également un penchant pour Sodome et Gomorrhe et Albertine disparue.

Je pense sincérement que le mieux est de faire une petite pause entre chaque tome. Ceci dit, c'est un avis personnel, chacun lit Proust comme il le veut.

Que vous dire d'autre? Je ne sais pas. J'ai un petit pincement au coeur. J'avoue qu'il y a un an en me lançant dans cette expérience je ne pensais pas tomber dans un univers si riche et prenant. Proust envahit notre quotidien, il finit par faire parti de nous.
Est-ce que je relirai La recherche?? Sincérement, je ne sais pas. Je serai peut-être même tenter de dire non. Relire des passages, sentir les romans, les toucher, les feuilleter, découvrir de nouveaux récits de ce fabuleux écrivains, écouter ses textes, oui.

Juste un dernier mot : Ouvrez-les!

Romanza


(Mes avis sur chaque tome : Ici)

lundi 14 décembre 2009

Car tout a une fin ...

A la recherche du temps perdu tome 7
Le temps retrouvé
Marcel Proust

Livre de poche, 2008.

Le séjour à Tansonville qu'évoquait la fin d'Albertine disparue s'achève, et le narrateur regagne Paris en 1916. Assuré que la littérature ne peut plus lui apporter de joies, il décide un jour de ne pas se priver des frivoles plaisirs du monde, et accepte une invitation de la princesse de Guermantes. Or, en entrant dans la cour de l'hôtel, il suffit que son pied butte contre les pavés assez mal équarris pour que lui revienne le souvenir de deux dalles inégales de Venise, et qu'une nécessité s'impose à lui : faire sortir de la pénombre ce qu'il a ressenti afin qu'en naisse une oeuvre d'art.
C'est en effet cette illumination qui importe surtout dans Le temps retrouvé paru en 1927, cinq ans après la mort de Proust, et l'assurance que "la vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent pleinement vécue, c'est la littérature" : au moment où A la recherche du temps perdu se referme, son narrateur peut devenir écrivain.


ça y est! Je viens de tourner la dernière page de La recherche du temps perdu de Marcel Proust. Qu'est ce qu'on ressent? Pour ma part, un mélange de tristesse et de soulagement. De tristesse car je viens de passer une année entière au rythme de Proust, que j'ai partagé ses émotions et ses souffrances, mais aussi un peu de soulagement, car cette oeuvre reste complexe et que l'on est content et satisfait d'arriver jusqu'à la fin. Je ressens aussi un vide ... et oui, cette année proustienne est terminée et même si cet auteur m'accompagnera longtemps, ma première découverte de Marcel Proust est finie. Une page se tourne.

Revenons à ce dernier tome (mon avis final arrivera après)! C'est un tome mûr, réfléchi. Le narrateur commence à s'occuper d'autre chose que de lui. Il s'interroge sur la guerre, la mort, la relation qu'il entretient avec les gens. Cela fait du bien de voir Proust se poser des questions sur autres choses que les problèmes mondains, même s'ils restent prédominants. Le temps retrouvé contient de magnifique passage sur la littérature, l'écriture et la lecture, ainsi que bien entendu sur le temps qui passe, la mort et la maladie. C'est un homme mourant qui écrit ce texte, qui prend du recul face à lui-même et à la vie. Le narrateur n'est plus un dandy mais un homme d'âge mûr, voire un vieil homme, sur la fin de sa vie, intéressé aux questions existentielles et vraies. Le changement de ton est flagrant.

Un très beau tome mais comme les précédents qu'il faut lire en prenant son temps et en étant serein d'esprit.

" Toute la journée, dans cette demeure un peu trop campagne qui n'avait l'air que d'un lieu de sieste entre deux promenades ou pendant l'averse, une de ces demeures où chaque salon a l'air d'un cabinet de verdure, et où sur la tenture des chambres les roses du jardin dans l'une, les oiseaux des arbres dans l'autre, vous ont rejoints et vous tiennent compagnie - isolés du moins -car c'étaient de vieilles tentures où chaque rose était assez séparée pour qu'on eût pu si elle avait été vivante la cueillir, chaque oiseau le mettre en cage et l'apprivoiser, sans rien de ces grandes décorations des chambres d'aujourd'hui où sur un fond d'argent, tous les pommiers de Normandie sont venus se profiler en style japonais pour halluciner les heures que vous passez au lit ; toute la journée, je la passais dans ma chambre qui donnait sur les belles verdures du parc et les lilas de l'entrée, les feuilles vertes des grands arbres au bord de l'eau, étincelants de soleil, et la forêt de Méséglise. "

(Le temps retrouvé, Marcel Proust, 2008, p39)




(Source image : Gustave Caillebotte, Une rue de Paris par temps de pluie en 1877. artliste.com)

samedi 12 décembre 2009

"Mademoiselle Albertine est partie!"

A la recherche du temps perdu Tome 6
Albertine disparue
Marcel Proust
Livre de poche, 2009.

"Mademoiselle Albertine est partie" Alors que le narrateur croyait souhaiter cette séparation et ne plus aimer la jeune fille, il suffit que Françoise prononce ces mots devant lui pour qu'il en souffre tout aussitôt. Il songe alors à demander à son ami Saint-Loup d'aller la chercher en Touraine, chez sa tante, si c'est bien là qu'elle est partie. Mais elle ne revient pas. A la fin de La prisonnière déjà, le départ d'Albertine nous était annoncé ; comme le précédent, ce volume paraît de manière posthume en 1925. Dans ce roman de la souffrance et du chagrin où le héros se remémore son aventure avec la jeune fille, il cherche également à percer le secret de sa vie. La fin de l'amour crée un vide, une attente - celle du Temps retrouvé, où pourra se refermer A la recherche du temps perdu.

Autant le tome 5 fut une lecture douloureuse, autant ce sixième tome fut délicieux. C'est un très beau volume que nous offre monsieur Proust. Une réflexion sur le deuil, la rupture, l'amour, l'oubli. Même si les pages d'Albertine disparue sont souvent très mélancoliques et tristes (dans les premiers instants en tout cas), on est heureux de voir le narrateur reprendre sa vie en main, commencer même à envisager d'écrire sérieusement, se séparer enfin malgré lui de la personne d'Albertine. Le narrateur jaloux et tortionnaire du tome précédent nous revient cette fois plus serein, équilibré, sage.

Le nombre de pages est considérablement réduit par rapport aux tomes précédents et la présence d'une réelle intrigue rend Albertine disparue vraiment agréable et passionnant à lire. Il n'y a pas un seul temps mort. On y retrouve avec joie la mère du narrateur, personnage que j'aime énormément. Elle y est plus présente que dans La prisonnière et suit même son fils jusqu'à Venise. Venise, moment magnifique où le héros se retrouve lui-même. Voyage symbolique qui annonce Le temps retrouvé et le futur écrivain.
Un tome vraiment magnifique, faisant parti d'un tout et pourtant à part dans La recherche. Une sorte de parcours initiatique plus fort que dans les autres romans, un événement (que je ne dévoilerai pas) qui provoquera un changement chez le narrateur, un bouleversement, une transformation.
Toujours aussi conquise.
...
L'avis de Cécile.
...
" Et tout d'un coup je me dis que la vraie Gilberte, la vraie Albertine, c'étaient peut-être celles qui s'étaient au premier instant livrées dans leur regard, l'une devant la haie d'épines roses, l'autres sur la plage. Et c'était moi qui n'ayant pas su le comprendre, ne l'ayant repris que plus tard dans ma mémoire après un intervalle où par mes conversations, tout un entre-deux de sentiment leur avait fait craindre d'être aussi franches que dans la première minute, avais tout gâté par ma maladresse. "
(Albertine disparue, Marcel Proust, 2009, p412-413)


(Source image : Tissot Hush, October. commons.wikipedia.org)

vendredi 4 décembre 2009

Achevé dans les temps!!!


En refermant Le temps où nous chantions, j'ai également bouclé mon défi Blog'o'trésors.

J'ai beaucoup apprécié de lire les petits trésors littéraires des autres blogueurs. J'ai découvert de véritables pépites. J'ai aimé Bilbo le Hobbit, énormément apprécié la plume de Nuala O'Faolain avec son Best love Rosie, ce défi a vu aussi naître une passion entre Gabrielle Roy et moi grâce à Bonheur d'occasion et je compte bien découvrir tous ses autres textes, et enfin, j'ai connu l'un de mes plus forts coups de coeur de cette année avec Le temps où nous chantions de Richard Powers.

Un grand merci à Grominou pour cette brillante idée.

Un petit poisson, un petit oiseau s'aimaient d'amour tendre .... Mais comment s'y prendre?

Le temps où nous chantions
Richard Powers
Défi Blog'o'trésor 2009


10/18, 2008.

Tout commence en 1939, lorsque Delia Daley et David Strom se rencontrent à un concert de Marian Anderson. Peut-on alors imaginer qu'une jeune femme noire épouse un juif allemand fuyant le nazisme ? Et pourtant... Leur passion pour la musique l'emporte sur les conventions et offre à leur amour un sanctuaire de paix où, loin des hurlements du monde et de ses vicissitudes, ils élèvent leurs trois enfants. Chacun d'eux cherche sa voix dans la grande cacophonie américaine, inventant son destin en marge des lieux communs : Jonah embrasse une prometteuse carrière de ténor, Ruth, la cadette, lutte aux côtés des Black Panthers, tandis que Joseph essaye, coûte que coûte, de préserver l'harmonie familiale. Peuplé de personnages d'une humanité rare, Le temps où nous chantions couvre un demi-siècle d'histoire américaine, nous offrant, au passage, des pages inoubliables sur la musique.

Je viens de vivre trois semaines fortes en émotion. Tellement intenses que je ne sais même pas comment je vais pouvoir vous parler de ce roman. Trois semaines, 1046 pages auprès de Delia, David, Jonah, Joseph, Ruth et tous les autres. Tant d'heures, tant d'instants, tant d'émotions, que tous ces personnages ont fait intégralement partis de ma vie durant ces dernières semaines. Ce roman m'a rappelée à quel point j'aime les pavés. Les gros romans créent une relation unique avec le lecteur. C'est une relation forte et passionnée, quasi fusionnelle. Les personnages, l'histoire, tout ça forme une vie parallèle à la nôtre. Les pavés nous accompagnent durant tant de temps qu'ils se mêlent intimement à notre existence réelle.
Dès les premières pages, j'ai été happée par l'ambiance unique de la famille Strom. Certes, au tout début, j'ai été déroutée par le vocabulaire musical très détaillé et précis. Etant une amoureuse de la musique, mais non une musicienne (seulement un an de violoncelle à mon actif), je n'ai, je dois l'admettre, pas tout compris. Mais on se rend vite compte que ce n'est pas important. Ce roman se préoccupe surtout des sentiments, des émotions que crée la musique. Je suis rentrée "physiquement" dans le roman pour ne plus jamais en ressortir durant la rencontre de David et Delia au concert de Marian Anderson devant le Lincoln Memorial. Je suis allée voir sur internet si cette dame ainsi que ce fameux concert avaient vraiment existés. Et effectivement! Je ne pourrais expliquer ce qui s'est passé en moi lorsque j'ai vu devant mes yeux les instants lus quelques minutes avant. J'ai eu la sensation de devenir Delia Daley, d'écouter chanter Marian Anderson, de faire partie de cette événement historique grandiose, de cet épisode déterminant de la vie de Delia et David.

Mariam Anderson au Lincoln Memorial (1939)*

Mon intérêt pour ce roman n'a fait que s'accroître. Le fait de mêler la vie des héros du roman à de véritables faits historiques est tout simplement superbe. La tragique histoire d'Emmett Till m'a scotchée durant quelques minutes. J'étais bouleversée en voyant sa photo sur internet.
Je n'ai pas toujours eu le temps de lire ces jours-ci. Malgré cela, c'était toujours un bonheur d'ouvrir ce roman. Même si c'était pour en grapiller que quelques pages. On rentre instantanément dans ce livre. Sans même y réfléchir.
Il est très dur de parler de ce roman. Il est si riche, pose tant de questions, secoue si fort notre esprit et notre coeur qu'on se retrouve à dire des banalités au moment d'écrire sur lui. Ce roman parle de tout. D'amour, de haine, de race, de non-race, de musique (partout, tout le temps, en permanence), les personnages se perdent, se retrouvent, se déchirent, mais s'aiment. Delia est le personnage qui m'a le plus secouée. Delia est un symbole, celui d'un idéal, d'une utopie (??), d'une façon de penser et de vivre qui se passe de commentaires ... mais qui doit se lire ... et se vivre ... d'urgence!!!
J'emménerai toujours un je-ne-sais-quoi de Delia et David dans ma vie. Ils m'ont bouleversée ...

Les avis de Cuné (à qui je dois cette superbe découverte) ; Karine ; Amanda ; Chimère ; ...

" Elle est trop épuisée, trop anesthésiée, trop extasiée, pour poursuivre cette conversation. Son bébé est son bébé. Son propre cas unique. Race : Joseph. Nationalié : Joseph. Poids, taille, sexe : rien d'autre que son bébé, son nouveau Jojo.
Mais l'hôpital se trompe aussi sur la couleur de ses yeux. Elle leur dit de rectifier : vert, pour la sécurité de son fils. Juste au cas où l'erreur reviendrait le hanter par la suite. Mais ils ne veulent pas rectifier. Ils ne voient pas le vert. Pour eux, la feuille et l'écorce sont de la même couleur. "
(Le temps où nous chantions, 10/18, p560)

(Sources images : *Marian Anderson au Lincoln memorial : commons.wikipedia.org ; photo main blanche, main noire : epon.unblog.fr)