Gabriële
Anne et Claire Berest
Le livre de poche, 2018.
Septembre 1908. Gabriële Buffet, femme de 27 ans, indépendante, musicienne, féministe avant l’heure, rencontre Francis Picabia, jeune peintre à succès et à la réputation sulfureuse. Il avait besoin d’un renouveau dans son œuvre, elle est prête à briser les carcans : insuffler, faire réfléchir, théoriser. Elle devient « la femme au cerveau érotique » qui met tous les hommes à genoux, dont Marcel Duchamp et Guillaume Apollinaire. Entre Paris, New York, Berlin, Zürich, Barcelone, Étival et Saint-Tropez, Gabriële guide les précurseurs de l’art abstrait, des futuristes, des Dada, toujours à la pointe des avancées artistiques. Ce livre nous transporte au début d’un xxe siècle qui réinvente les codes de la beauté et de la société.
Anne et Claire Berest sont les arrière-petites-filles de Gabriële Buffet-Picabia.
La vie de Gabriële Buffet est impressionnante. Nous la suivons dans ses jeunes années et voyons défiler auprès d'elle de nombreux personnages célèbres : Francis Picabia, Guillaume Apollinaire, Marcel Duchamp, Pablo Picasso, ... Lire ce roman, c'est faire une plongée dans le Paris du début du XXème siècle, l'ancien se heurte aux idées nouvelles, la guerre chamboule les esprits et les cœurs. Bien que le style soit très simple et parfois même journalistique, j'ai apprécié cette lecture. J'ai retrouvé avec joie l'histoire des origines de l'art abstrait. Tout ce qui touche à l'art me fascine. Même si mon cœur et mes yeux sont plus sensibles à l'art figuratif qu'à l'art abstrait, je reste passionnée par les pensées des artistes modernes. Leur démarche est sublime et je la comprends sincèrement. J'ai énormément aimé croiser Duchamp, Apollinaire, tous ces artistes qui brisent les codes, créent de nouvelles idées et ne cherchent plus que le beau. Petit coup de cœur pour la personnalité si géniale d'Apollinaire. Je n'ai qu'une envie depuis que j'ai refermé ce roman, relire mon recueil Alcools qui dort dans ma bibliothèque.
Gabriële est très particulière. Certains aspects de sa personnalité peuvent être perturbants, particulièrement son manque d'instinct maternel. Cela m'a rappelé le peu de choix de la femme à l'époque. Aujourd'hui, Gabriële Buffet aurait pu choisir de ne pas avoir d'enfants. Elle vit pour l'art. Elle donne tout pour lui. Cela a fait souffrir ses enfants et jusqu'à ses arrières-petits-enfants. Mais c'était une femme intelligente, curieuse, aventurière, féministe, une femme passionnante. Je comprends les auteures de ce roman, Anne et Claire Berest, qui ont eu besoin de parler de cette arrière-grand-mère si particulière, à la fois inspirante et choquante.
Un roman à lire ... pour ceux qui aiment l'art, la vie artistique du XXème siècle, les destins de femmes fortes.
[...] Il faut se rappeler ce que représente le fait d'être une jeune femme comme Gabriële dans la société de 1898 :
elle n'a pas le droit de porter un pantalon , sauf si elle tient dans sa main un vélo ou un cheval , elle n'a pas le droit de travailler sans l'autorisation d'un mari , elle n'a pas le droit d'exercer certaines professions , d'enseigner le latin , le grec ni la philosophie ; elle n'a pas le droit d'obtenir seule un passeport , de voter ni de faire de la politique , de disposer librement de son corps ni d'un salaire .
En revanche — et cela est vraiment une revanche — , Gabriële est autorisée , en cet automne 1898 , à entrer dans la classe de composition de la Schola Cantorum . Le début d'une révolution .[...] L'école de la Schola Cantorum devient le lieu de l'avant-garde musicale .
(Gabriële, Le livre de poche, 2018, p41)
(Photos : Romanza2019)