Passage du gué
Jean-Philippe Blondel
Pocket, 2008.
Myriam et Thomas. Pour Fred, les revoir aujourd'hui, c'est une joie violente qui prend à la gorge, bouscule et donne une force inattendue.
Il y a vingt ans, Fred a choisi de traverser, à leurs côtés, une épreuve qui n'était pas sienne. Pour leur éviter la noyade, il s'est tenu là, attentif, disponible , sans rien attendre. Avec tendresse et fermeté, il a tenu leurs têtes hors de l'eau. Une fois la tempête éloignée, il s'est effacé.
Myriam, Thomas et Fred. S'ils ont survécu, c'est que le pari le plus insensé peut être tenu. C'est que la vie peut tout donner après avoir tout retiré.
J'ai découvert
Jean-Philippe Blondel il y a des années grâce à un concours
organisé par le blog To the happy few (l'autrice Angéla
Morelli désormais). Je vous parle d'un temps que les moins de 20 ans
ne peuvent pas connaître, celui des blogs littéraires, où les
réseaux sociaux tels que Facebook ou Instagram n'existaient pas …
ou étaient encore peu utilisés. J'avais gagné à l'époque sur le
blog d'Angela donc, plusieurs romans de Jean-Philippe Blondel. Je lis
très peu de contemporains (comme vous le savez) mais cet auteur fait
partie de ceux que j'aime bien. Je grignote les 5 romans reçus en
cadeau au fur et a mesure des années et je les savoure. Rien de
transcendant mais c'est bien écrit, émouvant et juste.
Je dois reconnaître
cependant que Passage du gué est celui que j'ai le moins aimé
jusqu'à maintenant. Plus dur, plus cru, j'ai préféré la poésie
de ces autres textes (tous chroniqués sur le blog). Cependant, il est pertinent et complexe.
Blondel écrit vrai et c'est ce que j'aime chez lui. Il écrit sur la
vie et les gens avec vérité et sans jugement.
Nous suivons un couple en
plein drame qui se relèvera grâce à l'amitié d'un jeune homme,
croisé un jour. Il s'offrira à ce couple, sans rien demander en
retour, seulement le temps que ce duo se redresse et reprenne leur
vie.
Bien sûr en tant que
maman ce texte m'a beaucoup émue. J'ai souvent eu le cœur serré.
Même si je n'ai pas toujours compris et accepté les choix et les
liens qui se nouaient entre les personnages, j'ai lu leur histoire sans les
juger. Je ne sais pas comment j'aurai vécu un drame comme celui-là. J'ai assisté avec émotion, incompréhension parfois mais toujours avec respect.
Un auteur à découvrir. Il ne me reste plus qu'un roman de lui, Juke box. Je serai heureuse de le retrouver.
Je vous offre un passage du roman qui m'a énormément touchée. A en avoir le cœur au bord des lèvres. L'héroïne se promène dans la forêt et imagine son petit garçon à ses côtés. Cette sensation "d'enfant fantasmé" a eu des échos très personnels en moi.
" Je suis allée me promener avec Pierre, bien sûr. Je lui montrais tout ce qu'il devait retenir pour sa vie future, le parfum des fleurs dans les sous-bois, le coassement paresseux des grenouilles, les différents troncs des arbres et leurs écorces, les traces du passage des animaux, le bruit du vent dans les cimes. Je lui parlais à voix haute. Je voulais que, plus tard, il se souvienne, comme Fred se souvient de ses promenades avec sa mère. Je le tenais par la main. Je sais. Personne ne peut comprendre ça. Pourtant, je le tenais par la main, je sentais sa main dans la mienne et, au fur et a mesure que nous gravissions le sentier, elle grandissait, elle se faisait plus calleuse, une main d'homme que je ne reconnais pas toujours, et pourtant la douceur était la même, c'était ma propre main qui changeait, la peau se fripait, les rides s'entrecroisaient dans des figures de plus en plus complexes, les rhumatismes vrillaient les articulations, les os adoptaient des postures étranges, ma main de vieille dame dans celle de mon fils adulte. "
(Passage du gué, Jean_Philippe Blondel)