Un barrage contre le Pacifique
Marguerite Duras
Folio, 2016.
L'action se situe en Indochine française, elle met en place une mère et ses deux enfants Joseph et Suzanne vivant dans une plantation peu rentable et tentant de survivre de trafic divers. Ce roman raconte la difficulté de la vie de ce que l'on a appelé "les petits blancs" par rapport aux "grands", riches planteurs, chasseurs citadins, membres de la bourgeoisie coloniale, commerçante ou financière. Et, enfin, au-dessus de tout ce monde, omnipotents et prévaricateurs au détriment des plus pauvres des blancs, les fonctionnaires de l’administration coloniale qui ne vivent que de prébendes et d’extorsions de fonds.La mère et ses enfants ne peuvent vivre qu’aux limites de la société coloniale et aux abords immédiats des villages où vivent les indochinois dans un dénuement absolu et à la merci de toutes les maladies, de la cruauté des tigres et de la force aveugle et meurtrière des marées de l’océan. Marguerite-duras.com
Voici ma 4ème lecture de Marguerite Duras. Après Yann Andréa Steiner dont je me souviens très peu, les très beaux Cahiers de la guerre et le troublant L'amant de la Chine du Nord, j'ai retrouvé cette grande plume française avec Un barrage contre le Pacifique. Ce fut une véritable lecture immersion. J'ai senti la moiteur de l'Indochine, ses odeurs, j'ai vu ses paysages, sa poussière, sa beauté, sa pauvreté aussi. Je me suis totalement glissée entre ces pages et ce fut un véritable coup de cœur.
Je ne m'y attendais pas. Ce fut lent et subtil. Sans m'en rendre compte, je plongeais dans le roman et y pensais toute la journée. Pourtant comme ce texte est cruel!! Les personnages sont durs, antipathiques, égoïstes. Certaines scènes me hantent encore par leur violence verbale ... et parfois physique. L'écriture est juste, vraie, magnifique, pourtant l'histoire est terrible. Le texte entier est rongé par les mêmes maux qui rongent Joseph, Suzanne et la mère. J'ai eu beaucoup d'empathie pour ces trois personnages s'enfermant dans leur désespoir, dans leurs névroses. Pourtant, leurs attitudes, leurs mots, leurs cruautés aussi, sont très durs à lire. La lecture est dérangeante, prenante, addictive.
Une superbe lecture.
(Photos Romanza2017)" De temps en temps elle sortait de l’eau, s’asseyait sur la berge et regardait la piste qui donnait d’un côté vers Ram, de l’autre vers Kam et, beaucoup plus loin vers la ville, la plus grande ville de la colonie, la capitale, qui se trouvait à huit-cent kilomètres de là. Le jour viendrait où une automobile s’arrêterait devant le bungalow. Un homme ou une femme en descendrait pour demander un renseignement ou une aide quelconque, à Joseph ou à elle. Elle ne voyait pas très bien quel genre de renseignements on pourrait leur demander : il n’y avait dans la plaine qu’une seule piste qui allait de Ram à la ville en passant par Kam. On ne pouvait donc pas se tromper de chemin. Quand même, on ne pouvait pas tout prévoir et Suzanne espérait.Un jour un homme s’arrêterait, peut-être, pourquoi pas ? parce qu’il l’aurait aperçue près du pont. Il se pourrait qu’elle lui plaise et qu’il lui propose de l’emmener à la ville. "