Stoner
John Williams
France loisirs, 2012.
Né
pauvre dans une ferme du Missouri en 1891, le jeune William Stoner
est envoyé à l'université par son père – pour y étudier
l'agronomie. Délaissant peu à peu ses cours de traitements des
sols, ce garçon solitaire découvre les auteurs, la poésie et le
monde de l'esprit. Il déçoit les siens, devient professeur, se voue
corps et âme à la littérature, sert ses étudiants, assiste
impuissant aux ravages causés par une terrible crise économique et
deux guerres mondiales, se trompe d'histoire d'amour et finit par
renoncer au bonheur. Tout cela l'entame, mais rien ne le diminue :
il lit. Voilà le récit d'une vie austère en apparence, ardente en
secret.
C'est
de l'envie d'Anna Gavalda de partager son coup de cœur pour Stoner,
non publié en France, qu'est née dans l'esprit de la romancière
cette idée pas si folle : se lancer elle-même dans une libre
traduction de l'ouvrage.
C'est malheureusement une montagne de travail qui a ralenti ma lecture de Stoner. Si le boulot n'avait pas été là à me culpabiliser ("Travaille! Travaille, je te dis! Tu vas travailler oui ou non!"), j'aurai sûrement fini ce joli bijou en quelques jours. Enfin libérée de mon tsunami de choses à faire, j'ai dévoré la seconde moitié de ce roman en 2 jours.
J'ai un joli coup de coeur pour ce roman simple, touchant, profondément humain. William Stoner m'a terriblement émue. Il rentre dans mon panthéon livresque des héros les plus merveilleux ... sans nul doute. Intelligent, charismatique, juste, droit, humble, patient, généreux. Il a tout. J'ai aimé suivre ce personnage, si attachant, dans sa vie à la fois simple et tumultueuse. On pourrait croire que Stoner n'est que le récit d'une vie austère, l'histoire d'un professeur ennuyeux et guindé. Au contraire, c'est un roman où l'on retrouve tout ce qui fait la vie, l'existence. Il y a les questionnements, les remises en question, la mort, la vie de couple, la passion, le rôle de parent, les doutes. Tout ce qui fait la vie d'un homme. Je pense qu'il est impossible de s'ennuyer en lisant Stoner. Edith, Katherine, Grace, Lomax, Gordon, Dave ... Tous ces personnages rendent ce roman vivant, vibrant, passionnant. Mon coeur a souvent saigné, mais il a aimé aussi, il a trouvé la paix, il a souri. Bien que la vie de William Stoner ne soit pas très réjouissante, on ne tombe à aucun moment dans un pathos larmoyant. John Williams nous offre un roman tout en retenue, en délicatesse et en sensibilité. On referme ce roman en se disant que la vie de William Stoner a été bien remplie et belle. J'ai vraiment lu ardemment ce roman et, bien que le personnage principal soit masculin, j'ai vécu certaines scènes comme si je les vivais.
Et, bien sûr, se rajoute à toutes les qualités de ce sublime roman, ce voyage si envoûtant dans le milieu universitaire. Moi qui suis si nostalgique de mes années de faculté, j'ai retrouvé avec plaisir et émotion, ces débats, ces ambiances de travail et de réflexion, ces cours, ces couloirs pleins d'étudiants .... Cette vie universitaire si riche qui m'est si chère.
Un roman à ouvrir très vite. Un merci à Anna Gavalda ... sans elle, je n'aurai jamais découvert ce roman. Pire ... jamais connu William Stoner.
" Le passé surgissait des ténèbres où il se tenait embusqué, des êtres revenaient à la vie devant lui, tout ce qui avait vécu se mêlait au présent et les morts côtoyaient les vivants. Ainsi, l'espace d'un instant, il avait l'impression d'être emporté, compacté, dans une sorte de réalité impossible dont il ne pouvait ni ne voulait s'échapper.
Tristan et la douce Iseult marchaient devant lui, Paolo et Francesca, ls amants maudits de La divine comédie, tourbillonnaient dans les feux de l'enfer et les visages déformés par la terreur d'Hélène et du beau Parîs surgissaient de l'ombre. Il se tenait auprès d'eux avec une intimité qu'il aurait été bien incapable de partager avec ses condisciples. Tous ces jeunes gens qui vaquaient avec désinvolture d'une classe à l'autre, qui logeaient sur place, au sein même de cette magnifique université, à Columbia, dans le Missouri et qui s'en allaient pleins d'insouciance dans le grand air du Middle West. "
(Stoner, Williams, France loisirs, 2012, p 26)
(Source image : bibliotheque Lorentz à Nancy. docpatrimoine.agroparistech.fr)