J'ai découvert Balzac au collège avec La duchesse de Langeais. Une lecture éprouvante et difficile pour mon jeune âge. Pendant des années, j'ai fui Balzac comme la peste. Mais en première année de fac', on m'a demandé de lire Eugénie Grandet. Ce fut un véritable coup de coeur! Depuis j'ai lu plusieurs romans de lui : Mémoires de deux jeunes mariées, Une double famille, Adieu, Le lys dans la vallée, Le père Goriot et La fille aux yeux d'or. A chaque lecture, un grand moment de bonheur.
La femme de Trente ans est un étrange roman. Je me suis parfois ennuyée tant Balzac prend son temps. Pourtant, c'est une histoire touchante. Julie d'Aiglemont symbolise toutes ces femmes mal mariées, condamnées à une "prostitution secrète". Balzac parle de sexe. De ce passage déterminant dans la vie d'un couple. Pour lui, les hommes perdent l'amour de leur jeune épouse dès la nuit de noces. Les tirades de Julie sont sublimes (voir extrait). On plaint cette jeune femme cruxifiée sur l'autel du mariage. Il y a de beaux passages, d'autres tragiques, certains passionnants. Mais c'est vrai que j'ai parfois eu du mal. Pourquoi? Je ne sais pas exactement. J'aime la plume de Balzac, son style, sa satire. Mais dans ce roman, il y a quelque chose de réellement étrange. Un mélange de plusieurs genres, une Julie que l'on arrive jamais à vraiment cerner, ... C'est à la fois un beau portrait de femme et un roman déstabilisant.
J'ai passé de belles heures de lecture avec l'élégante plume de Balzac même si parfois son propos m'a ennuyée. J'ai aimé certains passages magnifiques (surtout dans les dernières pages. Les 100 dernières se dévorent), mais d'autres m'ont faite souffrir.
A découvrir si vous connaissez déjà Balzac. Pour ceux qui ne l'ont jamais lu, je vous conseille plus Le père Goriot ou Eugénie Grandet.
" - Obéir à la société? ... reprit la marquise en laissant échapper un geste d'horreur. Hé! monsieur, tous nos maux viennent de là. Dieu n'a pas fait une seule loi de malheur; mais en se réunissant les hommes ont faussé son oeuvre. Nous sommes, nous femmes, plus maltraitées par la civilisation que nous ne le serions par la nature. La nature nous impose des peines physiques que vous n'avez pas adoucies, et la civilisation a développé des sentiments que vous trompez incessamment. La nature étouffe les êtres faibles, vous les condamnez à vivre pour les livrer à un constant malheur. Le mariage, institution sur laquelle s'appuie aujourd'hui la société, nous en fait sentir à nous seules tout le poids : pour l'homme la liberté, pour la femme des devoirs. Nous vous devons toute notre vie, vous ne nous devez de la vôtre que de rares instants. Enfin l'homme fait un choix là où nous nous soumettons aveuglèment. Oh! Monsieur, à vous je puis le dire. Hé! bien, le mariage, tel qu'il se pratique aujourd'hui, me semble être une prostitution légale. De là sont nées mes souffrances. Mais moi seule parmi les malheureuses créatures si fatalement accouplées je dois garder le silence! moi seule suis l'auteur du mal, j'ai voulu mon mariage. "
(La femme de Trente ans, Balzac, Livre de poche, 1967, p144-5)
(Source image : La jeune grecque, Hippolyte Flandrin, 1863, Louvre. valeurseternelles.unblog.fr)