Les trois filles de Madame Liang
Pearl Buck
Livre de poche, 1986.
Madame Liang, un des plus beaux portraits de femme de Pearl Buck, domine par sa forte personnalité ce très grand roman dans lequel la Chine d'hier et d'aujourd'hui est évoquée avec la puissance d'émotion qui caractérise l'auteur de La mère.
Madame Liang a envoyé ses trois filles en Amérique pour qu'elles y terminent leurs études. Grace, l'aînée, rentrera en Chine pour mettre sa science au service de son pays, s'y marier avec un révolutionnaire et reprendre sa place. Mercy, la seconde, aura un destin beaucoup plus tourmentée, et Joy, la troisième, restera en Amérique.
Je ne pensais pas dire ça un jour mais ce roman de ma chère Pearl Buck ne m'a pas passionnée. Et je peux vous dire que ça me déchire le coeur de l'avouer.
Les trois filles de Madame Liang n'est pas pour autant inintéressant (jamais Pearl Buck ne sera inintéressante ... ça, faut le savoir). C'est une histoire simple dans la forme mais profondément complexe, qui mêle politique, relations familiales, patriotisme. Comme toujours le thème central est le combat de l'ancien et du moderne, sujet de prédilection de Pearl Buck. Ce thème est différemment repris dans ses romans, toujours de façon passionnante et nouvelle. Là, Pearl Buck nous offre une version très politique. Certes la plume délicate de cette grande dame de la littérature est toujours présente. On ressent aussi son amour pour ses deux patries l'Amérique et la Chine, sa passion des gens, sa confiance en l'être humain, .... Mais ce roman est fort différent des 8 autres romans que j'ai lu d'elle. Les trois filles de Madame Liang possède un ton très distant presque froid. Venant d'une dame qui décrit merveilleusement bien l'âme humaine et qui a un don d'empathie extraordinaire, j'en suis restée coi. On est très loin du bouleversant La mère, du sublime Pavillon des femmes, de l'inoubliable Pivoine. Parfois on retrouve quelques bribes de son incroyable don, les dernières lignes en sont un parfait exemple. Tout comme, sa capacité a nous faire ressentir physiquement les émotions de ses personnages. Dans ce roman, ce fut cette sensation d'être espionné en permanence. Le contexte aussi est très intéressant. Madame Liang militante depuis toujours se retrouve face à une nouvelle Chine, celle de Mao, bien éloignée de celle dont elle rêvait dans sa jeunesse.
Les trois filles de Madame Liang n'est pas un mauvais roman, mais quand on connaît le talent de Pearl Buck, on ne peut qu'être déçue par cette lecture.
Un texte que je conseille aux fidèles et aux admirateurs de Pearl Buck .... Pour ceux qui veulent la découvrir (et ça, je vous l'ordonne), tournez-vous vers La mère, Pivoine, Pavillon de femmes, Impératrice de Chine ou encore Vent d'Est, vent d'Ouest.
Cela faisait bien trop longtemps que je n'avais pas lu de Pearl Buck ... Je reste un peu sur ma faim avec ce texte ... J'en relirai un bientôt en espérant retrouver ma chère plume adorée.
" Minuit passé ... Mme Liang déposa son pinceau et referma son livre de comptes. La maison était silencieuse. En bas, au restaurant, ne restaient que de rares clients attardés. Mme Liang se leva, repoussant le grand fauteuil d'ébène assorti à son massif bureau chinois, hérité de son père et rapporté de sa lointaine province natale. Elle s'approcha de la fenêtre, mais n'ouvrit pas les grands rideaux de satin rouge. Bien qu'elle fût en sécurité, comme propriétaire du restaurant le plus élégant des quartiers modernes de Shangai, il n'eût pas été prudent que sa silhouette se découpât contre les vitres d'une chambre aux lumières allumées. "
(Les trois filles de Mme Liang, P.Buck, Livre de poche, 1986, p7)