Maurice
E. M. Forster
Petit bac 2015
10/18, 1989.
Depuis son plus jeune âge, Maurice est hanté par des rêves dont il s'explique mal la nature étrange et mélancolique. Puis, comme tous les jeunes gens de la bonne société anglaise, il part faire ses études à Cambridge. C'est là qu'il rencontre Clive, étudiant comme lui, auprès de qui il sent naître de nouveaux sentiments. Tentant d'abord d'ignorer cette passion, le jeune homme va peu à peu entamer un long cheminement, parfois douloureux, vers la liberté et l'affirmation de son identité. Dans ce récit intimiste à l'écriture ciselée, Forster, qui jamais ne consentit à ce que cette oeuvre soit publiée de son vivant, livre une magnifique histoire d'amour sur fond de chronique sociale de l'Angleterre puritaine des années 1920.
Maurice fut ma première lecture de E. M. Forster. D'abord étonnée par un style très détaché, j'ai vite compris que l'écriture de Forster était en réalité toute en sensibilité et en retenue. Maurice mêle avec génie scandale et politesse, réalisme et romantisme.
J'ai été touchée par l'histoire de Maurice. Forster nous conte la vie amoureuse d'un homme qui est assez banale et simple, mais parce qu'il est homosexuel cette vie devient douloureuse et semée d’embûche. J'ai aimé que l'auteur ne tombe pas dans le mélodrame, mais qu'au contraire il montre que Maurice est un être humain comme un autre, un amoureux qui doute, se questionne, aime, pleure, rêve. C'est un roman extrêmement délicat, qui va à l'essentiel, ne s'attarde pas sur du sentimentalisme inutile. Forster trouve le mot juste pour chaque émotion.
Ce roman est également très moderne pour l'époque. Je comprends pourquoi Forster n'a pas voulu qu'il soit publié de son vivant. Il parle de sexe et de désir homosexuel sans tabou ... mais toujours avec élégance.
C'est un roman très beau et optimiste. J'ai aimé cette fin qui nous interroge sur notre relation à la société. Sommes-nous prêts à être nous-même ou continuerons-nous à vivre comme le monde veut que l'on vive?
Cette première découverte de Forster fut très belle. Prise par le travail et la vie de famille, je n'ai eu que quelques minutes de lecture volées dans la journée, mais ce fut toujours des instants délicieux.
" Allumant une bougie, il contempla avec surprise son pyjama déchiré et ses membres tremblants. Il pleurait toujours sans pouvoir s'arrêter, mais le plus fort de la crise était passé. Il refit son lit et se recoucha.
Le délire de Maurice fut comme le coup de tonnerre qui disperse les nuages. L'orage n'avait pas couvé pendant trois jours, ainsi qu'il l'imaginait, mais pendant six ans. Il s'était formé dans les profondeurs obscures de son être, et son entourage l'avait épaissi. Il avait éclaté, et Maurice n'en était pas mort. La splendeur du jour l'entourait. Il se tenait sur la crête des montagnes qui enténèbrent la jeunesse. Maintenant, il " voyait ".
Il avait vécu de mensonges. Les mensonges sont l'aliment ordinaire de la jeunesse, et il s'en était avidement repu. Même si tout le monde s'en foutait, il vivrait désormais loyalement. Ne serait-ce que pour la beauté de la chose. Il essaierait de ne plus se raconter d'histoires. Pour commencer, il ne prétendrait plus être attiré par les femmes alors que seuls les hommes allumaient son désir. Il désirait, n'avait jamais désiré que les hommes. Maintenant qu'il avait perdu celui qui partageait son amour, il l'admettait enfin.
Après cette crise, Maurice devint un homme. "
(Maurice, E M Forster, 10/18, 1989)