mardi 29 septembre 2009

Peut-être est-elle trop jeune?

Effi Briest
Theodor Fontane

L'imaginaire Gallimard, 2007.

Effi Briest, jeune femme adultère, brisée par une société d'hommes, est la victime d'un monde soumis aux lois des conventions morales. Dans la Prusse dévergondée par l'argent, le destin de cette femme n'est que résignation et mélancolie. Ce roman, considéré comme le chef d'oeuvre de Fontane, est aussi l'un des chefs-d'oeuvre de l'école réaliste allemande.


C'est officiel, je vais m'intéresser de plus en plus à la littérature classique allemande. Effi Briest est un sublime roman qui rentre sans hésitation dans mes coups de cœur de l'année (en ce moment, je les enchaîne!).
Effi est une jeune fille de 17 ans qui vit heureuse avec ses parents. Un jour, un homme plus âgé qu'elle leur rend visite. Quelques heures après, Effi est fiancée à cet homme.
Encore une histoire d'adultère au XIXème siècle pourrait-on penser avec un arrière goût de déjà lu. Et pourtant, ce n'est pas du tout le cas. Pas de scènes d'amours avec amants fougueux et passionnés à la Anna Karenine ou Madame Bovary. Il n'y a aucune scène réellement explicite entre Effi et son amant. Elle ne l'aime pas. Ce roman n'est pas une histoire d'amour. Effi ne trompe pas par amour, mais par angoisse, par solitude, par désespoir. Effi n'est pas une romanesque qui cherche l'amour dans les bras d'un autre. C'est une jeune fille qui se marie pour obéir à ses parents sans vraiment y réfléchir. Elle n'a pas le choix. Elle épouse Innstetten parce que c'est ainsi. Elle espère l'aimer, être heureuse. Elle n'est pas triste de l'épouser. Un peu angoissée, mais heureuse. Mais les jours passent et la jeune Effi est livrée à elle-même dans une maison hantée et terrifiante où erre le fantôme d'un chinois, ancien habitant des lieux. Son mari s'amuse à entretenir cette angoisse. Peut-être une manière d'affirmer son autorité sur sa femme. Le « pédagogue » comme elle l'appelle la laisse seule avec ses peurs alors qu'elle n'est encore qu'une enfant. Et pourtant, cela aurait été simple de créer un mari cruel et méchant. Mais non, Fontane aime la complexité. Innstetten est un homme aimable et doux. Sa superiorité et sa fierté masculines se manifesquent plus subtilement que par la violence brute et crue.

Durant les toutes premières pages (les 5 premières seulement, rassurez-vous!), il faut s'habituer au style de Theodor Fontane. Sa plume possède une certaine ironie dans les premiers chapitres, un recul, un détachement qui déstabilise. Mais ça ne dure pas et c'est le grand géni de cet auteur. En une seconde, il bouleverse notre vision d'Effi et l'idée que l'on avait de son écriture. Sa plume distante devient compatissante, Effi la rêveuse devient une jeune fille qui nous ouvre son coeur et qui s'angoisse pour son futur mariage, l'intrigue s'étoffe, les prochains événements se dessinent :
« Mme von Briest était troublée. Elle se leva et embrassa Effi :
- Tu es une enfant. De la beauté et de la poésie! Tu te fais des idées; la réalité est tout autre et souvent, au lieu de lumière, mieux vaut l'obscurité »
(p49).
Des scènes d'une grande beauté et d'une grande profondeur, mais qui tout comme celles de Jane Austen peuvent parfois déstabiliser par leur apparente simplicité. Theodor Fontane ne fait pas dans le grandiose. Pas de scènes larmoyantes, peu de sang et de pleurs, et pourtant, un roman d'une infinie beauté, une histoire d'une tristesse incroyable, des personnages complexes et travaillés.
Un autre aspect du roman m'a passionnée, le côté très Catherine Morland (héroïne de Northanger abbey de Jane Austen) d'Effi, le comique en moins. On a de la peine pour Effi lorsqu'on la voit totalement terrifiée par ces histoires de fantômes qui hantent sa maison. Un roman qui reprend les ambiances gothiques anglaises pour notre plus grand bonheur.
Bref, vous aurez compris que ce roman m'a passionnée et mérite que l'on si attarde. Il est superbe à lire, mais ouvre également de nombreuses et interminables portes de réflexions. Un style simple mais qui cache une profondeur incroyable.
Laissez-vous porter par la triste histoire d'Effi … Je suis encore bouleversée par la fin de ce roman. Principalement, par la toute dernière scène qui m'a totalement rebellée!

" Effi, pour qui l'air libre avait plus de valeur encore que la beauté du paysage, évitait les boqueteaux et suivait plutôt la grande route, bordée d'abord de vieux chênes, puis de peupliers, jusqu'à la gare où l'on parvenait en une heure de temps. Tout lui était bonheur, elle respirait avec joie le parfum du colza et du trèfle, elle suivait l'envol des alouettes, elle comptait les puits et les auges où allait boire le bétail. "

(Effi Briest, L'imaginaire Gallimard, 2007, p 333)

(Source image : impressionism-art.org)

vendredi 25 septembre 2009

"Mrs Dalloway dit qu'elle se chargerait d'acheter les fleurs"

Les heures
Michael Cunningham

10/18, 2004.

Clarissa est éditrice à New York à la fin du XXe siècle ; Virginia est écrivain en 1923 dans la banlieue de Londres ; Laura est mère au foyer à Los Angeles en 1949. Tandis que s'écoulent les heures d'une journée particulière, un réseau de résonances subtiles apparaît peu à peu entre ces trois femmes en quête de bonheur, jusqu'à la révélation finale, bouleversante. Sous la plume de Michael Cunningham, d'une grâce presque irréelle, les sentiments les plus furtifs, les émotions les plus impalpables ont la fragilité et l'amertume des occasions perdues, de la douleur de vivre.

Véritable coup de coeur!
J'ai dégusté chaque mot, chaque sensation, chaque ambiance. J'ai pris le temps de comprendre, de savourer. Ouvrir ce roman fut pour moi comme une immersion totale dans un autre monde. J'y ai trouvé le bonheur des instants simples de la vie, mais aussi la tristesse, la morsure du temps et de la maladie, la douleur, l'envie de crier.
Nous suivons une journée dans la vie de trois femmes qu'en apparence tout sépare. Elles viennent de trois lieux différents et vivent dans trois époques différentes. Mais une chose les rapproche : un roman. Plus exactement Mrs Dalloway. Dans les années 20, Virginia Woolf l'écrit. Dans les années 40, Mrs Brown le lit. A notre époque, une éditrice de 50 ans porte le même prénom que l'héroïne du roman, Clarissa. Son plus proche ami l'appelle affectueusement Mrs Dalloway. On suit ces trois femmes dans cette journée à la fois étrange et banale. Mrs Woolf obéit à son mari tout en luttant contre les démons qui la ronge. Mrs Brown tente de résister à son envie de lire et prépare un gâteau pour l'anniversaire de son époux. Clarissa organise une réception en l'honneur de son vieil ami Richard.
Ce roman m'a énormément touchée. Déjà par sa plume douce, subtile, comme un écho à la plume de Virginia Woolf. J'ai aimé suivre Clarissa dans les rues, Mrs Brown dans sa cuisine et Virginia sur sa table de travail. Ce roman, malgré les drames et la tristesse qui s'en dégage, à quelque chose de calme et d'apaisant. On voit les personnages évoluer devant nos yeux, on a envie de crier comme eux, de s'arracher à cette dépendance affective qui les paralyse et pourtant, les font aussi vivre.
Lorsqu'arrive la fin, on retourne en arrière pour trouver des signes, des explications, pour comprendre.
Un roman puissant, beau, tragique et éblouissant. Rien à jeter, tout à déguster. Une magnifique découverte.
...
Le titre de mon billet est la première phrase du roman Mrs Dalloway de Virginia Woolf.
...
" Elle a su qu'elle aurait du mal à avoir confiance en elle, chez elle, dans les pièces de sa maison, et lorsqu'elle a regardé ce nouveau livre sur sa table de chevet, posé sur celui qu'elle avait terminé la veille au soir, elle a tendu machinalement la main vers lui, comme si la lecture était la première obligation du jour, unique et évidente, le seul moyen viable de surmonter le passage du sommeil aux tâches obligées. "
(Les heures, M. Cunningham, 10/18, 2004, p44)


(Source image : flickriver.com)

dimanche 20 septembre 2009

"Ces millions de trajectoires solitaires"

Les heures souterraines
Delphine de Vigan
JC Lattès, 2009.

Mathilde et Thibault ne se connaissent pas. Au cœur d'une ville sans cesse en mouvement, ils ne sont que deux silhouettes parmi des millions. Deux silhouettes qui pourraient se rencontrer, se percuter, ou seulement se croiser. Un jour de mai.
Les heures souterraines est un roman vibrant et magnifique sur les violences invisibles d'un monde privé de douceur, où l'on risque de se perdre, sans aucun bruit.

J'ai ouvert ce roman un peu sur la défensive. Le thème, le titre, l'auteur, je ne partais pas totalement convaincue. J'aime les lectures qui me font m'évader loin de mon quotidien, qui me détendent, m'apaisent. Un roman parlant des violences silencieuses du monde du travail, de l'atmosphère pesante de la ville, de la solitude dans la foule et de l'angoisse qui empêche de vivre n'est pas vraiment un roman qui détend. Les thèmes durs sont nécessaires, vitaux. Mais je dois avouer que d'habitude, mes envies vont vers des styles moins contemporains, moins proches, moins accessibles, touchant moins à notre vie actuelle. Mais cela étant dit, j'ai aimé ma lecture. J'ai été touchée par l'histoire de Mathilde et par celle de Thibault. Mathilde vit un véritable calvaire, une tragédie silencieuse. Ce roman montre bien que l'horreur n'est pas forcément crue, brutale, sanglante. Elle peut se manifester n'importe quand, à n'importe quel moment. Elle apparaît silencieusement, à l'abri des regards et détruit petit à petit, sans faire de miettes, sans hurlements. "A trente ans, elle a survécu à la mort de son mari. Aujourd'hui, elle en a quarante et un connard en costume trois pièces est en train de la détruire à petit feu. " (p174).
Un roman a ne pas lire dans un moment de déprime. Un roman qui nous montre les gens que l'on croise dans la rue, dans les transports, différemment. On possède tous notre part de drames et de souffrances silencieuses.

" Ou bien elle rencontrerait un homme, dans le wagon ou au café de la gare, un homme qui lui dirait madame vous ne pouvez pas continuer comme ça, donnez-moi la main, prenez mon bras, posez votre sac, ne restez pas debout, c'est fini, vous n'irez plus, ce n'est plus possible, vous allez vous battre, je serai à vos côtés. Un homme ou une femme, après tout, peu importe. Quelqu'un qui comprendrait qu'elle ne peut plus y aller, que chaque jour qui passe elle entame sa substance, elle entame l'essentiel."
(Les heures souterraines, Delphine de Vigan, 2009)



(Source image : slauro.blog.pacajob.com)

samedi 19 septembre 2009

Nous sommes tous des mangeurs de soleil!

Le soleil des Scorta
Laurent Gaudé

J'ai lu, 2007.

La lignée des Scorta est née d'un viol et du péché.
Maudite et méprisée, cette famille est guettée par la folie et la pauvreté. A Montepuccio, dans le sud de l'Italie, seul l'éclat de l'argent peut éclipser l'indignité d'une telle naissance. C'est en accédant à l'aisance matérielle que les Scorta pensent éloigner d'eux l'opprobre. Mais si le jugement des hommes finit par ne plus les atteindre, le destin, lui, peut les rattraper. Le temps, cette course interminable du soleil brûlant les terres de Montepuccio, balayera ces existences de labeur et de folie.
A l'histoire de cette famille hors du commun se mêle la confession de sa doyenne, Carmela, qui résonne comme un testament spirituel à destination de la descendance. Pour que ne s'éteigne jamais la fierté, cette force des Scorta.
Goncourt 2004.

Je viens de passer des moments de lecture très forts et passionnés.
Le soleil des Scorta est un roman puissant sur la force de la terre, de l'amour, de la peur, de la fraternité. Un roman dans la droite ligne des grandes tragédies grecques. Une histoire de fatalité et de malédiction qui prend aux tripes. Des scènes horribles (le vol des médailles, la fin de Luciano au début du roman) qui croisent des scènes d'une poésie rare (l'histoire d'Elia et Maria, et surtout celle de Donato et Alba. Magnifiques!). Une belle plume que celle de Laurent Gaudé qui nous emméne dans la chaleur étouffante d'un village italien. On sent la morsure du soleil sur notre corps, le poids de l'hérédité, l'amour des siens.
Une belle et émouvante saga familiale qui se lit toute seule.

" La chaleur du soleil semblait fendre la terre. Pas un souffle de vent ne faisait frémir les oliviers. Tout était immobile. Le parfum des collines s'était évanoui. La pierre gémissait de chaleur. Le mois d'août pesait sur le massif du Gargano avec l'assurance d'un seigneur. Il était impossible de croire qu'en ces terres, un jour, il avait pu pleuvoir. Que de l'eau ait irrigué les champs et abreuvé les oliviers. Impossible de croire qu'une vie animale ou végétale ait pu trouver - sous le ciel sec - de quoi se nourrir. Il était deux heures de l'après-midi, et la terre était condamnée à brûler. "
(Le soleil des Scorta, Laurent Gaudé, Folio, 2007, p 11)


(Source image : marie.guenro.free.fr)

Je craque, tu craques, il craque, nous craquons ....

Après une escapade livresque, je reviens avec quatre trèsors :
  • La femme de trente ans de Balzac : Parce que j'aime Balzac et que je veux (presque!) tout lire de lui.
  • Le merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède de Selma Lagerlöf : Mon frère m'en parle depuis longtemps, je me devais de découvrir de chef d'oeuvre de la littérature nordique.
  • Deux Rougon-Macquart : Pot-Bouille et La faute de l'Abbé. Je veux lire tous les romans de cette série et puis, parce que Zola reste LE grand Zola.

C'est important parfois de sortir de son trou!

Bilbo le Hobbit
J R R Tolkien
Défi Blog'o trésor 2009.

J'ai lu, 1978.
Edition récente :Livre de poche, 2001.

Bilbo le Hobbit nous apparaît comme une sorte de petit personnage pourvu de pantoufles qui lui poussent aux pieds. D'un naturel plutôt tranquille, aimable et drôle, il se voit un beau jour engagé malgré lui par Gandalf le Magicien dans une prodigieuse expédition, en quête d'un trésor volé et gardé par un dragon.

Grâce à un anneau dérobé à une étrange créature nommée Gollum, Bilbo acquiert le pouvoir de se rendre invisible. Ainsi peut-il se mesurer à des ennemis beaucoup plus puissants que lui.

Mais l'anneau enchanté et l'aide de Gandalf lui suffiront-ils pour triompher dans la Bataille des Cinq Armées et reconquérir le fabuleux trésor?

Bilbo le Hobbit est un concentré de bonne humeur. On fait un véritable plongeon en enfance en lisant ce texte. Magie, amitié, humour, monstre, combat, trésor, tout y est pour nous faire passer un moment merveilleux. On suit les péripéties de Bilbo chapitre après chapitre sans se lasser. On s'imagine vite en membre de l'expédition portant, nous aussi, notre baluchon et tentant de survivre aux trolls, aux gobelins, aux araignées géantes, aux loups affamés, au froid, à la faim et j'en passe. Ce roman m'a donnée envie de lire Le Seigneur des anneaux, surtout en lisant certains détails qui se retrouvent dans la trilogie comme le personnage de Gollum, l'anneau ou encore Elrond, …

J'ai aimé les poèmes et autres chansons qui parsèment le texte. J'ai trouvé que ça participé à la bonne humeur, aux merveilleux du texte. Grâce à eux, Tolkien nous fait davantage rentrer dans ce monde incroyable qu'il a inventé.

Le ton frais et passionné de Tolkien m'a donnée envie de lire ce texte à voix haute. Cet écrivain est un véritable conteur.

Un roman pour petits et grands réellement passionnants et reposants.

« Dans un trou vivait un hobbit. Ce n'était pas un trou déplaisant, sale et humide, rempli de bouts de vers et d'une atmosphère suintante, non plus qu'un trou sec, sablonneux, sans rien pour s'asseoir ni sur quoi manger : c'était un trou de hobbit, ce qui implique le confort.

Il y avait une porte tout à fait ronde comme un hublot, peinte en vert, avec un bouton de cuivre jaune bien brillant, exactement au centre. »

(Bilbo le hobbit, Tolkien, J'ai lu, 1978, p 9)


(Source image : gothic.centerblog.net)

vendredi 18 septembre 2009

Dans un souffle de vent ...

Le vent se lève, la pluie se fait plus fréquente, le froid commence à piquer les joues, les envies de tasses de thé brûlantes sont plus fortes que d'habitude … Je souris en regardant les feuilles des arbres rougir, en entendant les gouttes de pluie s'éclater sur mes carreaux et en appréciant la chaleur de mon bon pull douillet. L'automne est là! Ça signifie que c'est le retour des longues heures de lecture enroulée dans mon plaid et une tasse de thé pas loin. Je vais pouvoir me plonger dans les romans que je garde précieusement depuis des mois pour les jours de froid. A nous deux W,Wilkie Collins. Je t'attends Daphné du Maurier, et vous aussi mes chères sœurs Brontë. Edgar Poe, j'arrive ….. J'aime me garder certaines lectures, classiques, victoriennes ou autres, pour les mois d'automne et d'hiver. Il y a comme une ambiance mystérieuse et envoûtante mais aussi douillette et chaleureuse dans l'air qui est parfaite pour lire les sœurs Brontë, Dickens, Austen, Goudge, Radcliffe mais aussi tant d'autres ….



Bel automne tout en lecture …


(Source image : flemos.wordpress.com - Waterhouse Boreas)

Des préférences sexuelles

A la recherche du temps perdu Tome 4
Sodome et Gomorrhe
Marcel Proust
Livre de poche, 2008.

Posté dans l'escalier pour épier le retour du duc et de la duchesse de Guermantes, c'est en fait M. de Charlus que le narrateur aperçoit soudain dans la cour de l'hôtel : avec le giletier Jupien, le baron échange des regards troublants, avant de la suivre dans la boutique qui donne sur la cour ; intrigué, le narrateur change alors de poste d'observation, et descend dans une boutique vide et contigüe d'où il n'entend que des sons violents, mais qui par la suite suffiront à lui faire comprendre « qu'il y a une chose aussi bruyante que la souffrance, c'est le plaisir ».Paru en deux volumes en 1921, puis l'année suivante, Sodome et Gomorrhe est en effet pour le héros la révélation de l'homosexualité masculine dont le romancier brosse un tableau sans indulgence, que suivra vers la fin du livre l'évocation des penchants d'Albertine, maintenant entrée davantage dans la vie du héros qui s'irrite de ses fréquentations. Car Sodome et Gomorrhe est aussi autre chose qu'un roman de l'inversion, et Proust n'a pas tort de dire à son éditeur Gallimard : « Cet ouvrage est le plus riche en faits psychologiques et romanesques que je vous aie encore donné. »

Bien que Proust soit mon chouchou et que je me régale en lisant ses romans, j'avoue que jamais je n'aurai pensé lire Sodome et Gomorrhe aussi vite. Proust, même si je l'aime de tout cœur, reste un auteur parfois dur à lire, au style vite fatigant. Je ne pensais pas que l'on pouvait dévoré un volume de La recherche du temps perdu en un rien de temps … et pourtant … si! Je viens de m'engloutir 600 pages de Proust en une semaine sans me forcer, avec le sourire aux lèvres et le cœur plein d'amour.
Sodome et Gomorrhe se dévore. J'ai totalement été prise dans le roman. Je n'arrivais presque plus à le lâcher. C'est, sans aucun doute, le tome le plus drôle de La recherche, en tout cas pour l'instant. J'ai énormément ri. Sodome et Gomorrhe voit réapparaître les salons de Mme Verdurin et ça, ça vaut de l'or. Et puis, M. de Charlus, à la fois si comique et si touchant. Les réflexions de Proust, ses critiques, ses interpellations au lecteur, le tout crée un mélange de satire, de comédie de moeurs et d'humour décapant.
Mais ce tome voit apparaître aussi une grande sensualité. Chaque mot, chaque phrase, chaque instant est imprégné d'érotisme et de désir. Un texte où l'on parle de sexe, de préférence, de séduction.
Enfin, malgré l'ambiance sensuelle et le ton humoristique de ce roman, on retrouve, dans certains passages, la magnifique et bouleversante plume de Proust. Lorsque le narrateur prend enfin conscience que plus jamais il ne verra sa chère grand-mère ou lorsqu'il parle de la transformation de sa mère depuis cette cruelle perte, les larmes me sont venues aux yeux. Marcel Proust a vraiment l'art de mettre exactement chaque mot là où il faut, de trouver dans chaque âme, chaque lecteur, un écho à ce qu'il dit, ressent, évoque.
Un magicien des émotions et des mots.

" Dans chacune des trois lettres que je reçus de maman avant son arrivée à Balbec, elle me cita Mme de Sévigné, comme si ces trois lettres eussent été non pas adressées par elle à moi, mais par ma grand-mère adressées à elle. Elle voulut descendre sur la digue voir cette plage dont ma grand-mère lui parlait tous les jours en lui écrivant. Tenant à la main l' "en-tout-cas " de sa mère, je la vis de la fenêtre s'avancer toute noire, à pas timides, pieux, sur le sable que des pieds chéris avaient foulé avant elle, et elle avait l'air d'aller à la recherche d'une morte que les flots devaient ramener. "
(Sodome et Gomorrhe
, Proust, Livre de poche, 2008, p 244)

(Source image : histoire-image.org - Robert de Montesquiou par Boldini)

Défi bouclé!


En refermant De la part de la princesse morte, j'ai terminé dans les temps le Défi Au délà des mots.
J'ai donc lu en 1 an 9 romans de 9 "genres" différents :
La biographie : La demoiselle d’opéra – Guy des Cars
L’historique : De la part de la princesse morte – Kenize Mourad
Le classique : Notre dame de Paris - Victor Hugo
Le roman étranger : L’immeuble Yacoubian - Alaa El Aswany
Le recueil de nouvelles : Le silence de la mer et autres nouvelles - Vercors
Le policier : Le fantôme de l’opéra – Gaston Leroux
Le fantastique : L’enchanteur - René Barjavel
La littérature jeunesse : Sans famille - Hector Mallot
L’aventure : Le monde perdu – Sir Arthur Conan Doyle

Je suis tombée que sur de sublime roman. Ma préférence revient tout de même à Notre Dame de Paris qui reste pour moi un énorme coup de coeur. Je reste émue et éblouie devant une telle œuvre.
Un beau défi ...

Toute une Histoire??

De la part de la princesse morte
Kenize Mourad
Défi Au délà des mots 2008/2009


Livre de poche, 2006.



«Ceci est l'histoire de ma mère, la princesse Selma, née dans un palais d'Istanbul … »Ce pourrait être le début d'un conte ; c'est une histoire authentique qui commence en 1918 à la cour du dernier sultan de l'Empire ottoman.Selma a sept ans quand elle voit s'écrouler cet empire. Condamnée à l'exil, la famille impériale s'installe au Liban. Selma, qui a perdu à la fois son pays et son père, y sera « la princesse aux bas reprisés ». Je ne vous mets pas toute la quatrième de couverture car elle en dit un peu trop.



Je crois que j'ai la main chanceuse en ce moment. De la part de la princesse morte est un merveilleux roman historique que vous devez lire d'urgence. Vous embarquerez dans un monde extraordinaire, vous croiserez des sultans et des Rajahs indiens, vous pleurerez, vous apprendrez beaucoup sur le monde, sur l'Islam, sur la Turquie et même sur la France. Vous ouvrirez un roman intelligent, beau et inoubliable. Le destin de Selma est tout simplement incroyable, bouleversant, à la fois terrible et sublime. Kenize Mourad étant la fille de Selma, l'héroïne du roman, le texte n'en devient que plus émouvant. Une écriture simple et touchante. Des émotions mises à nue, l'histoire d'une femme qui se livre, explique, cherche sa voie, son destin tout en étant prise, malgré elle, dans les tourments de l'Histoire. Selma n'est
pas déifiée. Elle est humaine. Parfois, elle nous agace, à d'autres moments, l'envie nous prend de la serrer dans nos bras. Selma est vivante près de nous, elle bouge, parle, se bat, pleure et rit quelques fois. Un roman qui chamboule nos émotions, les secoue.
On rentre dans cette Histoire comme si elle nous happait. On est totalement immergé par le texte, on ne veut plus en sortir. 600 pages qui se lisent en un rien de temps. Mais c'est aussi un roman intelligent. J'ai énormément appris en lisant ce texte : la lutte entre sunnites et chiites, la domination britannique en Inde, la religion musulmane, l'Empire Ottoman, la vie parisienne durant l'occupation, l'étiquette à la Cour d'un Rajah indien, ainsi que celle de mise dans les palais ottoman … Bref! Un roman très recherché, qui nous fait nous poser beaucoup de questions, nous bouscule. Un livre qui chamboule le cœur et l'esprit.

Et pourtant, un argument vient basculer cet avis élogieux et pas le moindre. C'est un aspect du roman qui m'a choquée, outrée. Kenize Mourad parle de la tolérance et de l'accueil des turques pour toutes les autres nationalités ou même religions, j'ignore si c'est vrai mais je reste idéaliste et y croit. Mais elle dit également que cette fraternité existe aussi pour tous les arméniens. Sachant que ce passage se situe dans les années 1910. Aurait-elle oublié le génocide?? Je me suis posée beaucoup de questions après avoir lu ça. Comment a t-elle pu faire un sublime roman sur la vie, la tolérance, l'amour, mais aussi sur les conséquences horribles de la guerre et de la haine et affirmer que les arméniens ont toujours été bien traités en Turquie? Je reste dans le flou et dans l'incompréhension totale. Au final, est-ce vraiment un roman historique? Je suis à la fois en colère, choquée, mais aussi persuadée que ce roman vaut le coup d'être lu. Dur dur!!

«Par une chaude matinée de juillet la sultane et sa fille sont donc
parties pour l'hôpital. Selma a passé la journée à confectionner des petits paquets pour les blessés. Une kalfa a préparé des mouchoirs de gaze rose, dans chacun, on a mis un paquet de tabac, des friandises et quelques pièces d'argent, puis on l'a fermé avec un beau ruban de satin
bleu. Il y en a des centaines, emplissant à ras bord les profonds paniers ornés de volants. C'est du plus bel effet, et Selma ne se tient pas de joie à l'idée d'une expédition aussi inhabituelle. "



(De la part de la princesse morte, K. Mourad, Livre de poche, 2006, p48.)



(Source image : galerie-com.com Femme au tambourin)

La magie est en chacun de nous ...

Le coeur cousu
Carole Martinez
Nouvelle revue française, Gallimard, 2007.

Frasquita Carasco a dans son village du sud de l'Espagne une réputation de magicienne, ou de sorcière. Ses dons se transmettent aux vêtements qu'elle coud, aux objets qu'elle brode : les fleurs de tissu créées pour une robe de mariée sont tellement vivantes qu'elles faneront sous le regard jaloux des villageoises ; un éventail reproduit avec une telle perfection les ailes d'un papillon qu'il s'envolera par la fenêtre ; le coeur de soie qu'elle cache son le vêtement de la Madone menée en procession semble palpiter miraculeusement …
Frasquita a été jouée et perdue par son mari lors d'un combat de coqs. Réprouvée par le village pour cet adultère, la voilà condamnée à l'errance à travers l'Andalousie que les révoltes paysannes mettent à feu et à sang, suivie de ses marmots aux aussi pourvus -ou accablés- de dons surnaturels …
Le roman fait alterner les passages lyriques et les anecdotes cocasses ou cruelles. Le merveilleux ici n'est jamais forcé : il s'inscrit naturellement dans le cycle tragique de la vie.

Une merveille!
Je viens de faire un sublime voyage dans l'univers de Carole Martinez. Lorsqu'on ouvre ce roman, un vent violent du désert, un chant lointain espagnol, un souffle de vieilles légendes viennent se lover au creux de notre cou et nous murmurent des histoires inoubliables.
Je ressors bouleversée de ce livre. J'ai ri parfois, mais j'ai surtout été profondément émue, remuée, retournée. Un récit rempli de contes et d'histoires merveilleuses, un récit où l'on croise un homme-locomotive, une femme qui brille, un ogre terrifiant, un homme recousu et tant d'autres personnes toutes aussi inoubliables. Je me suis attachée, au point de ne plus vouloir les quitter, aux personnages de ce sublime roman. J'ai été bouleversée par Anita la muette, Angela la femme oiseau, Pedro l'artiste aux cheveux rouges, Martirio la messagère de la Mort, Clara l'enfant lumière et Soledad l'éternelle solitaire.
Chacun des courts chapitres de ce roman apporte son lot de légendes, de magie, de poésie. Un livre dur traitant de sujets parfois violents, mais également un roman magnifique sur les femmes, sur leur combat, leur solitude, leur malheur.
Un roman sublime!

« Mon nom est Soledad. Je suis née, dans ce pays où les corps sèchent, avec des bras morts incapables d'enlacer et de grandes mains inutiles. Ma mère a avalé tant de sable, avant de trouver un mur derrière lequel accoucher, qu'il m'est passé dans le sang. Ma peau masque un long sablier impuissant à se tarir. Nue sous le soleil peut-être verrait-on par transparence l'écoulement sableux qui me traverse. LA TRAVERSEE. Il faudra bien que tout ce sable retourne un jour au désert. » (Le coeur cousu, C. Martinez, NRF, 2009, p9)

(Source image : Petite femme espagnole, livegallerie.com)

Quelques achats ...

Et oui! On reste une dévoreuse de livres quoiqu'il puisse arriver.

Plusieurs achats durant cette période d'absence, mais aussi des cadeaux!


Tentant de consoler ma grande frustration de ne pouvoir vous parler de mes dernières lectures, je me suis offerte quelques romans dans la vieille bouquinerie de ma ville. Je me suis faite très plaisir. J'ai eu la tête dans les nuages durant un petit moment.

Tout d'abord, j'ai fait le plein de belles lectures hivernales :

- Deux romans de Daphné du Maurier. J'ai déjà dévoré Les oiseaux et autres nouvelles de cette grande dame et possède Rebecca que je garde précieusement. Quand le meilleur moment pour l'ouvrir viendra, je l'entamerai avec émotion. Je ramène donc de la bouquinerie Ma cousine Rachel et L'auberge de la Jamaïque. Cette digne héritière de mes chères soeurs Brontë va, je le sens, me faire passer des instants inoubliables. Je n'arrête pas les toucher, de les sentir, de les regarder depuis qu'ils sont en ma possession.


- J'ai ramené aussi un W. Wilkie Collins : Basil. Bien que je n'ai toujours pas lu les mots de cet auteur, je l'aime déjà et me crée petit à petit une collection Collins. Après La dame en blanc et Seule contre la loi, voilà Basil. Le rayon « victorien » de ma bibliothèque s'agrandit dangereusement.

- De grandes espérances de Charles Dickens que je veux lire depuis longtemps.

- J'ai également ramené un roman de mon cher Dumas :


La dame de Monsoreau en deux tomes. Parce que je veux tout lire de Dumas et que ce dernier est un roman qui me tente depuis très lontemps.

Et enfin, sur un coup de tête :


- Le fil du rasoir de Somerset Maugham. J'ai vaguement étudié cet écrivain à l'université, mais je n'en ai, pour être franche, presque aucun souvenir. Il y avait plusieurs de ces romans chez le bouquiniste, tous dans cette vieille collection «kitsch» des années 50. Ils m'ont attirée, il a fallu en choisir un, j'ai pris Le fil du rasoir. Les premiers mots m'avaient déjà transportée. On verra bien!

Donc voilà, encore des livres qui m'ont sautée dans les bras (si si, je vous jure!!) … Je sens que l'automne et l'hiver vont être douillets, littéraires et passionnants!

Les cadeaux maintenant. Le mois dernier, j'ai fêté mon anniversaire et comme chaque année, grâce a une famille et des amis superbes, j'ai reçu des petits livres en cadeau.

- Nouvelles complètes de Marcel Aymé. J'avais dévoré Les contes bleus du chat perché étant jeune adolescente. J'en garde un souvenir ému. J'ai eu le plaisir de recevoir ce gros livre contenant toutes les nouvelles et tous les contes écrits par Marcel Aymé.

- Les heures souterraines de Delphine de Vigan. Je ne connais pas du tout. Ce sera une découverte pour moi.


- Le soleil des Scorta de Laurent Gaudé. Je suis en train de le lire et je peux déjà vous dire qu'il me plaît.

ça y est!

Je suis de nouveau connectée! On fait péter le champagne!!
Je vous poste tous mes avis en retard au fur et à mesure de la journée ...

mercredi 16 septembre 2009

Des nouvelles!

Coucou la blogosphère!
Je n'ai toujours pas internet et je commence vraiment à être en colère. 1 mois et demi sans connection, juste parce que j'ai déménagé d'une rue .... Gggrrr!!
Mais bon! Je me dis que c'est pour mieux vous retrouver après ...
Lou m'a contactée pour le Bloody swap, que je puisse y participer malgré mon absence. Je vais normalement pouvoir poursuivre cet échange ... J'espère! Merci mille fois Lou pour ta patience.
J'ai pas mal lu. Je tape mes avis de lecture au fur et à mesure sur mon ordinateur. Ils attendent au chaud jusqu'au moment où je pourrai enfin vous les faire partager.
J'ai lu :
- Le coeur cousu de Carole Martinez
- De la part de la princesse morte de Kenize Mourad. J'ai, en le finissant, réussi mon Défi Au délà des mots. Je vous ferai un petit bilan à mon retour.
- Sodome et Gomorrhe de Marcel Proust
- Bilbo le Hobbit de Tolkien.
Je lis en ce moment Le soleil des scorta de Laurent Gaudé.
De dépit, je me suis aussi offerte quelques livres, neufs et d'occasion, et j'en ai reçu en cadeau pour mon anniversaire dont Le soleil des scorta que je lis en ce moment. Je vous en parlerai quand je serai de retour.
Bon ... et bien ... je vous dis à bientôt! Merci pour vos petits messages que j'ai lu très rapidemment, ils m'ont touchée.
A très vite (soyons optimistes)!!!