mercredi 20 avril 2022

" Je n’ai pas de plus haute ambition que de savourer au mieux chaque journée qui passe."


Quand rentrent les marins
Angela Huth

Quai Voltaire, 1998.

Myrtle est aussi réservée, sage et modeste qu'Annie est pétulante, séductrice et vaniteuse. Élevées dans un petit port perdu au fin fond de l'Écosse, elles ont appris ensemble à devenir des femmes. Des femmes de marins pêcheurs, dont le lot quotidien est lié à chaque caprice de l'océan, au retour de leur homme, aux rumeurs qui enflamment tout le village dès qu'un étranger en frôle le pavé... Patiemment, Myrtle s'emploie à calmer les toccades passagères de son amie et à pallier sa négligence à l'égard de Janice, l'unique fille d'Annie. Jusqu'au jour où survient le pire, et où le drame emporte avec lui tous les remparts contre les déchaînements des passions. Contre ces non-dits qui éclatent avec d'autant plus de force qu'ils ont été si savamment et si longtemps protégés.

Voici un roman bien doux et bien agréable! Je me suis réfugiée dans ce texte comme on se réfugie sous notre couette après une dure journée. Pourtant ce roman n'est pas tendre. Il malmène très souvent son lecteur. L'histoire est tragique et émouvante. Mais Angela Huth sait comme personne prendre la main de son lecteur et l'amener près de ses personnages. Nous sommes transportés dans leur univers comme des amis, des voisins, des proches. Je me suis promenée dans cette petite ville d'Ecosse, dans ces petites rues fouettées par le vent. J'étais près de Myrtle, ce personnage fantastique et inoubliable. J'ai retrouvé dans Quand rentrent les marins ce que j'ai aimé dans Les filles de Hallows Farm il y a quelques années : Cette description fine du caractère humain, de ses incohérences, ses doutes, ses contradictions. Myrtle est un personnage d'une humanité incroyable. Myrtle est devenue mon amie, comme les trois filles de Hallows farm. Je retrouve dans Angela Huth ce que j'aime aussi chez Tracy Chevalier, je trouve ces deux écrivaines très proches. Ce sont des conteuses. Elles nous racontent des histoires de femmes. Elles ne taisent rien de leurs tristesses, leurs joies, leurs ambivalences. Elles écrivent vrai. 
Quand rentrent les marins est le roman des petits plaisirs de la vie, le bonheur d'un rayon de soleil, le réconfort d'une tasse de thé, le frisson d'un souffle de vent, la beauté d'un arbre et celle d'un souvenir. 
Quand rentrent les marins est un roman magnifique. Ce texte très lent est un vrai bonheur de lecture. J'y ai croisé des personnages attachants, énervants, touchants. J'ai refermé la dernière page de ce roman avec dans le cœur la sensation de laisser des amis derrière moi. 
Merci à mon amie UnlivreUnthé qui m'a offert ce roman. 

C'est une femme corpulente, aux mains rugueuses comme la morue salée, et grande. Le plafond de la cuisine ne se trouve qu'à quelques centimètres de sa tête. Elle se meut avec une dextérité accomplie dans cet espace exigu, balançant ses larges hanches avec dignité. Archie dit qu'elle lui fait parfois penser à une cantatrice, tant elle semble glisser lorsqu'elle déambule."

" On ne coupe pas aux gens le cœur en quatre, quand on leur a déjà vidé les poches. "

La joie de vivre
Emile Zola

Le livre de poche, 1964.

Près d’Arromanches, dans la maison du bord de mer où ils se sont retirés après avoir cédé leur commerce de bois, les Chanteau ont recueilli Pauline, leur petite cousine de dix ans qui vient de perdre son père. Sa présence est d’abord un surcroît de bonheur dans le foyer puis, autour de l’enfant qui grandit, les crises de goutte paralysent peu à peu l’oncle Chanteau, la santé mentale de son fils Lazare se dégrade, l’héritage de Pauline fond dans les mains de ses tuteurs, et le village lui-même est rongé par la mer.

La joie de vivre est mon 13ème Rougon Macquart et sa lecture fut un régal. J'ouvre Zola avec toujours beaucoup de confiance et de joie. Je sais que j'y trouverai une langue riche, émouvante, satirique, juste. La joie de vivre n'a pas échappé à la règle. Il est tombé à un moment de ma vie où j'avais besoin de me réfugier dans la littérature, cette chère amie qui ne m'a jamais trahie. 

La vie de la petite Pauline est émouvante, déchirante. J'ai été extrêmement touchée par les injustices qu'elle subit. Zola tape juste, chamboule son lecteur, fait feu à chaque coup. J'ai souvent eu la larme à l'œil en lisant les mots de ce roman. Zola les choisit avec soin, mais parfois fait le choix aussi de se taire et de laisser s'installer le silence. Un regard, la description d'un lieu ou d'un paysage et tout est dit. 

Zola reste le naturaliste que l'on connaît et nous offre également des scènes terribles et difficilement soutenables. La scène de l'accouchement dans La joie de vivre par exemple vaccinerait toute femme d'avoir un enfant. Je m'en souviendrai longtemps. Comme toujours, cette terrible scène est juste et pertinente. Elle montre les personnages en train de se révéler, relance les dés et, dans un certain sens, rétablit un ordre. 

Les personnages sont tous plus marquants les uns que les autres. Mon personnage préféré est sans aucun doute Véronique, la bonne. Par sa rudesse mêlée de bienveillance et de gentillesse, elle semble bien trop blanche pour ce monde sans cœur. Ses réparties sont fabuleuses et les dernières pages la concernant m'ont bouleversée. Mme Chanteau, quant à elle, m'a scandalisée. Cette femme envieuse et vénale malmène Pauline et crée beaucoup des malheurs existants dans cette famille. 

Il me reste encore 7 titres des Rougon Macquart et je me délecte d'avance de découvrir ces histoires. 

"La mer, qui montait, avait une lamentation lointaine, pareille à un désespoir de foule pleurant la misère. Sur l'immense horizon, noir maintenant, flambait la poussière volante des mondes. Et, dans cette plainte de la terre écrasée sous le nombre sans fin des étoiles, l'enfant crut entendre près d'elle un bruit de sanglots."