Le comte de Monte Cristo
Alexandre Dumas
Folio, 2012.
Edmond Dantès, jeune officier, revient d'un voyage à bord du Pharaon, navire appartenant à l'armateur Morrel. Il a dû remplacer le capitaine Leclère, décédé durant le voyage, des suites d'une fièvre cérébrale. Le 24 février 1815, c'est donc lui qui ramène le Pharaon dans le port de Marseille. Dès son arrivée, il est accueilli par Morrel qui lui promet de le nommer capitaine. Dantès est au comble du bonheur : il va ainsi pouvoir aider financièrement son vieux père et épouser sa belle fiancée, la Catalane Mercédès. Mais ce bonheur suscite la jalousie. Il y a tout d'abord Danglars, le comptable du bateau qui brigue le poste de capitaine du Pharaon, et aussi Fernand Mondego, un pêcheur amoureux de Mercédès et repoussé par elle.
Aidés de Caderousse, voisin et ami de Dantès, Danglars et Fernand vont comploter pour se débarrasser d'Edmond.
(Wikipedia.org)
Bon, il faut que j'arrête de reculer, de repousser et de trouver toujours des excuses. Je tourne autour du pot depuis plusieurs jours. J'essaie en vain de me lancer dans l'écriture de cet avis. Je sais avant même de rédiger ce billet que je n'en serai pas satisfaite. J'ai trop de choses dans le coeur, trop de choses à dire et d'autres à taire. La lecture du Comte de Monte Cristo est comparable à nulle autre. On plonge dans un monde plein de violences, de haines, de complots, un univers si addictif que l'on n'en ressort plus. 1400 pages qui se lisent d'une traite, le souffle coupé, sans aucun moment long ou inutile, la main tremblante, le coeur serré.
Je connais le génie de Dumas depuis presque 15 ans. La reine Margot fut ma première lecture de ce grand homme et un de mes plus forts souvenirs littéraires. Je ne peux y repenser sans émotion. Puis il y a eu l'inoubliable Les trois mousquetaires, le touchant La tulipe noire, le passionnant La guerre des femmes et l'agréable Pauline. Je pensais que Dumas n'avait plus rien à me prouver, je connaissais sa plume si vive, drôle, dynamique, je connaissais son talent pour écrire des intrigues palpitantes et menées à la perfection, ainsi que sa poésie et sa délicatesse. En ouvrant, Le comte de Monte Cristo, je m'attendais vraiment à trouver un joyau ... Malgré ça, bien que je m'y sois préparée, je suis à genoux, éblouie. 4 jours après ma lecture, je suis toujours à côté d'Edmond Dantés, cet homme grave, sévère, intimidant ... mais si parfait.
Je n'ai pas retrouvé dans ce roman l'humour si piquant de Dumas. Mais ce livre est si sombre, si dramatique (presque tragique) que l'humour n'a pas sa place ici. Ce manque de légèreté ne m'a pas manqué car il n'aurait pas collé à cette histoire si sombre. Par contre, j'ai retrouvé sa sensibilité, sa délicatesse, sa passion, son art de tenir en haleine son lecteur qui devient tout bonnement incapable de lâcher le roman. J'ai rarement lu un texte si bien ficelé, une intrigue parfaite en tout point. Aucune faiblesse, aucune facilité. De l'excellence du début à la fin. Je me demande même où Dumas (et Auguste Maquet, son collaborateur ... rendons à César ce qui est à César) a trouvé toutes ses idées. La construction de la vengeance de Dantés est scotchante. Cette idée de ne jamais dire avant la fin que le comte de Monte Cristo est Edmond Dantés (alors que le lecteur le sait très bien) est géniale. Lorsque tombe cette phrase : "Je suis Edmond Dantés" ... Notre coeur s'arrête ... Et pourtant, on savait! La différence entre ses deux personnalités Dantés/le comte, qui sont pourtant la même personne, est saisissante. Edmond Dantés est la part humaine de notre héros. Le naïf capitaine du Pharaon captif malgré lui et, dans les dernières pages, l'homme mûr qui se demande si sa vengeance n'a pas dépassé les limites. Le comte de Monte Cristo lui ne fléchit pas, ne doute pas, il est sans pitié et déterminé à faire tomber les coupables.
Le comte de Monte Cristo nous offre des personnages tous plus inoubliables les uns que les autres. Bien sûr, il y a notre héros qui surpasse tous les autres en intelligence, en charisme, en stratégie, en émotion. Mais on croise aussi le terrible Villefort, la triste Mercédés, le touchant Maximilien, le séduisant Luigi Vampa, ... Chaque personnage a sa propre histoire, son moment de gloire (ou de défaite), devient le héros durant quelques pages. Et toujours, telle une ombre survolant la terre, le comte de Monte Cristo veille, attend le moment où sa toile d'araignée sera achevée et où il pourra enfin frapper le dernier coup. Il est partout, contrôle tout.
Dumas reste Dumas ... et dans chacun de ses romans, le fond historique a son importance. C'est à Dumas que je dois tout ce que je sais sur la Saint Barthélémy, la fin des Valois, les guerres de religion. C'est lui qui m'a fait comprendre qu'un roman historique fallait 100 cours d'Histoire. Certes, Le comte de Monte Cristo n'est pas un roman historique et le contexte est moins présent, moins important que dans d'autres de ses romans. Mais j'ai tout de même apprécié de revoir l'histoire de la chute de Napoléon, les 100 jours, la Restauration, ... Parce qu'en plus d'en prendre plein les yeux et plein le coeur, avec Dumas, notre petit cerveau apprend plein de choses.
C'était inutile d'essayer de faire un avis ... Je crois que j'aurai mieux fait de me taire. Après une telle lecture, les mots semblent incapables de décrire cette passion, ce génie, ces émotions qui remplissent un roman tel que Le comte de Monte Cristo. J'aime Dumas de tout mon coeur. Tous les meilleurs films du monde ne pourraient pas m'offrir cette bourrasque de sentiments qui m'a traversé durant les 1400 pages de ce texte. Encore plus que d'habitude, j'ai pensé en lisant Le comte de Monte Cristo à quel point je plaignais et ne comprenais pas ceux qui n'aimaient pas lire. Comment ne peut-on pas être hypnotisé, englouti, passionné par une histoire telle que celle là? Je ne comprends pas.
Je ferme les yeux et je revois le château d'If, la cellule d'Edmond, l'abbé Faria ... et j'ai envie de repartir dans cet univers, retrouver Maximilien, Valentine, Albert, Mercédés ... A l'évocation d'un seul nom, d'une seule scène, d'une seule image, je suis saisie ... Et je pense que plus les années passeront plus mon amour pour ce roman grandira.
«On fit encore quatre ou cinq pas en montant toujours, puis Dantès sentit qu'on le prenait par la tête et par les pieds et qu'on le balançait.«Une, dirent les fossoyeurs.- Deux.- Trois !»En même temps, Dantès se sentit lancé, en effet, dans un vide énorme, traversant les airs comme un oiseau blessé, tombant, tombant toujours avec une épouvante qui lui glaçait le cœur. Quoique tiré en bas par quelque chose de pesant qui précipitait son vol rapide, il lui sembla que cette chute durait un siècle. Enfin, avec un bruit épouvantable, il entra comme une flèche dans une eau glacée qui lui fit pousser un cri, étouffé à l'instant même par l'immersion. Dantès avait été lancé dans la mer, au fond de laquelle l'entraînait un boulet de trente-six attaché à ses pieds.La mer est le cimetière du château d'If.»
(Le comte de Monte Cristo, A. Dumas, Tome 1, Folio, 2012, p 218/219).
(Sources images : pastichesdumas.com)