Pays de neige
Yasunari Kawabata
Le livre de poche, 1991.
À trois reprises, Shimamura se retire dans une petite station thermale, au cœur des montagnes, pour y vivre un amour fou en même temps qu'une purification. Chaque image a un sens, l'empire des signes se révèle à la fois net et suggéré. Le spectacle des bois d'érable à l'approche de l'automne désigne à l'homme sa propre fragilité.
Pays de neige est ma troisième lecture de Kawabata, après La danseuse d'Izu et Les belles endormies, et comme toujours j'ai beaucoup de mal à parler de cet auteur. Kawabata me berce par sa prose extrêmement poétique tout en me déstabilisant complètement.
Pays de neige est un roman très lent, plein de symboles et de métaphores. Shimamura retrouve Komako dans une station thermale de montagne. Leur relation est très particulière. Je crois que j'aurai beaucoup de mal à la décrire. Shimamura et Komako ne sont pas attachants. Ils sont étranges, réagissent bizarrement, ne disent pas les choses franchement ... sûrement par pudeur. Pour la lectrice occidentale que je suis, leurs attitudes ne sont pas très compréhensibles. Je dois admettre ne pas avoir tout compris. Quels sentiments éprouvent-ils réellement l'un pour l'autre? Quel est le rôle de la mystérieuse Yoko? Quelle symbolique donner à cette fin particulière? Kawabata est un auteur qui me fruste beaucoup. Je ressors constamment de ses lectures avec un sentiment d'inachevé. Pourtant, il y a cette plume si délicate, si envoûtante qui emporte et bouleverse. Sans comprendre toutes les nombreuses subtilités des romans de Kawabata, j'y vogue comme on se perd dans la contemplations d'une estampe.
Kawabata est un auteur à lire. Ses romans nous emmènent loin, nous font sortir de notre zone de confort, nous berce de leur belle poésie. Cependant, malgré le nombre de pages limité, ces textes sont complexes, pleins d'implicites, parfois difficiles à lire pour nous occidentaux.
"Oh ! la Voie lactée… elle est splendide » s'exclama Komako, courant toujours devant lui, les yeux levés vers le ciel.La Voie lactée… En la regardant lui aussi, Shimamura eu l'impression d'y nager, tant sa phosphorescence lui parut proche, comme si elle l'eût aspiré jusque-là. le poète Bashô en voyage, était-ce sous l'impression de cette immensité resplendissante, éblouissante, qu'il l'avait décrite comme une arche de paix sur la mer déchaînée ? Car c'était juste au-dessus de lui qu'elle inclinait sa voûte, enserrant la terre nocturne de son étreinte pure, indéchiffrable, sans émoi. Image pure et proche d'une volupté terrible, sous laquelle Shimamura, un bref instant, se représenta sa propre silhouette découpée en une ombre aussi multiple qu'il y avait d'étoiles, aussi innombrablement multipliées qu'il y avait là-haut de particules d'argent dans la lumière laiteuse et jusque dans le reflet miroitant des nuages, dont chaque gouttelette infime et rayonnante de lumière se confondait avec son infinité, tant le ciel était clair, d'une limpidité et d'une transparence inimaginables. Cette écharpe sans fin, ce voile infiniment subtil, subtilement tissé dans l'infini, Shimamura ne pouvait en détacher son regard".(Pays de neige, Kawabata, Livre de poche, 1991)
(Romanza2018)