dimanche 27 septembre 2015

"Je suis née pour être votre rivale et vous la mienne. Nous sommes sœurs, n'est-ce pas? "

Deux soeurs pour un roi
Philippa Gregory


" Je serai sombre, française, à la mode et difficile ; vous serez douce, ouverte, anglaise et belle. Quelle paire nous formerons ! Quel homme pourra nous résister ? " Tels sont les premiers mots prononcés par Anne Boleyn à l'endroit de sa soeur Marie quand elle la rejoint, en 1522, à la cour d'Angleterre. Introduite au palais de Westminster, à l'âge de 14 ans, Marie Boleyn séduit le roi Henri VIII auquel elle donnera deux enfants. D'abord éblouie par le souverain, elle comprend qu'elle sert d'appât au milieu des complots dynastiques. Quand l'intérêt du roi pour elle s'émousse, Anne est chargée de le séduire à son tour. Désir, haine, ambitions, trahisons. Se déroulant sur quinze ans, cette fresque historique, racontée à la première personne par Marie Boleyn, dépeint les rivalités au sein de la dynastie des Tudor. Une histoire qui se terminera dans le sang.

J'aime l'Histoire. J'ai toujours été passionnée par les récits historiques, les histoires de rois et de successions, de conquêtes, de bouleversements politiques et religieux. Je trouve impressionnant comment certains événements, à première vue sans importances, peuvent amener des changements considérables. Comment donc ne pas être fasciné par l'histoire d'Anne Boleyn d'Angleterre? Pour une histoire de désir non assouvi, l'Angleterre est devenue protestante. Certes, d'autres raisons rentrent en compte, mais pour cette femme, Anne Boleyn, Henri VIII rompra avec le pape et deviendra chef de l’église d'Angleterre. Je trouve cela incroyable. 
Les romans historiques sont un passionnant outil pour apprendre l'Histoire. Ils nous transportent hors du temps et, d'une façon agréable, arrivent à nous apprendre des tas de choses. Merci Dumas, Tolstoï et tant d'autres. 
Deux sœurs pour un roi est très romanesque. Il est avant tout fait pour se divertir et s'évader. Certains faits politiques ou personnages importants (Thomas More, Thomas Cromwell par exemple) sont un peu mis à la trappe au profit de scènes inventées, fantasmées. Philippa Gregory se penche sur la relation entre Marie et Anne Boleyn. Dans les faits, on ne sait que peu de choses sur Marie. On sait cependant qu'elle n'a pas eu l'importance que lui donne ici Philippa Gregory. Elle fut la maîtresse de Henri VIII, mais ce ne fut jamais officiel et jamais ses deux enfants n'ont été déclarés bâtards du roi. L'auteur se sert donc de l'Histoire et de Marie pour inventer le récit d'une jeune femme manipulée par les hommes et leurs ambitions. 
Je me suis prise au jeu du roman. Le contexte est juste ainsi que l'atmosphère et les grandes lignes historiques et j'ai accepté le romanesque de l'histoire de Marie. Le style du roman, sans être particulièrement fascinant, est agréable. C'est un texte bien écrit et très prenant. J'ai été surprise par l'ambiance de la vie de cour très bien rendue et vivante. Une chose est sûre, je n'aurai jamais pu survivre là-bas. Tout comme Marie, je préfère une vie campagnarde simple et douce. Comment supporter ces complots, ces messes basses, ces luttes d'intérêt? Quelle horreur! Ce roman m'a vraiment terrifié. Jusqu'où les Hommes peuvent aller pour assouvir leur soif de pouvoir? Les dernières pages sont glaçantes. Tout comme la reine Anne, j'ai senti le vent tourner et ma chute arriver. Anne est un personnage égoïste, supérieur, terrible. Pourtant, quand arrive la fin, on ne peut qu'avoir pitié d'elle. Être à la merci des hommes et de leurs désirs était la seule voie envisageable pour une femme noble. En quelques années de règne seulement, Anne passe de femme aimée par son roi à reine déchue et abandonnée. Quelle pression ces pauvres femmes devaient-elles subir! Comment ne pas angoisser lorsqu'on voit son ventre rester plat et stérile? Quant on sait que notre vie dépend de la naissance d'un héritier? C'est aussi le tourment d'un autre personnage envoûtant, Catherine d'Aragon, première épouse du roi, femme imposante et bonne, qui sera elle aussi sacrifiée. 
Ironie du sort, c'est la fille unique d'Anne qui deviendra une des plus grandes reines d'Angleterre, la reine Elizabeth Ier.
Un roman qui se lit vite et qui est prenant. Une vision très romanesque de l'Histoire, mais qui s'assume comme tel. Une partie de l'Histoire de l'Angleterre qui nous fascinera encore longtemps.

"- Anne, commença le roiElle se tourna vers lui.- L'on versa dans votre oreille mensonges et poisons contre moi, l'interrompit-elle en hâte. J'ai droit à meilleur traitement. Je vous fus bonne épouse, je vous aimai comme nulle autre femme.- Anne...- Certes , je ne portai point de mâle en son terme, mais ce n'est guère ma faute, poursuivit-elle avec passion. Catherine non plus. L'appelâtes-vous sorcière pour autant ?Un murmure réprobateur s'éleva; j'aperçu un poing se former, pouce entre l'index et le majeur, exécutant le signe de croix qui conjurait la sorcellerie.- Je vous ai donné une princesse, cria Anne, la plus belle qui fût jamais, avec vos cheveux, vos yeux. A sa naissance, vous affirmâtes qu'il était encore tôt encore et que nous avions le temps d'avoir des fils. Vous ne craigniez pas votre ombre alors, Henri !Elle avait à demi dévêtu Elizabeth, la tenant à bout de bras. Henri recula, bien que la petite appelât "papa!" en lui ouvrant les bras.- Sa peau est parfaite, sans marque d'aucune sorte ! Personne n'osera nier qu'il s'agit d'une enfant bénie de Dieu, qu'elle sera la plus grande princesse que ce pays ait jamais connue ! Pouvez-vous regarder votre fille sans savoir qu'elle aura des frères et des sœurs aussi forts et beaux qu'elle ?


(Deux soeurs pour un roi, Philippa Gregory, Archipoche, p617)


(Source image : wikipedia.org)

mardi 15 septembre 2015

" A cette heure du matin, les choses de la vie avaient tendance à prendre un goût de cendre. "

Les new-yorkaises
Edith Wharton

 J'ai lu, 2012.

Les journées de Pauline Manford sont réglées comme du papier à musique. Figure incontournable de la vie new-yorkaise, elle court de galas de charité en dîners mondains avec la même abnégation, mais fait peu de cas des désirs de son mari. Esseulé, celui-ci se laisse peu à peu séduire par la légèreté et la beauté vénéneuse de sa belle-fille, Lita, indifférent aux sombres présages qui menacent l'équilibre familial.


Les New-yorkaises paraît, à première vue, plus léger que les autres romans d'Edith Wharton. Commençant comme un roman satirique et pétillant,  l'ambiance devient plus lourde au fur et a mesure de la lecture
Je suis une nouvelle fois tombée sous le charme de la plume de Wharton. Les new-yorkaises est assez différent de ce que j'ai lu d'elle, mais j'ai retrouvé cette finesse d'analyse que j'aime tant. 
J'ai beaucoup souri en lisant les pages de ce roman. Pauline Manford préfère confier ses tracas à toutes sortes de gourous plutôt que de prendre sa vie en main et de prêter attention à ses proches. Son emploi du temps millimétré, l'incohérence de ses opinions, son obsession de paraître parfaite dans cette société de faux semblants, ... C'est avec humour que l'auteure nous emmène dans la vie tumultueuse de Mrs Manford et ses comparses.
" Les idées de la Marchesa di San Fedele sur la campagne étaient parfaitement simples : en fait, elle en avait une seule. Elle considérait que c'était un endroit où l'on avait plus de temps qu'à la ville pour jouer au bridge. Encore bien heureux! Car, pour le reste, on s'ennuyait à cent sous l'heure ..." p247 
Ce qui m'a fasciné dans ce roman, c'est la sensation permanente qu'un drame se joue derrière l'humour et la légèreté apparents. Le génie de Wharton est poussé jusqu'à ne jamais écrire, ni formuler la "faute" commise par certains membres de la famille. Jusqu'à la dernière page, tout reste sous-entendu. Tout comme le ferait Pauline Manford,  le narrateur ferme les yeux et tait la vérité. Les new-yorkaises n'est pas un roman à suspense ou à énigmes. Le texte est, tout comme l'ensemble de l'oeuvre de Wharton, tout en finesse et en sensibilité. Bien que la virtuosité du Temps de l'innocence n'est pas égalée, j'ai retrouvé des personnages aux psychologies complexes, la critique vive et intelligente de la haute société, des émotions refoulées, des frustrations, des sacrifices. 
J'ai passé des heures de lecture prenantes et envoûtantes. Un roman doux-amer qui m'a faite sourire autant qu'attristée. Un savant mélange d'humour et de critique, de frivolité et d'intelligence. 
Un bijou ... comme tous les romans de Wharton.
" ... Après tout, y avait-il d'autre vie possible que celle-ci? Car bien sûr ce rêve d'une ferme dans l'Ouest était une ânerie. Ce dont il rêvait, en fait, lui, Dexter Manford, c'était l'impossible combinaison d'une vie professionnelle aussi influente et captivante que celle qu'il menait, et du calme de la campagne, des grandes étendues, des livres, des chevaux, des enfants - ah, des enfants! des garçons à lui, qu'il éduquerait, à qui il apprendrait durant de longues promenades les secrets de la nature, des plantes, des arbres, à observer les oiseaux et les écureuils, à nourrir les grives et les rouges-gorges en hiver ... et puis le retour au crépuscule, dans une maison éclairée par les lampes et par l'âtre, avec une table de goûter croulant sous les bonnes choses ... les enfants tous réunis, des garçons et des filles (oui, des filles aussi,de nombreuses petites  Nona), affamés, les joues rougies par leur randonnée ... et une femme assise là, levant les yeux de son livre, tendant vers lui un visage calme et frais ... une femme absurdement jeune pour être leur mère ... "(Les new-yorkaises, Edith Wharton, J'ai lu, 2012, p 71)
(Source image : George Lepape, wikipedia.org)

mardi 1 septembre 2015

Et pourquoi pas un petit dernier?

Cent vies et des poussières
Gisèle Pineau

Folio, 2013.

 Après chaque accouchement, Gina promet de ne plus tomber enceinte, mais "rechute" systématiquement. Au grand dam de sa fille Sharon, qui sait que chaque fois sa mère s'éloigne un peu plus de ses sept enfants. 
A travers cette chronique douce-amère, Gisèle Pineau brosse le portrait de la Guadeloupe d'aujourd'hui, tiraillée entre ses douleurs anciennes et ses fléaux modernes.

Je ne connaissais absolument pas Gisèle Pineau, auteure guadeloupéenne, avant de recevoir ce roman en cadeau. Le sujet du roman (la maternité et ses complexités) me tentait beaucoup, mais j'ai été surprise de découvrir un drame social. J'imaginais quelque chose de plus philosophique, intimiste
Je n'ai pas réussi à rentrer réellement dans Cent vies et des poussières. Je l'ai lu rapidement et sans ennui, mais je n'ai pas accroché au style ni à l'écriture de Gisèle Pineau. Sans trop savoir ce qui m'a vraiment gênée, je n'ai pas aimé la construction décousue et le manque de sensibilité de l'ensemble. Cent vies et des poussières est une histoire dure. On plonge dans la misère sociale, intellectuelle et affective. Gisèle Pineau est profondément pessimiste. Les sentiments entre les personnages sont très troubles et étranges. Je serai bien embêtée si je devais résumer ou commenter ce texte. Ce roman a une vision tellement sombre de la société et de l'être humain que je l'ai trouvé peu crédible et parfois incohérent. La satire sociale, l'univers pessimiste, l'atmosphère sombre ne m’ont jamais gênée (après tout, je suis fan de Thomas Hardy), mais avec Cent vies et des poussières, ça n'est pas passé. Il n'a pas réussi à m'emporter. Je ne savais plus où me situer, j'étais perdue dans les situations, les différents genres du roman, les sentiments des personnages. 
Gisèle Pineau n'est pas une auteure dénuée d'intérêt, mais elle n'a pas réussi à me convaincre avec ce roman. 

" À chaque fois qu’un docteur lui confirmait qu’elle portait un enfant, Gina éprouvait aussitôt l’étrange et merveilleuse sensation de flotter dans un temps parallèle. Elle était alors intimement persuadée de détenir un pouvoir qui s’activait en elle dès la première semaine de gestation, se déployait jusqu’à la délivrance et s’amoindrissait au fur et à mesure, avant de disparaître d’un coup, le jour même où sortait la troisième dent de l’enfant. "
(Cent vies et des poussières, Gisèle Pineau, Folio, 2013)