Vera
Elizabeth Von Arnim
10/18, 2000.
Quelques mois après la mort mystérieuse de Vera, Everars Wemys se remarie avec Lucy, de vingt ans sa cadette. Mais le souvenir omniprésent de Vera, les doutes relatifs à sa mort (accident, suicide, voire crime ?) font planer sur le couple, qui s'est installé à la campagne, dans la grande maison où eut lieu le drame, une ombre noire que ni l'un ni l'autre ne parviendront à chasser.
Après avoir lu Vera, Bertrand Russell, alors beau-frère d'Elizabeth von Arnim, avoua : "J'ai donné à mes enfants un conseil de prudence : n'épousez jamais une romancière" .
GROS GROS coup de coeur!
J'ai mis beaucoup de temps à lire Elizabeth Von Arnim (alors que j'avais noté les titres de ses romans depuis un quart de siècle), mais on peut dire que notre rencontre fut passionnée. Il me faut toutes ses œuvres ... Voilà, ça c'est dit!
Vera fait parti de ces romans qui me font me demander comment peut-on ne pas aimer lire. En toute honnêteté, si on aime être chamboulé, émue, intriguée, si on aime frissonner, espérer, avoir le souffle court, se plonger physiquement dans un autre univers, un autre monde ... comment diable peut-on affirmer "non, je n'aime pas lire!". Comme je suis heureuse d'être tombée dans la marmite étant petite ... et comme je plains les gens trop adroits et équilibristes qui sont restés bien stables et n'ont pas eu la chance d'y chuter.
La toute première partie du roman commence comme Rebecca de ma chère Daphné du Maurier. La comparaison est inévitable. Mais elle s'arrête vite. Car Elizabeth Von Arnim prend un tout autre chemin. Cette grande dame est futée et mène son lecteur par le bout du nez. Je n'ai rien vu venir. Les premiers chapitres étaient distrayants, bien écrits ... j'attendais sagement la suite. Puis, le roman devient tout simplement impossible à refermer. La manière dont Von Arnim installe l'intrigue, fait monter la pression et le suspense tient tout simplement du génie. Mais pourquoi cette auteure est-elle si peu connue? La façon dont elle met en lumière le caractère si complexe d'Everard est sublime. Je reste ébahie. Toute la seconde et dernière partie du roman m'a glacée le sang. Et cette fin! Si intelligente et subtile.
Vera est un roman assez court et pourtant, en peu de mots, E. Von Arnim nous plonge dans les pièces si étranges et lugubres des "Saules". On s'y sent enfermé, on étouffe. Tout est maîtrisé de bout en bout.
Hormis Everard, on croise également la douce Lucy (que j'ai parfois eu envie de gentiment secouer) et l'épatante Miss Entwhistle. Bien sûr, il y a aussi Vera qui tout comme la Rebecca de Du Maurier est un personnage omniprésent.
J'ai souvent entendu parler de l'humour fin des écrits d'Elizabeth Von Arnim, notamment dans Avril enchanté. Autant vous dire qu'on ne le croise pas dans Vera. Bien que l'écriture ne soit absolument pas glauque et qu'une certaine fraîcheur s'en dégage, l'histoire de ce roman est profondément triste. Je vais avoir beaucoup de mal à ne plus penser à Lucy et à Vera. Elizabeth Von Arnim a une imagination folle. Son histoire est à la fois terriblement simple et réaliste, mais aussi incroyable et (disons-le) flippante.
Et puis, il y a toutes ces petites réflexions sur la vie, ces analyses très fines, discrètes mais justes et pertinentes : "Et puis, elle n'était plus jamais seule. /.../ Toute sa vie, elle avait connu de ces moments de solitude qui aident, par exemple, à se remettre d'une trop grande tension nerveuse. Ce n'était plus le cas. Il s'était toujours trouvé des endroits où elle pouvait se reposer tranquillement, sans craindre d'être dérangée. Ce n'était plus le cas. " (p117) ; " Et pourquoi aurait-elle envie de rire, pensa Lucy, sinon de crainte de pleurer? " (p148).
Et aussi, de jolies réflexions sur la littérature et les livres : "Cela n'est-il pas décourageant? demanda Lucy, qui était habituée à une intimité absolue avec les livres, des livres qui traînaient partout, débordaient des rayons, des livres dans chaque pièce, des livres toujours accessibles, amicaux, des livres qu'on lit à voix haute, qui s'ouvrent à la page familière. " (p157).
Et aussi ...
Bon, d'accord, je me tais!
Lisez-le c'est tout! Quant à moi, je file acheter les autres romans de cette plume incroyable.
""Le livre, tombé des mains de Lucy, était encore ouvert, à ses pieds. Si c'est là le soin qu'elle prend des livres, il ferait bien de réfléchir avant de lui confier la clef de la bibliothèque vitrée, pensa-t-il. C'était un livre de Vera. Vera, de toute façon, ne prenait aucun soin de ses livres; elle ne cessait de les relire. Il se pencha, afin d'en voir le titre, voir ce à quoi Lucy avait pu attacher plus de prix qu'à sa conduite envers son mari, durant cette journée. Les hauts de Hurlevent. Il ne l'avait jamais lu, mais il se souvint d'avoir entendu dire que c'était une histoire morbide. Elle aurait pu trouver mieux à faire pour meubler cette première journée dans sa nouvelle demeure que de le laisser seul pour lire un roman morbide!"
(Vera, Elizabeth Von Arnim, 10/18, 200, p 188)