Gatzby le magnifique
Francis Scott Fitzgerald
Les cahiers rouges, 1984.
Certains personnages de roman semblent plus vivants que les vivants parce qu'ils sont le double fraternel de l'auteur, qui les a pourvus de ce qu'il avait de plus secret, de plus désiré. Ainsi James Gatz, le héros de Gatsby le Magnifique. Ancien pauvre avant mystérieusement tait fortune, décoré de guerre, n'appartenant à aucun milieu, plus riche que les riches, l'outsider de Fitzgerald donne des fêtes fastueuses dans sa propriété de Long Island. Au bal des gouffres et des ambitions, son sourire cache une fêlure. Il aime une femme mariée, et l'aime depuis trop longtemps pour ne pas en mourir. Gatsby le Magnifique est un roman magique qui coupe le cœur en deux. Bienvenue dans les ors et les souffrances du dernier grand romantique.
J'ai passé un bon moment avec ce roman. Je découvre petit à petit la littérature classique américaine et je dois avouer que pour le moment, je n'ai que de bonnes surprises.
Pourtant, je n'ai pas trouvé que des qualités à ce texte. Les personnages ne sont pas attachants, on se sent détaché de cette histoire comme si on la vivait de très loin, alors qu'une de mes exigences en lecture est de réussir à m’immerger totalement dans le texte et de m’identifier aux personnages.
Mais ce roman a un je-ne-sais-quoi de réellement passionnant. Déjà, F.S Fitzgerald a une belle écriture. A certains moments, il laisse sa sensibilité, sa poésie resurgir. Durant ces merveilleux passages, Fitzgerald m'a fait pensé à mon chouchou d'amour : Zweig. J'ai trouvé l'histoire assez touchante malgré cette impression de mise à distance. En fait, c'est surtout Daisy qui m'a attendri. Cette femme condamnée à être malheureuse et trompée par un mari raciste est attendrissante. C'est vrai que je ne me suis pas vraiment attachée à elle mais j'ai lu son histoire avec émotion.
La critique de la haute société américaine est assez vive ici. Corruption, malheur, apparence, vice, hypocrisie, mensonge, Fitzgerald n'est pas tendre avec ses riches compatriotes. C'est un roman très pessimiste, très sombre. Le bonheur semble ne pas avoir sa place ou, en tout cas, n'être qu'un bref instant, une joie éphémère. C'est le thème qui m'a le plus interpellée et que j'ai le plus apprécié.
J'ai vraiment aimé la plume de Fitzgerald. J'ai trouvé ce roman passionnant, absolument pas ennuyeux, plutôt beau et sensible mais également intelligent et pertinent. J'ai aimé l'ambiance "année 20", mélange de fête et de dépression, les années d'après-guerre où une génération de désenchantés tente de trouver un bonheur qui semble inatteignable.
Un roman que je recommande chaudement.
"A mesure que la Terre se détache à regret du soleil, l'éclat des lumières s'amplifie. L'orchestre joue des arrangements de musique brillante et légère et le concert des voix monte vers l'aigu. Les rires se font plus francs de minute en minute et jaillissent au moindre jeu de mot avec plus d'abandon. Les groupes changent plus vite, se gonflent au passage de nouveaux arrivants, se désagrègent et se reforment, en une même respiration - et déjà se détachent les téméraires, les femmes sûres d'elles-mêmes, qui louvoient çà et là, entre les ilôts les plus stables et les mieux ancrés, y deviennent pour un temps très bref le centre d'une excitation joyeuse, puis, fières de leur triomphe, reprennent leur navigation, portées par le courant des voix, des couleurs, des visages, dans une lumière qui change sans cesse."
(Gatzby le magnifique, Fitzgerald, Cahiers rouges, 1984)
(Source image : Rognage de la couverture de Grand Hôtel de Vicky Baum édition Libretto)