Dark island
Vita Sackville-West
Livre de poche, Biblio, 2013.
Tous les hommes sont fous de Shirin, qui n’a qu’une passion : l’île de Storn, entrevue dans son enfance et qui s’incarne au cours d’une soirée par son châtelain, Venn Le Breton. Venn, fasciné par la jeune femme, l’épouse et l’emmène dans son île, où règne une redoutable grand-mère. Dans ce livre paru en 1934, on retrouve avec délectation la liberté de ton, la délicatesse et l’audace de Vita Sackville-West.
Voici un roman qui m'a totalement charmée. Étrangement, bien que fan de Vita Sackville-West (il s'agit de ma 6ème lecture de son oeuvre), j'appréhendais la lecture de ce texte. D'autres lecteurs, aimant cette autrice, n'avait pas adhéré à Dark island, je pense notamment à Eliza avec qui je partage beaucoup de titres et d'auteurs "chouchous". Dans mon cas, j'ai adhéré dès les premières pages et mon intérêt ne s'est pas émoussé jusqu'au mot "fin". Même si Toute passion abolie reste mon roman préféré de l'autrice, Dark island est en haut de l'échelle.
J'ai retrouvé avec bonheur la plume vive et tranchante de Vita Sackville-West. J'aime son humour, son ironie, sa vision cinglante du monde. J'avais déjà beaucoup aimé ses huis-clos pleins de non-dits tels que Paola ou Plus jamais d'invités!, Dark island monte d'un cran et nous offre une oeuvre étouffante et déroutante.
Le roman est découpé en 4 parties selon quatre périodes de la vie de Shiring, l'héroïne. On la voit à ses seize ans, ses vingt-six ans, ses trente-six ans et enfin, ses quarante-six ans.
Shiring est une personne atypique et difficile à comprendre. Il est parfois compliqué de la suivre et je n'ai pas tout compris à son comportement. Dans un premier temps, je l'ai imaginée superficielle et un peu peste. Mais Shiring n'est pas la femme qu'elle semble être. Elle a aussi le cœur sur la main, offre son temps aux nécessiteux et n'est jamais fausse ou hypocrite. J'ai aimé ce personnage malgré sa complexité. J'ai bien plus apprécié cette femme déroutante aux pipelettes londoniennes qui parlent de la vie des autres sans rien savoir. Shiring ira vivre sur une île isolée qu'elle admire depuis l'enfance pour suivre Venn, son second époux. Venn est antipathique. Bien sûr, j'ai pensé au personnage masculin de Vera en lisant certaines pages. Ceci dit, Venn n'a pas son pareil. Tout comme Shiring, il reste une énigme. Autour d'eux, gravitent la grand-mère presque immortelle et Cristina, la seule amie de Shiring. Suis-je la seule à avoir pensé à Virginia Woolf en lisant les pages sur Cristina? Sa haute taille, son long nez, son indépendance et sa relation très intime avec Shiring rappelant celle de Virginia et Vita?
Les décors sont un autre grand point fort du roman. Cette île fouettée par le vent est majestueuse et glaçante. La tempête qui éclate lorsque Shiring accoste sur Storn nous offre de sublimes pages.
Comme dans d'autres livres de Sackville-West, on reste avec certaines questions sans réponses une fois le livre refermé. Mais cela permet au roman de nous hanter encore de longues années.
Dark island est un roman obscur et saisissant. Je ne pense pas avoir déjà lu un roman comme celui-là. J'ai trouvé du Daphné du Maurier dans le propos. Hitchcock en aurait fait une superbe adaptation.
Un roman étrange réussi de bout en bout. A lire absolument!
" A elle seule, Storn, avec sa magie et sa beauté, démultipliait son énergie. Elle se sentait comme transfigurée, purifiée, habitée d'une incroyable et mystérieuse force qui transcendait tout et lui donnait une perception métaphysique de la réalité. Storn avait une âme, elle l'aimait pour tout ce qu'elle représentait, la solitude, la dignité, la poésie."
(Photos : Romanza2020)
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