dimanche 28 juillet 2019

" Sauf ton respect, fille, tu n'es pas la feuille la plus avantageuse de notre arbre généalogique ".

La Passe-miroir 
Tome 1 - Les fiancés de l'hiver
Christelle Dabos

Folio, 2018.

«Écoute-moi bien, fille... Tu es la personnalité la plus forte de la famille. Je te prédis que la volonté de ton mari se brisera sur la tienne.» 

Ophélie cache des dons singuliers : elle peut lire le passé des objets et traverser les miroirs. Fiancée de force à l'un des héritiers d'un clan du Pôle, elle quitte à regret le confort de sa famille. La jeune femme découvre ainsi la cour du Seigneur Farouk, où intrigues politiques et familiales vont bon train. Loin de susciter l'unanimité, son entrée dans le monde devient alors l'enjeu d'un complot mortel.

Depuis que j'ai lu la première page de La passe-miroir, je suis totalement imprégnée par ce monde. Je n'avais prévu de lire que le tome 1 cet été, mais force est de constater que j'ai une envie folle de lire la suite immédiatement.
J'ai noté ce roman depuis quelques temps déjà. Plus que sa 4ème de couverture que je trouve peu vendeuse, c'est la sublime illustration en 1ère page qui m'a donné envie de le lire. Comment ne pas craquer pour cette belle gravure en noir et blanc ? Je n'avais pas forcément prévu de lire ce premier tome si vite. Je laisse toujours passer un peu de temps avant de lire des succès littéraires … et encore si je les lis car je ne suis pas toujours tentée. J'ai reçu ce roman en cadeau, ce qui a précipité ma lecture et j'en suis plus que ravie. Certes, j'espérais intérieurement aimer cette histoire, mais je ne m'attendais pas à un tel coup de cœur. Etant une lectrice d’œuvres classiques, les coups de cœur contemporains ne sont pas fréquents, alors je les savoure. J'ai lu beaucoup de textes merveilleux ces derniers temps. Des romans à l'écriture transcendante, sublime ou d'autres à l'atmosphère grandiose, mais cela faisait longtemps que je n'avais pas été autant plongée au sens littéral dans un roman. Cette plongée qui nous envahit totalement, où l'on pense au roman du matin au soir, où l'ouverture du roman ressemble à l'ouverture d'une porte vers un autre monde, celle que décrit Michael Ende dans L'histoire sans fin.
Je lis peu de romans fantastiques (ou merveilleux, fantasy, etc …). Mais j'en lis de temps en temps, souvent des classiques (on ne se change pas!) ou des incontournables, et toujours avec un grand plaisir. Je resterai à vie imprégnée par Les dames du lac, L'assassin royal ou Harry Potter. Pour que ce genre littéraire me tente, il faut un monde à l'imagination débordante, une histoire humaine et sensible, des personnages complexes et profonds et une belle écriture intelligente et efficace. En ouvrant La passe-miroir, j'ai constaté avec émotion que ce roman possédait tout cela.
Bien sûr, dès les premières pages, j'ai pensé à Hayao Miyazaki. En tant que TRÈS GRANDE fan, retrouver un monde tel que celui du Château ambulant fut une magnifique surprise. Je n'ai pas été étonnée d'apprendre plus tard que l'auteur avait bien évidemment été inspirée par le réalisateur et que tous les lecteurs ont pensé à Miyazaki durant leur lecture. On y retrouve les cités volantes, les aéronefs, mais également une ambiance générale particulière, celle qui reprend des éléments de notre monde tout en y mélangeant des éléments fantastiques. Tout dans l'univers de La passe-miroir m'a conquise : les dons et les personnalités des membres des différents clans, les arches, la Déchirure, … J'ai trouvé toutes les idées fabuleuses. Tout comme pour Harry Potter, autant d'imagination me laisse bouche bée. Quant aux personnages, ils sont tous parfaits … même dans leur bassesse et leur méchanceté. Ophélie est une héroïne attachante qui brise un peu les codes des personnages féminins habituels. Elle est discrète, maladroite, malingre, déterminée. J'ai adoré ce personnage et je m'y suis totalement identifiée. J'ai toujours aimé ces personnages discrets que l'on ne remarque pas tout de suite et qui se distinguent grâce à leur intelligence tels que Jane Eyre, Anne Elliot ou Joe March. Le personnage de Thorn est magnifique. A la fois antipathique et fascinant, je ne sais que penser de lui. Mon petit cœur n'a pas résisté à la relation qu'entretiennent ces deux personnages principaux. J'ai aimé les jeux de regard, les non-dits et les doutes. Je suis vraiment curieuse de savoir ce qui se passera dans les prochains tomes. Autour d'eux, on voit la touchante Roseline, la capricieuse Berenilde, l'attachant Renard, Gaëlle et son caractère bien trempé, l'étrange Archibald, le terrifiant Chevalier et bien d'autres personnages plus fascinants les uns que les autres. Christelle Dabos a réussi à créer des personnages plus complexes qu'ils n'y paraissent d'abord. Rien n'est jamais acquis avec eux et nos convictions sont vite ébranlées. L'histoire, quant à elle, est tout simplement addictive. J'aurai pu engloutir ce roman en une journée enfermée dans ma chambre si j'avais pu me le permettre. Si on franchit la porte de La Passe-miroir, il est difficile de la refermer. Les chapitres efficaces s'enchaînent sans pour autant se précipiter. Christelle Dabos est dans la maîtrise totale. Elle prend son temps, installe l'ambiance, tout en ajoutant ce qu'il faut d'aventures et d’énigmes. 
Moi qui lis beaucoup de littérature classique, je constate souvent avec la littérature contemporaine (il y a plusieurs exceptions bien sûr) un manque de finesse dans l'écriture. On tombe parfois sur de vrais page-turners passionnants, mais qui au final nous laissent peu de choses. Christelle Dabos a réussi à écrire une histoire qui se dévore, à l'écriture juste et qui nous transporte longtemps encore après avoir refermé le livre. Pour un premier roman, je suis scotchée. 
En refermant ce tome, je me suis demandée que faire. J'avais choisi quelques romans pour cet été. Je ne m'attendais pas en ouvrant La Passe-miroir n'avoir qu'une seule envie après, celle de continuer l'aventure. Quatre tomes sont prévus. Le 2 et le 3 sont déjà disponibles en poche. Je file dès demain en librairie et je croise très fort les doigts pour qu'ils y soient. Cela ne m'est pas arrivée très souvent de courir en librairie pour trouver une lecture précise que je veux ouvrir là tout de suite maintenant. Ce sentiment est si bon. C'est l'été, je suis en congés, j'ai devant moi des soirées et des nuits entières, je vais pouvoir me lover et dévorer cette histoire avec passion. Tout en sachant qu'il me restera le tome 4 à découvrir dans quelques mois lorsqu'il sortira. 
Les fiancés de l'hiver fait typiquement partie de ces romans qui nous poussent à soupirer en disant " Mon Dieu! Que je plains ceux qui n'aiment pas lire!".
"Le charme est la meilleure arme offerte aux femmes, il faut t'en servir sans scrupule."Alors que l'ascenseur reprenait sa montée, Ophélie se fit la promesse de ne jamais suivre le conseil de sa sœur. Les scrupules étaient très importants. Tant qu'Ophélie aurait des scrupules, tant qu'elle agirait en accord avec sa conscience, tant qu'elle serait capable de faire face à son reflet chaque matin, elle n'appartiendrait à personne d'autre qu'à elle-même."(La Passe-miroir tome 1, Les fiancés de l'hiver, Christelle Dabos)




(Photos : Romanza2019)

samedi 20 juillet 2019

Doucement ... mais sûrement!

Passé imparfait
Julian Fellowes
10/18, 2017.

Une invitation de Damian Baxter ? Voilà qui est inattendu ! Cela fait près de quarante qu’ils sont fâchés ! Inséparables durant leurs études à Cambridge, leur indéfectible amitié s’est muée en une haine féroce, suite à de mystérieux événements survenus lors de vacances au Portugal en 1970. Après de déconcertantes retrouvailles, la révélation tombe : riche, à l’article de la mort, Damian charge le narrateur, sur la foi d’une lettre anonyme, de retrouver parmi ses ex-conquêtes – six jeunes filles huppées qu’ils fréquentaient alors – la mère de son enfant. Un voyage vers le passé plein de fantômes et de stupéfiantes révélations… Avec une verve élégante, le créateur de la série Downton Abbey signe un portrait au vitriol de l’aristocratie anglaise bousculée par les sixties.

En tant que grande fan de Downton abbey, cela fait plusieurs années que je louche sur les romans de Julian Fellowes. Pourtant, ma rencontre avec l'un d'entre eux ne fut pas simple.

Malgré les années qui passent et la trentaine bien entamée, je n'arrive toujours pas à abandonner une lecture commencée ... même lorsque je sens que mon esprit n'est pas disponible ou que le moment n'est pas le bon. Rien à faire, je n'arrive pas à laisser le livre, je continue de le lire jusqu'au bout. Parfois, l'enthousiasme ne vient jamais et je regrette amèrement de ne pas avoir eu le courage (ou l'intelligence) de remettre cette lecture à plus tard. A d'autres moments, grâce à ma persévérance, la magie finit par opérer et je suis ravie d'avoir continuer et rien n'avoir lâché. Pour Passé imparfait, après plusieurs semaines fastidieuses, j'ai fini par embarquer dans cette histoire et j'en suis ravie. 
Les premiers jours de lecture ont été vraiment durs. La tête plongée dans des préoccupations familiales et professionnelles, je n'arrivais pas à plonger dans le roman. Julian Fellowes a échoué à me décrocher de mon quotidien. J'ouvrais le livre avec difficulté et lisais sans enthousiasme. Finalement, quand la vie est devenue plus tranquille et mon esprit plus à même d'entrer dans l'histoire, j'ai lu la seconde partie du roman en peu de temps. 
Je dois admettre que plusieurs points ne m'ont pas convaincue dans ce roman. L'histoire est bien trop rocambolesque pour moi. Est-ce réellement possible que tant de femmes autour de Damian soient tombées enceinte au même moment, hors mariage et à la suite d'une relation avec lui? Cependant, j'ai tout de même suivi la quête du narrateur ... sans rentrer totalement dedans. Ce qui m'a séduite par contre ce sont les nombreux flash-backs de cette histoire. J'ai aimé découvrir le passé de cette bande par bribes. Les pièces s’emboîtent au fur et a mesure avec beaucoup de maîtrise. Ce que j'ai aimé également dans la construction de ce texte, c'est l'émotion qui nous saisit dans les dernières pages sans qu'on s'y attende. L'histoire nous prend tellement de haut avec sa haute bourgeoisie anglaise, ces personnages peu attachants et parfois un brin pédants que la fin nous gifle avec efficacité. J'ai compris et j'ai été émue. Tout comme dans Downton abbey, certaines choses ne sont pas dites, par convenance ou éducation. Il faut des gens extérieurs à ce milieu pour délier les langues, bousculer les cœurs et ouvrir les esprits. 
Un roman que j'ai finalement apprécié. Je garde Snobs et Belgravia notés dans mon carnet de "livres à acheter". 
Londres est désormais pour moi une ville hantée et je suis la fantôme qui erre dans ses rues. Chaque rue, chaque place, chaque avenue semble me susurrer les souvenirs d'une autre époque de mon existence. Même un tout petit tour a Chelsea ou a Kensington me ramène a des endroits ou je fus jadis bienvenu et ou aujourd'hui je serais étranger. Je me vois apparaitre, soudain redevenu jeune, vêtu, pour quelque surprise-partie depuis longtemps oubliée, accoutré de vêtements qui ressemblent au costume local d'une contrée des Balkans en pleine guerre. Ah! C'est pattes d'eph évasées, ces chemises a jabots avec col en V a lacets.... Quel gout avions-nous !
(Photos : Romanza2019)