vendredi 30 novembre 2012

Ce ne sont pas "des coquins à l'eau de rose, je vous le promets. "

La foire aux vanités
William M Thackeray
Challenge Gilmore girls et Thursday Next


Folio classique, 2009.

Il s'agit de l'un des plus grands classiques du roman anglais. Le XIXe siècle britannique est divisé entre Dickens et Thackeray comme le nôtre entre Balzac et Stendhal. Thackeray (1811-1863) est l'égal de Stendhal et La Foire aux Vanités (1848), son chefs-d'œuvre. Il y utilise un style humoristique ou ironiquement épique pour donner l'un des plus grands romans de satire sociale en langue anglaise. La thèse fondamentale du livre est que, dans la société occidentale, le seul moyen d'arriver, si l'on est sans naissance ni fortune, est de violer tous les principes moraux que la société fait semblant de respecter. La question qu'il pose donc est : qui faut-il blâmer, ces aventuriers, ou le système qui les rend nécessaires ? Le personnage principal est une femme hypocrite, ambitieuse et sans scrupules : on assiste à son ascension au sommet de la société et à sa chute. Autour d'elle s'agite, dans une immense fresque, la " Foire aux Vanités ".

La foire aux vanités (et ses 1040 pages) m'a accompagnée durant presque 3 semaines. Et ce ne fut ni lourd, ni indigeste. Thackeray m'a conté sa riche histoire au creux de l'oreille et il m'a envoûté.
Nous suivons, dans cette foire aux vanités, deux femmes : Rebecca et Amelia. Rebecca est aussi manipulatrice qu'Amelia est honnête. Alors que l'une est douce et naïve, l'autre est ambitieuse et prête à tout. Autour d'elles, évolue une galerie de personnages pétillants, orgueilleux et égoïstes. Heureusement, il y a Dobbin, homme au grand coeur, la seule personne réellement honnête et généreuse de cette histoire. 
Il faut vraiment que Folio réédite ce roman, car l'affreuse et austère couverture de cette édition ne donne vraiment pas envie de l'ouvrir. Et c'est bien dommage! Car on y trouve une plume mordante, satirique, extrêmement intelligente et drôle. Je ne me suis pas ennuyée une seconde en compagnie de la douce Amelia et la venimeuse Rebecca. Rebondissements, apartés croustillants de l'auteur, émotions, frissons, ce roman regorge de petits bonbons succulents qui font de sa lecture un moment magique. Certes, il est préférable d'aimer les classiques pour lire ce gros pavé de plus de 1000 pages, car même si le sujet est encore aujourd'hui très actuel (la foire aux vanités existe encore, non?), le ton très vivant et la lecture agréable et simple, la forme reste tout de même classique. 
J'ai souvent souri en lisant ce roman. Rebecca, bien que totalement peste (sa petite soeur s'appelle Scarlett O'Hara) est un personnage hilarant. Bien plus intéressante que la douce Amelia, Rebecca apporte un brin de folie au roman. J'ai ri aussi en voyant comme ce texte est encore si actuel. Certains personnages, certaines réflexions de l'auteur me sont revenus en regardant la télévision ou en lisant les journaux. La foire aux vanités n'a pas de fin. 
J'aime les questionnements que ce texte soulève. Devons-nous blâmer Rebecca d'avoir voulu se hisser sur l'échelle sociale? Quelles sont les limites de la vertu? Quand commence le vice? Quelles armes possèdent les femmes à part leurs charmes et leur intelligence? 
Je ne sais pas trop comment parler de ce texte. Il est si riche que j'ai l'impression de ne parler pour ne rien dire et de passer complètement à côté de ce que j'aimerai mettre en valeur. Je suis frustrée. A part vous recommander fortement de commencer la première page de ce vaste roman, de laisser Thackeray vous raconter sa si délicieuse et si cruelle histoire, je ne sais que vous dire. 
Lisez les premiers mots. Voyez-vous Rebecca et Amelia quitter leur pension, avec dans la tête des ambitions différentes, mais possédant le même coeur plein d'espoir? ça y est, vous avez embarqué, maintenant, laissez-vous faire! Bonne lecture!

" Il n'est pas difficile de faire la grande dame dans un château ", pensait Rebecca en elle-même ; " je crois que je pourrais être une femme vertueuse si j'avais cinq mille livres sterling de revenu. Ce n'est pas bien fatiguant d'aller donner un coup d'oeil aux enfants et de compter les abricots sur les espaliers, au besoin même j'irais jusqu'à demander aux vieilles femmes comment vont leurs rhumatismes et faire distribuer des bouillons aux pauvres. C'est là un métier dont je m'accommoderais fort bien moyennant cinq mille livres sterling de rente. On me verrait aussi bien qu'une autre me rendre en voiture chez des voisins où je serais invitée à dîner, et suivre les modes vieilles de deux ans. Je paraîtrais avec avantage à l'église, dans le banc seigneuriale, ou bien, mon voile baissé et dans l'embrasure de la boiserie, j'apprendrais à dormir sans en rien laisser voir : tout cela s'acquiert par l'usage. Avec de l'argent, on paye ses dettes ; avec l'argent on a le droit de faire les fiers et de nous mépriser nous autres pauvres diables, parce que nous n'avons pas le sou. "
(La foire aux vanités, Thackeray, Folio, 2009, p 655)

(Source image : thebrothersh.blogspot.fr)

dimanche 25 novembre 2012

Le petit coin idéal


Quel est votre coin préféré pour lire?

Bien sûr, ça dépend! 
Selon la saison, on aime lire auprès d'un ruisseau avec le chant des oiseaux ou alors blotti dans son canapé près d'un bon feu de cheminée. On a des envies différentes. Tout dépend du moment, du roman, de notre état d'esprit. 
Mais, on peut parfois avoir un lieu que l'on aime tout particulièrement. Lorsqu'on se pose là, on oublie le quotidien, le boulot, les enfants, les rendez-vous ... tout .... Quand on se pose là, c'est notre moment rien qu'à nous. 
Moi, le voilà mon endroit :


C'est assez simple! 
Un fauteuil avec de bons cousins moelleux, mon lit en face pour poser mes jambes, le radiateur juste à côté pour me tenir chaud (et pour poser mon thé), la nature derrière la fenêtre et la douce lumière du jour sur les pages de mon roman. 


Bien sûr, j'aime aussi lire dans mon lit lovée sous ma couette, devant mon petit-déjeuner, dans les transports, sur un banc dans un parc avec mon thermos de thé, sur mon canapé près de la cheminée ....... 

Et vous, parlez-moi de votre coin littéraire? 

Je fais de ce petit sujet un tag, un moment d'échange. 
Répondez à cette question en y ajoutant, si vous le désirez, une photo, puis taguez les personnes de votre choix.

Quant à moi, les habitudes littéraires de Maggie, Titine et George m'intéressent beaucoup. 
Si vous acceptez les filles!


jeudi 22 novembre 2012

Mes dernières folies

Un petit tour à la bouquinerie et voilà le résultat : 


Le journal d'une femme de chambre d'Octave Mirbeau : Je n'ai pas encore lu ce classique qui me tente depuis plusieurs années. 



Deux Zola, Une page d'amour et La joie de vivre : Car je veux lire tous les Rougon-Macquart et que ça faisait bien trop longtemps que je n'avais pas acheté des romans de mon cher Zola. 


Climats d'André Maurois : Je ne connaissais pas du tout jusqu'à ce que je tombe sur un téléfilm adapté de cette oeuvre que j'ai trouvé très touchant. J'ai été ravie de le trouver à la bouquinerie. 


Black boy de Richard Wright : Toujours dans une volonté de découvrir davantage la littérature américaine. 

samedi 17 novembre 2012

Juste un moment de partage ....

Un pique-nique chez Osiris


Téléfilm français en 2 parties de Nina Companeez (2001).

Nous sommes en 1898. Héloïse, 19 ans, est issue d'une famille appartement à la haute bourgeoisie parisienne anti-dreyfusarde et antisémite. Par esprit de révolte, elle va entamer une relation amoureuse avec Maxime un jeune journaliste juif. Lors d'une terrible querelle avec son père, ce dernier est victime d'une attaque d'apoplexie dont il meurt. Pour l'éloigner de Maxime, sa mère Mathilde, sa cousine Olympe emmènent Héloïse faire un voyage en Orient. Après le Caire et les Pyramides, elles vont remonter le Nil puis traverser le désert en caravane. Loin des regards qui les jugent, elles vont se révéler elles-mêmes.

Je voulais vous parler d'un téléfilm qui me tient particulièrement à coeur et que je regarde très régulièrement avec toujours la même émotion. 
J'ai découvert ce téléfilm lors de sa première (et unique ... malheureusement) diffusion en 2001. J'ai tout de suite totalement plongé dans cette histoire touchante, humaine, à la fois drôle et émouvante. J'ai pendant plusieurs mois souvent repensé à ces images, à ces mots, à ces ambiances envoûtantes. J'ai pendant plusieurs années cherché le DVD de ce téléfilm qui paraissait introuvable. Quand, enfin, France Loisirs a eu la bonne idée de le sortir. Depuis, il ne se passe pas 6 mois sans que je me cale sur mon canapé (ou mieux, dans mon lit) et que je me laisse aller dans le monde passionnant d'Un pique-nique chez Osiris. Jamais lassée, je regarde de téléfilm comme si c'était la première fois. 


Ces trois femmes, prisonnières des carcans familiaux, sociaux, moraux, prisonnières des préjugés des autres, mais également des leurs, se libérant de leurs corsets au milieu du désert égyptien, me fascinent. J'aime la fougue et la passion excessive d'Héloïse, j'aime la tendre Mathilde totalement étouffée par son tyran de mari et enfin, j'aime Olympe, pleine de haine et de mépris pour tout le monde et enfermée dans ses idées reçues. Marina Hands interprète bien cette jeune femme sans réelle beauté mais bourrée de charme qui s'enferme dans sa révolte quitte à se tromper de voie. Je ne connaissais pas Dominique Reymond qui nous offre un rôle profond et tout en retenu. Quant à la géniale Dominique Blanc, elle est la petite touche qui fait la différence. Elle est drôle, terrifiante, émouvante, énervante. Superbe! 
Et puis, il a mon chouchou d'acteur Eric Ruf. J'ai la chance de l'avoir vu plusieurs fois sur scène à la Comédie française. C'est un acteur que j'aime énormément. Il y a sa voix merveilleuse, ses yeux passionnés, son physique si atypique ... Il ne joue pas, il vit. 


Le téléfilm est composé de deux parties. Il y a l'avant départ, puis le voyage. Les deux parties sont parfaites. J'aime la première car elle pose bien l'histoire, la vie étriquée de ces trois femmes. Il y a la France de l'affaire Dreyfus, les sautes d'humeur d'Héloïse, les réflexions terrifiantes de la cousine Olympe et cet antipathique Paul de Bonnières (et puis, bien sûr, Eric Ruf!). Dans la seconde, il y a l'Egypte. Et tout est dit! Comme ce téléfilm me donne envie de voyager!! Ce sentiment de liberté que ressentent nos trois héroïnes, il est là, dans ma poitrine, bien présent, aussi fort que le leur. Le désert, Ariel Cohen, le Nil, l'essence de rose, ..... On est plongé en plein dans l'orientalisme de l'époque. 
Peut-être que le changement de pensée et de vie de ces trois femmes peut paraître trop soudain, trop facile, mais moi j'y crois. Tout est bien mené et touchant dans cette histoire. Je suis toujours déçue lorsque la fin arrive. 
Si vous n'avez toujours pas vu cette jolie réalisation, foncez! 
Vous pouvez vous la procurer sur internet. Le DVD est désormais moins difficile à trouver. 
Voilà ... C'était juste un moment de partage. 

(Sources : amazon.fr ; programme-tv.net ; telephant.com ; cine-séries.orange.fr)

samedi 10 novembre 2012

Prendre conscience ... avant qu'il ne soit trop tard!

Tu verras
Nicolas Fargues


P.O.L, 2011. 

Mon père me criait de remonter mon jean au-dessus de mes fesses, de cesser d'écouter des chansons vulgaires sur mon iPod, de rapprocher mes coudes à table et de ne pas faire la tête chaque fois qu'il voulait m'emmener au musée. Il ajoutait toujours : "Plus tard, tu comprendras que c'est pour ton bien que je te disais ça, tu verras". 


Sans être un roman incroyable, Tu verras est un roman extrêmement touchant, je dirai même nécessaire. Je pense que tous les parents devraient le lire. Etant maman d'un petit garçon de 20 mois, Nicolas Fargues m'a projeté face à mes propres démons, mes doutes, mes craintes. 
Colin, la quarantaine, vient de perdre dans un terrible accident son fils de 12 ans, Clément. Il prend conscience de toutes les erreurs qu'il a pu faire, de son manque de compréhension et de tolérance vis à vis de ce jeune garçon gagnant petit à petit son indépendance. 
Colin est bouleversant. J'ai vécu intensément cette culpabilité qui le dévore. En lisant Tu verras, on comprends combien on peut se prendre la tête pour des détails. Clément aime le rap, son père vit mal que son fils n'aime pas, tout comme lui, le rock. Il est parfois sec avec lui sur des choses qui se révèlent bien insignifiantes après la mort de Clément. J'ai ressenti le manque de Colin, ce manque physique, animal, le besoin de sentir et toucher son enfant. J'ai vraiment pris la douleur de Colin en plein coeur. Mais la plume de Nicolas Fargues ne tombe pas dans le pathos. Les sentiments de Colin sont humains, simples et beaux
Je n'ai pas vraiment accrocher au voyage final de Colin. Pas assez fouillé, un peu téléphoné, je suis passée à côté. 
Un roman important et bien écrit. Un roman à lire pour le message qu'il transmet, les réflexions qu'il soulève. 

" (...) j'ai pris alors brutalement conscience de la fragilité de mon fils, comme tous les parents d'adolescents du monde. J'ai éprouvé, comme eux, le vertige d'imaginer qu'en mon absence, un accident pouvait lui arriver n'importe où et n'importe quand. Et, comme tous les parents du monde, j'ai fini par me raisonner, en me disant qu'on ne peut pas chaperonner un enfant tout au long de sa vie. Que la vie, c'est par essence un risque potentiel à courir de s'estropier ou de mourir à chaque instant de chaque jour."
(Tu verras, Nicolas Fargues, POL, 2011)


(Source image : spiritualité-chrétienne.com)

dimanche 4 novembre 2012

ça faisait longtemps ....

.... un petit tag!


  • Un livre que tu as particulièrement aimé 

Dur dur de n'en choisir qu'un seul.  Mais au fond de mon coeur un titre prédomine :


Mais j'aurai pu aussi citer Les dames du lac de Marion Zimmer Bradley, les romans de Pearl Buck, Le rêve de Zola, Une vie de Maupassant, Anna Karenine, Orgueil et préjugés, ... et tant d'autres. 

  • Un livre qui ne t'a pas plu

Sans aucune hésitation Danse avec la vie de Zoé Valdès. Aucun intérêt! Je me demande encore ce que ce roman a bien pu m'apporter. 

  • Un livre qui est dans ta PAL

Euh! Ma PAL est une véritable montagne mais si je dois n'en citer qu'un ... La foire aux vanités de Thackeray. 

  • Un livre qui est dans ta wish-list

Blonde de Joyce Carol Oates. J'ai envie de connaître un peu plus l'énigmatique Norma Jean et de retrouver la belle écriture de Oates. 

  • Un livre auquel tu tiens

Il y en a beaucoup trop. Mais je vais dire mon édition de L'histoire sans fin de Ende. Je l'ai lu durant un voyage humanitaire. La couverture est déchirée, les pages toutes détachées. J'y tiens comme la prunelle de mes yeux. 

  • Un livre que tu voudrais vendre ou troquer

Aucun. Je garde tous mes livres.

  • Un livre que tu n'as pas réussi à terminer

Je les finis tous. Il est très rare que je tombe sur un roman où tout est mauvais, si bien que je l'abandonne. 
Mais dans mes jeunes années de lectrice, j'ai abandonné La chartreuse de Parme de Stendhal, que j'ai repris des années plus tard et que j'ai adoré. Même chose pour Le château des Carpathes de Verne. Et il y a eu aussi De la littérature de Mme de Staël et quelques autres textes intéressants, mais un peu ennuyants parfois. 

  • Un livre dont tu n'as pas encore parlé

Je parle ici de tous les textes que je lis. Depuis 5 ans, toutes mes lectures sont chroniquées. Mais ma vie de lectrice était très remplie avant la création de ce blog, il y a donc de nombreuses lectures que je n'ai pas commenté ici. Beaucoup de classiques entre autre. 

  • Un livre que tu vas lire pour une LC

Je n'ai pas fait encore de lectures communes sur internet. Mais depuis plusieurs années, je fais des lectures communes, chaque saison, avec mon amie de fac'. Nous habitons désormais à plus 800 km l'une de l'autre, nous nous organisons des lectures communes régulièrement. Il y a eu Stoner récemment, mais aussi Nous étions les Mulvaney, Chez les heureux du monde, ... La prochaine est encore en pour parler. 
Faire une petite lecture commune avec d'autres blogueurs sur internet me tente bien. Un jour peut-être ... 

samedi 3 novembre 2012

Qui dit Halloween, dit lecture d'Halloween!


Carrie
Stephen King
Challenge Gilmore girls

 J'ai lu, 1978.

Une mère puritaine obsédée par le diable et le péché ; des camarades de classe dont elle est le souffre-douleur : Carrie est profondément malheureuse, laide, toujours perdante. 
Mais à seize ans, ressurgit en elle le souvenir d'un "don" étrange qui avait marqué fugitivement son enfance : par sa seule volonté, elle pouvait déplacer les objets à distance. Et ce pouvoir réapparaît aujourd'hui, plus impétueux, plus impatient. 
Une surprise bouleverse soudain la vie de Carrie : lorsqu'elle est invitée au bal de l'école par Tommy Ross, le boy-friend d'une de ses ennemies, n'est-ce pas un piège plus cruel encore que les autres ?

J'ai découvert tardivement Stephen King il y a trois ans en lisant le célèbre ça, l'histoire du clown cabriolant. Assez sceptique en l'ouvrant, je suis tombée dans un univers hallucinant d'imagination qui m'a profondément marquée. Bien sûr, il y a eu la peur, le frisson et l'horreur, mais il y a eu surtout un magnifique talent de conteur, des personnages vivants et profondément attachants, des images, des émotions qui chamboulent là dans le fond du ventre et au final, une de ces lectures qui ne nous quittent plus. Rien qu'à l'évocation du mot "ça", je plonge dans un univers complet, total, un flot d'images m'envahit. Ce sont comme des souvenirs d'une vie vécue et non comme de simples lignes lues dans les pages d'un livre. Vous comprendrez pourquoi en ouvrant Carrie, j'étais à la fois heureuse et nerveuse. 
Je n'irai pas jusqu'à dire que Carrie a la force de ça (le nombre de pages joue, plus de 1000 pages pour ça, que 250 pour Carrie), mais j'y ai retrouvé tout ce qui m'avait plu
J'ai dévoré ce roman une fois ouvert. Construit comme une enquête, un rapport de police, on suit pas à pas l'histoire tragique de Chamberlain, ville du Maine. On sait dès le début qu'un terrible désastre a frappé la ville et que l'étrange Carrie White en est responsable. Mais les détails, les précisions ne viennent qu'au fil du récit. La narration est entrecoupé de témoignages, d'extraits d'enquêtes ou de rapports. Tout se construit comme un puzzle. On est tenu en haleine. 
J'ai tout de suite pris Carrie en pitié. Dans cette ambiance typiquement "clichés américains" où il faut être belle et capitaine des pom-pom girls de l'école pour être aimée et respectée, la pauvre Carrie est le mouton noir. Elle est sans cesse insultée. L'horreur atteint son paroxysme lorsque Carrie a ses premières règles dans les douches collectives. Sa mère l'ayant laissée dans l'ignorance, Carrie croit mourir d’hémorragie. Toutes les filles du vestiaire lui jettent des serviettes hygiéniques et des tampons au visage en lui criant des obscénités. Carrie, traumatisée, prend conscience d'une chose qui dort en elle depuis des années, la télékinésie. 
J'ai aimé Susan qui essaie comme elle peut d'aider Carrie (mais n'est-elle pas indirectement responsable du désastre?). C'est la seule, avec le doux Tommy et Miss Desjardins, à ne pas juger Carrie sur son apparence ou son éducation et qui tente de la faire sortir de sa coquille. J'ai par contre eu envie plusieurs fois de griffer cette peste de Chris. Carrie n'est qu'une victime. Les responsables du désastre de Chamberlain sont ceux qui la briment depuis des années. 
J'ai souvent entendu que Carrie n'était pas un roman qui faisait peur. C'est vrai que par rapport au clown psychopathe de ça, Carrie est assez gentillette, mais j'ai tout de même ressenti quelques frissons. L'image sanguinolente de Carrie détruisant par le feu sa ville et ses habitants ne me quittera pas de sitôt. 
Tout comme pour ça, je retire de ce roman une histoire profondément humaine. A l'époque, c'est l'histoire d'amitié du Club des Ratés dans ça qui m'avait remuée les tripes, avec Carrie c'est la stupidité humaine, la méchanceté gratuite, le jugement aveugle. Carrie m'a bouleversée. Mon coeur s'est souvent serré pour elle. 
Une très belle histoire, à la fois magnifique et terrifiante. Je n'aurai plus d'appréhension à ouvrir un Stephen King. Grâce à ces deux lectures, je sais que j'entrerai dans un monde humain, saisissant, imaginatif. 

" /.../ Et alors les autres filles se sont moquées d'elle?
- Pire que ça. Elles poussaient des hurlements et lui jetaient des serviettes hygiéniques à la tête quand je suis entrée. Elles les lui lançaient ... comme des cacahuètes.
- Oh! Oh mon Dieu! Vous avez relevé des noms?
- Oui, mais pas tous. Quoiqu'il y aura sans doute des dénonciations. Il m'a semblé que Christine Hargensen était la meneuse ... comme d'habitude.
- Chris et sa bande de perruches, murmura Morton.
- Oui. Tina Blake, Rachel Spies, Helen Shyres, Donna Thibodeau, et sa soeur Mary Lila Grace, Jessica Upshaw. Et Sue Snell - Elle fronça les sourcils. Je ne me serais pas attendue à ça de la part de Sue. Jamais je ne l'ai vue tremper dans ce genre de chahut. "
(Carrie, S. King, J'ai lu, 1978, p 23)



(Source image : stephenking.wikia.com. Sissy Spacek dans Carrie au bal du diable)