La foire aux vanités
William M Thackeray
Challenge Gilmore girls et Thursday Next
Folio classique, 2009.
Il s'agit de l'un des plus grands classiques du roman anglais. Le XIXe siècle britannique est divisé entre Dickens et Thackeray comme le nôtre entre Balzac et Stendhal. Thackeray (1811-1863) est l'égal de Stendhal et La Foire aux Vanités (1848), son chefs-d'œuvre. Il y utilise un style humoristique ou ironiquement épique pour donner l'un des plus grands romans de satire sociale en langue anglaise. La thèse fondamentale du livre est que, dans la société occidentale, le seul moyen d'arriver, si l'on est sans naissance ni fortune, est de violer tous les principes moraux que la société fait semblant de respecter. La question qu'il pose donc est : qui faut-il blâmer, ces aventuriers, ou le système qui les rend nécessaires ? Le personnage principal est une femme hypocrite, ambitieuse et sans scrupules : on assiste à son ascension au sommet de la société et à sa chute. Autour d'elle s'agite, dans une immense fresque, la " Foire aux Vanités ".
La foire aux vanités (et ses 1040 pages) m'a accompagnée durant presque 3 semaines. Et ce ne fut ni lourd, ni indigeste. Thackeray m'a conté sa riche histoire au creux de l'oreille et il m'a envoûté.
Nous suivons, dans cette foire aux vanités, deux femmes : Rebecca et Amelia. Rebecca est aussi manipulatrice qu'Amelia est honnête. Alors que l'une est douce et naïve, l'autre est ambitieuse et prête à tout. Autour d'elles, évolue une galerie de personnages pétillants, orgueilleux et égoïstes. Heureusement, il y a Dobbin, homme au grand coeur, la seule personne réellement honnête et généreuse de cette histoire.
Il faut vraiment que Folio réédite ce roman, car l'affreuse et austère couverture de cette édition ne donne vraiment pas envie de l'ouvrir. Et c'est bien dommage! Car on y trouve une plume mordante, satirique, extrêmement intelligente et drôle. Je ne me suis pas ennuyée une seconde en compagnie de la douce Amelia et la venimeuse Rebecca. Rebondissements, apartés croustillants de l'auteur, émotions, frissons, ce roman regorge de petits bonbons succulents qui font de sa lecture un moment magique. Certes, il est préférable d'aimer les classiques pour lire ce gros pavé de plus de 1000 pages, car même si le sujet est encore aujourd'hui très actuel (la foire aux vanités existe encore, non?), le ton très vivant et la lecture agréable et simple, la forme reste tout de même classique.
J'ai souvent souri en lisant ce roman. Rebecca, bien que totalement peste (sa petite soeur s'appelle Scarlett O'Hara) est un personnage hilarant. Bien plus intéressante que la douce Amelia, Rebecca apporte un brin de folie au roman. J'ai ri aussi en voyant comme ce texte est encore si actuel. Certains personnages, certaines réflexions de l'auteur me sont revenus en regardant la télévision ou en lisant les journaux. La foire aux vanités n'a pas de fin.
J'aime les questionnements que ce texte soulève. Devons-nous blâmer Rebecca d'avoir voulu se hisser sur l'échelle sociale? Quelles sont les limites de la vertu? Quand commence le vice? Quelles armes possèdent les femmes à part leurs charmes et leur intelligence?
Je ne sais pas trop comment parler de ce texte. Il est si riche que j'ai l'impression de ne parler pour ne rien dire et de passer complètement à côté de ce que j'aimerai mettre en valeur. Je suis frustrée. A part vous recommander fortement de commencer la première page de ce vaste roman, de laisser Thackeray vous raconter sa si délicieuse et si cruelle histoire, je ne sais que vous dire.
Lisez les premiers mots. Voyez-vous Rebecca et Amelia quitter leur pension, avec dans la tête des ambitions différentes, mais possédant le même coeur plein d'espoir? ça y est, vous avez embarqué, maintenant, laissez-vous faire! Bonne lecture!
" Il n'est pas difficile de faire la grande dame dans un château ", pensait Rebecca en elle-même ; " je crois que je pourrais être une femme vertueuse si j'avais cinq mille livres sterling de revenu. Ce n'est pas bien fatiguant d'aller donner un coup d'oeil aux enfants et de compter les abricots sur les espaliers, au besoin même j'irais jusqu'à demander aux vieilles femmes comment vont leurs rhumatismes et faire distribuer des bouillons aux pauvres. C'est là un métier dont je m'accommoderais fort bien moyennant cinq mille livres sterling de rente. On me verrait aussi bien qu'une autre me rendre en voiture chez des voisins où je serais invitée à dîner, et suivre les modes vieilles de deux ans. Je paraîtrais avec avantage à l'église, dans le banc seigneuriale, ou bien, mon voile baissé et dans l'embrasure de la boiserie, j'apprendrais à dormir sans en rien laisser voir : tout cela s'acquiert par l'usage. Avec de l'argent, on paye ses dettes ; avec l'argent on a le droit de faire les fiers et de nous mépriser nous autres pauvres diables, parce que nous n'avons pas le sou. "
(La foire aux vanités, Thackeray, Folio, 2009, p 655)
(Source image : thebrothersh.blogspot.fr)