mercredi 30 décembre 2015

Mes coups de coeur 2015

Petit bilan de mes coups de cœur 2015


Voilà l'année 2015 se termine ... et un bilan littéraire s'impose. 
Je n'ai pas lu beaucoup cette année (34 romans ... contre une 50aine les années précédentes), mais j'ai lu tous les jours et toujours avec autant de plaisir malgré mes deux loulous, mon travail, mon Romanzo et une vie pleine d'activités.

J'ai participé à deux challenges. Le Petit bac d'Enna et j'ai réussi à lire un roman pour chaque catégorie (mon billet récap'). Quant au challenge Myself que j'organise, j'ai lu comme prévu mes 4 romans de saison (un bilan global arrivera dans quelques jours).


Et voici mes coups de cœur de l'année :


- La petite princesse de Burnett : Mon âme d'enfant retrouvée.
- Crime et châtiment de Dostoïevski : Un grand roman, bien plus grand que moi, presque intimidant, mais envoûtant et inoubliable.
- Katrina de Salminen : Simple mais sublime
- Louis et la jeune fille de Ladjali : Un court roman qui m'a profondément émue
- La couleur des sentiments de Stockett : De l'humour, de la tendresse, ... L'émotion à chaque page
- Les filles de Hallows farm de Huth : Lecture immersion. J'étais à Hallows farm durant toute ma lecture.
- Les vagues de Woolf : La maîtrise et l'émotion, le génie et l'humanité, la prouesse et la sensibilité
- Toute passion abolie de Sackville-West : Une écriture délicate et pure, une héroïne attachante, comme une amie, une sœur que l'on ne veut plus quitter. Un roman que je relirai
- Du fond de mon cœur de Austen : Le plaisir inconditionnel de retrouver la plume vive de Jane Austen et de connaître davantage la femme derrière l'écrivain

J'ai retrouvé aussi, avec autant de plaisir, cette année Barbara Pym avec son Quatuor d'automne, ma chère Agatha Christie avec L'heure zéro et Edith Wharton et Les New-Yorkaises

Une année de belles lectures malgré quelques déceptions (peu nombreuses). J'espère réussir à lire davantage en 2016. J'espère aussi poursuivre mes rituels "réveil-lecture" (chaque matin depuis plusieurs semaines, je mets mon réveil 30 mn plus tôt pour commencer ma journée par quelques pages de lecture au lit avec mon thé. Parfois ce n'est pas simple de résister à la tentation de dormir une demi-heure de plus, mais l'effort est vite récompensé). 


Je vous souhaite de tout mon cœur une belle année 2016! 

Jeux d'enfant

 Le pays où l'on arrive jamais
André Dhôtel

Petit bac 2015

J'ai lu, 1959.

"Il y a dans le même pays plusieurs mondes véritablement. Dans les contrées situées au nord, jusqu'au Rhin ou jusqu'au port d'Anvers, ce sont des centaines de collines et de plaines chargées de richesses, et l'on peut voir aussi les eaux immenses des canaux, des fleuves, des bras de mer, tandis qu'au cœur des villes, sur des places, souvent désertes, s'élèvent les beffrois qui inspirent autant de terreur que d'admiration.
La vie routinière et sage de Lominval, petit village des Ardennes, aurait dû mettre Gaspard, fils de forain, à l'écart de toute vie aventureuse. Mais un regard échangé avec un enfant fugitif qui a décidé de retrouver "Maman Jenny" et le pays de son enfance va l'entraîner, malgré lui, dans une cascade d'aventures surprenantes et merveilleuses.

Le pays où l'on arrive jamais est un roman qui traînait depuis des temps immémoriaux dans ma bibliothèque. Il s'agit d'un des souvenirs de lecture de mon frère aîné. Il m'en a souvent parlé et j'avais gardé dans le coin de ma tête l'idée de le découvrir un jour. Certes j'ai attendu mes 30 ans pour le lire, mais je l'ai lu.
Même si Le pays où l'on arrive jamais est une jolie histoire, je dois avouer m'être vite lassée des aventures de Gaspard. J'ai beaucoup aimé les premiers chapitres sur la vie à Lominval, les malchances de Gaspard et l'apparition de l'enfant fugitif. La rencontre entre les deux jeunes gens est touchante et j'ai suivi avec intérêt la fuite de Gaspard pour retrouver son ami. Malheureusement, j'ai vite trouvé ses aventures très répétitives. J'ai fatigué rapidement de le voir chercher sans jamais trouver, aller et venir entre les mêmes endroits. Mais là où j'ai été le plus déçue c'est lorsque Gaspard trouve enfin le pays tant recherché. J'ai trouvé les dernières pages vraiment alambiquées et presque lourdes. Je m'attendais à plus de magie et une jolie morale sur le pouvoir de l'imagination et la force de l'enfance
Une expérience en demi-teinte. Je suis heureuse d'avoir découvert ce roman (ancien coup de cœur de mon frère) et je le conseillerai peut-être à mes enfants plus tard, mais mon intérêt s'est vite essoufflé et je n'ai pas réussi à embarqué dans ce "pays" merveilleux. 
" Il y a dans le même pays, plusieurs mondes véritablement. Si l'on explore les Ardennes, ce n'est pas une forêt que l'on découvre, mais mille forêts. Dans les contrées situées au nord, jusqu'au Rhin ou jusqu'au port d'Anvers, ce sont des centaines de collines et de plaines chargées de richesses, et l'on peut voir aussi les eaux immenses des canaux, des fleuves, des bras de mer, tandis qu'au coeur des villes, sur des places souvent désertes, s'élèvent les beffrois qui inspirent autant de terreur que d'admiration. "(Le pays où l'on arrive jamais, André Dhôtel, J'ai lu, 1959, p5)

dimanche 27 décembre 2015

" J'ai perdu un trésor, une sœur et une telle amie que jamais rien ne pourra la surpasser. "

Du fond de mon cœur
Jane Austen

Lettres à ses nièces 


Finitude, 2015.

Inédites et passionnantes, les lettres de Jane Austen à ses trois nièces préférées dressent un portrait émouvant de l’auteur d’Orgueil et Préjugés.
En tante attentionnée, elle se montre toujours prête à guider ses jeunes nièces, à les conseiller. Elle leur parle d’écriture, de stratégie amoureuse, de sa vie à la campagne, avec l’humour et l’élégance qui font le sel de ses romans. Ces lettres révèlent une touchante intimité et on acquiert bien vite la conviction que Jane Austen n’avait rien à envier à ses attachantes héroïnes.


Dieu que c'est bon! Je n'avais pas ouvert de textes de Jane Austen depuis plusieurs années (il s'agissait d'Emma) et ça fait un bien fou de la retrouver. Elle me manquait. 
Du fond de mon cœur réunit quelques unes des lettres de l'écrivain anglaise et c'est un régal. Le seul défaut de ce recueil est son nombre réduit de pages.  La sœur de Jane Austen, Cassandra, ayant détruit plusieurs de ses lettres à sa mort, il ne nous reste malheureusement que très peu de ses missives. J'aurai aimé en lire plus. Mais j'ai tout de même apprécié de découvrir Jane Austen. Non l'écrivain, mais la femme. J'ai retrouvé son humour, son ironie, sa finesse. Non, Jane Austen n'a rien à envier à ses héroïnes. J'ai lu ses lettres comme si elles m'étaient adressées. Jane Austen est devenue une amie. Quand Cassandra prend la plume pour parler du décès de sa sœur, mon cœur s'est serré. 
Dans ces lettres, Jane Austen apparaît comme une femme pleine de gaieté et de joie. Elle est attentive aux autres et donne des conseils à ses nièces sur l'amour et l'écriture. 
" Ta tentative d'attiser tes sentiments en visitant sa chambre m'a extrêmement divertie. La serviette à barbe sale, c'est exquis! Un tel détail se doit d'être publié. Bien trop savoureux pour être perdu. " (p43)
Elle est aussi capable de franchise et de beaucoup de culot. C'est une femme intelligente, cultivée, qui sait penser par elle-même et le revendique. Elle n'hésite pas à critiquer ...
" Demain, ta Grand-Maman souhaite se rendre à Spleen Hill à dos d'âne pour rendre visite aux Mrs Hulberts ; elles n'ont pourtant pas grand intérêt, ni l'une ni l'autre. Selon les nouvelles, leur état se détériore gravement. Loin d'être aussi résistantes que notre vieux baudet. " (p75) 
Ou encore, lorsqu'elle parle d'une amie ayant mis au monde son 18ème enfant : 
" Cette bonne Mrs Deedes! J'espère que tout se passera bien pour sa petite Marianne, et ensuite, je leur recommanderai, à elle et Mr D, de pratiquer ce régime assez simple que nous appelons faire chambre à part. " (p88)
Jane Austen a un discours résolument moderne. Pour elle, se marier et être mère de 20 enfants n'est pas une fatalité. Elle a un regard assez franc et direct sur le mariage. 
J'ai aimé les pages où elle parle de ses romans. Ce sont ses enfants. On sent dans ses mots qu'elle est heureuse et que l'écriture la comble profondément. A la naissance de sa petite nièce, elle écrit à la nouvelle mère :
" Ma chère Anna, De la même façon que je désire faire la connaissance de ta Jemina, je suis certaine que tu apprécieras de faire celle de mon Emma, et j'ai donc grand plaisir à te l'envoyer pour lecture. " (p69) 
Chaque lettre est un petit bonbon délicieux. J'ai dégusté chaque mot. Le beau langage, la bienséance, l'humour, le mordant, on retrouve tout ce qui fait la grandeur des romans de dame Austen. Je n'ai pas eu envie de la quitter. Je n'ai qu'une hâte, celle de découvrir les derniers textes de Jane que je n'ai pas encore lus : Mansfield park, les Juvelinia et ses textes inachevés. 
Ce livre est fait avec amour. Tout se déguste, de la préface aux lettres finales en passant par les annotations, ... Un petit bijou. Un coup de cœur.

Merci à Lou à qui je dois cette découverte. 
" Ma chère Anna, Nous avons été fort diverties par tes trois cahiers, cependant, j'ai un bon nombre de remarques à faire - plus qu'il ne te plaira. Nous ne sommes pas convaincues par la manière dont tu installes, sans aucune motivation particulière, Mrs Fisher comme loctaire et proche voisine d'un homme tel que Sir T. H ; il faudrait qu'elle ait quelque amie vivant dans les alentours qui soit à l'origine de cette décision. Une femme aussi prudente que Mrs Fisher, ayant deux toutes jeunes filles, ne s'aventurerait pas à commettre la maladresse d'emménager dans un quartier où elle ne connaît personne excepté un seul homme, au caractère fort peu respectable qui plus est. Souviens-toi, elle est très prudente ; tu ne peux la laisser agir de façon inconséquente. Invente-lui une amie et laisse celle-ci la faire inviter au Prieuré, ainsi nous n'aurons aucune objection à ce qu'elle dîne là-bas comme elle le fait ; sinon, une femme dans la situation de Mrs Fisher ne s'y rendrait certainement pas avant que d'autres familles lui aient fait auparavant une visite de courtoisie. "(Du fond de mon cœur, Lettre à Anna du 9 septembre 1814, Finitude, p 25)

samedi 26 décembre 2015

Pourquoi tant de haine?

Moby Dick
Herman Melville

Lecture commune avec Unlivre Unthé

Folio, 2014.

Considérez le cannibalisme universel de la mer, dont toutes les créatures s'entre-dévorent, se faisant une guerre éternelle depuis que le monde a commencé.

Considérez tout ceci, puis tournez vos regards vers cette verte, douce et très solide terre ; ne trouvez-vous pas une étrange analogie avec quelque chose de vous-même ? Car, de même que cet océan effrayant entoure la terre verdoyante, ainsi dans l'âme de l'homme se trouve une Tahiti pleine de paix et de joie, mais cernée de toutes parts par toutes les horreurs à demi connues de la vie. Ne poussez pas au large de cette île, vous n'y pourriez jamais retourner.


Je l'ai fait! J'ai lu Moby Dick, LE monstre de la littérature. Je dois confesser que ce fut rude.
Les 100 premières pages de ce roman sont excellentes. J'ai aimé l'ambiance lourde et sombre des bars de marins et cet appel du large qui prend aux tripes. L'écriture de Melville n'étant pas dénuée d'humour, j'ai souvent souri durant les premiers chapitres. La rencontre entre Ishmaël et Queequeg est quant à elle très émouvante. J'ai attendu avec impatience le moment du départ et finalement c'est une fois que le navire prend la mer que le rythme s’essouffle considérablement. A partir de ce moment, ce n'est plus un roman que l'on lit mais un ouvrage de sciences naturelles ou une thèse sur l'histoire des baleiniers. Je reconnais l'écriture rigoureuse et travaillée de Melville, son ton léger et sa minutie, mais ces 400 pages sur l'histoire de la baleine ont été trop difficiles pour moi (surtout en cette période de fêtes et de cadeaux). J'ai tellement regretté de ne pas suivre les aventures des marins du Péquod, de retrouver le lien d'amitié entre Queequeg et le narrateur, de connaître la vie, les émotions des personnages, ... On ne sait rien sur Ishmaël qui ne se livre jamais, ne se confesse pas. Durant toute ma lecture, il m'a été impossible de m'attacher à un personnage car ils ne sont jamais mis en avant, voire presque inexistants. Le fameux capitaine Achab ressemble presque à un fantôme tant sa présence, ses paroles, son aspect restent énigmatiques. L'image de la baleine blanche Moby Dick plane sur tout le roman pour la voir apparaître finalement très brièvement 50 pages à peine avant la fin. Le roman reprend un peu de rythme à l'apparition du cachalot, mais tellement épuisée par les centaines de pages précédentes, je n'ai pas réussi à m'y plonger. 
L'intrigue de Moby Dick fait à peine 150 pages. Je le savais mais je m'attendais à de grandes envolées lyriques et à beaucoup de poésie. Je m'étais préparée à un long poème métaphorique comme Le vieil homme et la mer. Je ne m'attendais pas du tout à un texte si concret, scientifique et pratique. 
Je ne peux véritablement critiquer un texte de cette ampleur car je n'ai sûrement pas saisi toutes les références, les paraboles, les métaphores. L'écriture mérite qu'on s'y attarde et les premiers chapitres sont passionnants. Je reconnais aussi avoir beaucoup appris et je n'ai pu m'empêcher de rechercher sur internet d'autres informations sur les cachalots et les baleiniers. Mais il faut se préparer à une lecture comme celle-ci. Il faut avoir du temps devant soi et l'esprit disponible. 
Bref ... J'ai lu Moby Dick.  

" Le vent commençait à hurler, les vagues entrechoquaient leurs boucliers ; le grain rugissait, sautait, craquait autour de nous comme un feu blanc sur la prairie, un feu dans lequel nous brûlions sans être consumés, immortels dans la gueule même de la mort ! Nous appelions en vain les autres canots. Autant valait hurler dans la cheminée d’une fournaise que de héler les bateaux dans un tel orage. Cependant les nuages volants, l’écume et le brouillard devenaient encore plus noirs avec la nuit qui tombait ; il n’y avait aucun indice du vaisseau. La mer rageuse empêchait tous les essais que nous faisions pour écoper. "
(Moby Dick, H. Melville, Folio, 2014)


(Source image : avidly.lareviewofbooks.org)

samedi 28 novembre 2015

La preuve que les livres ont un pouvoir incroyable

La course au mouton sauvage
Haruki Murakami

Challenge Petit bac 2015

 Points, 2013.

Ami d'un jeune homme surnommé le Rat, un publicitaire assez banal, divorcé, vivant avec une femme dotée de très belles oreilles, voit son univers basculer parce qu'il a publié la photo d'un troupeau d'ovins dans un paysage de montagnes. Parmi ces moutons, l'un d'eux aurait pris possession d'un homme pour en faire le Maître d'un immense empire politique et financier d'extrême droite. Or, le Maître se meurt. Menacé des pires représailles, le publicitaire doit retrouver le mouton avant un mois. 
(Quatrième de couverture de l'édition Seuil)

Murakami me met dans une colère noire. Si vous saviez comme il m'énerve! Je n'ai jamais été dans une telle situation. C'est la deuxième fois que je le lis et je ne sais toujours pas quoi penser de son oeuvre. J'aime ou je n'aime pas? Impossible de le dire
Je pensais que la lecture d'un second roman de l'auteur (ma première rencontre fut Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil) m'éclairerait un peu sur cet étrange écrivain. Et bien, non! Je suis perdue. Je suis incapable d'écrire un avis, tout simplement parce que je n'ai rien compris à ce roman. La course au mouton sauvage est une énigme. Je dois être sacrément limitée intellectuellement pour ne pas comprendre l'un des auteurs contemporains les plus lus. Je suis en colère car je suis une lectrice qui aime la retenue, les non-dits. Murakami sous-entend les choses, je devrais accrocher. Pourtant, j'ai l'impression de ne pas avoir toutes les cartes en main, d'être trop "nouille" pour comprendre la finesse du roman. 
La course au mouton sauvage est un texte facile à lire et assez agréable. Le style fluide, l'humour et la poésie de Murakami en font un roman travaillé et beau. Mais derrière l'histoire loufoque et l'écriture simple se cache une rare complexité. Je suis incapable de vous expliquer les 30 dernières pages du texte. Je n'ai rien compris. Je dois pourtant reconnaître que j'ai aimé partir à l'aventure avec le héros sur les pas de ce mouton étoilé, abandonner une vie médiocre pour quelque chose de plus grand. Mais j'étais en attente de réponses, de lumière ... et je n'ai trouvé que des questions supplémentaires et l'ignorance.
J'aimerai pouvoir mettre des mots sur ma frustration. Murakami me remet en question, met en doute mon statut de lectrice qui aime la finesse et l'originalité. J'aimerai pouvoir dire que Murakami n'est pas un auteur pour moi et ne plus en parler, mais malheureusement, je dois avouer être questionnée, intéressée par ses romans. J'ai ouvert La course au mouton sauvage avec joie toute la semaine. Mais je ne comprends pas ce que veut Murakami, ce qu'il veut faire passer comme message. Je sais qu'il s'agit de "réalisme magique". J'aime Gabriel Garcia Marquez qui l'utilisait pour ses romans et je n'ai jamais ressenti cette sensation d'incompréhension en lisant ses textes. En fermant La course au mouton sauvage, j'ai ressenti la même colère qu'avec Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil. Je suis retournée en arrière, j'ai relu au cas où un détail pouvant m'éclairer m'aurait échappé. Mais non, rien. Si Murakami est lu par tant de personnes, c'est que les gens y trouvent une vérité, un sens! Pourquoi moi je passe systématiquement à côté? Et pourquoi d'un autre côté, suis-je incapable de le haïr, de jeter loin de moi ses romans et que je continue même à en noter les titres dans mon répertoire de livre à lire? Je suis preneuse pour tous les éclaircissements que vous pouvez me fournir. Je suis remontée comme un oiseau à ressort. 
Elle dormait, les bras croisés, en face de moi. Le soleil de ce matin d’automne jetait à travers la fenêtre un léger voile sur ses genoux. Un papillon de nuit venu dont ne sait où voltigeait aux alentours comme un bout de papier tremblant dans le vent. Le papillon se posa bientôt sur son sein, s’y reposa quelques instants avant de repartir comme il était venu. Le papillon disparu, j’eus l’impression qu’elle avait imperceptiblement vieilli."(Haruki Murakami, La course au mouton sauvage, Points, 2013.)

jeudi 12 novembre 2015

Pause russe

 Nouvelles de Pétersbourg
Nicolas Gogol

Folio classique, 2007.

Ce recueil regroupe 5 nouvelles : La perspective Nevski, Le portrait, Le journal d'un fou, Le nez et Le manteau. Toutes ont en commun la ville de Saint Pétersbourg.

J'avais déjà lu deux des Nouvelles de Pétersbourg en début d'année dernière. Il s'agissait du Nez et du Manteau. J'avais apprécié ces textes décalés, cachant beaucoup de profondeur derrière une apparente légèreté. J'étais décidée à me procurer l'ensemble des Nouvelles
Ma deuxième rencontre avec Gogol fut délicieuse. J'ai retrouvé son humour avec joie, mais j'ai également découvert une plume sensible et très poétique. Gogol a une façon incroyable de passer d'un style drôle à un style très sombre. J'ai ressenti toute son âme d'artiste torturé, cet écrivain qui ira jusqu'à se laisser mourir, insatisfait de ne pas réussir à écrire Les âmes mortes, son oeuvre restée inachevée. 
Avec La perspective Neski, on plonge dans les rues de Saint-Pétersbourg. La plume de Gogol rend le texte vivant et la vie pétersbourgeoise remuante. On pourrait rire des aventures de Piskariov, mais Gogol met en lumière le côté sombre de la grande Pétersbourg, ses travers et ses êtres oubliés. 
Le portrait est une histoire fantastique, un récit de tableau hanté par le diable. Interrogeant sur le talent d'un artiste et le pouvoir de l'Art, cette nouvelle est très plaisante à lire. 
J'ai adoré Le journal d'un fou. Complètement loufoque, cette nouvelle n'en est pas moins très profonde et tragique. 
Gogol a une écriture très maîtrisée. Passant du rire à la terreur, mêlant le drame à l'humour, il joue avec les émotions de son lecteur avec génie. Certains auteurs arrivent en quelques pages à nous captiver. C'est le cas de Gogol.
Ce fut encore un plaisir d'ouvrir de la littérature russe. Après Tolstoï, Dostoïevski, Pouchkine, ... je découvre Gogol et son univers à part. Il arrive à me toucher et à m'emmener dans son monde en quelques mots seulement.  J'aime énormément son style et même si Les âmes mortes m'effraie un peu, je compte bien le lire un jour. 
" Tout ce que vous rencontrez sur la perspective Nevski, tout regorge de bonnes manières : les hommes en long pardessus, les mains fourrées dans les poches, les dames en redingotes de satin rose, blanc et bleu d'azur et ravissants chapeaux. Vous rencontrerez ici des favoris uniques, glissés sous la cravate avec un art extraordinaire, surprenant, des favoris de velours, de soie, noirs comme la zibeline ou le charbon, mais qui, hélas, sont le privilège du seul département des Affaires étrangères. A ceux qui servent dans d'autres ministères, la Providence a refusé les favoris noirs, ils doivent, à leur immense déplaisir, les porter roux. "
(La perspective Nevski in Nouvelles de Pétersbourg, Folio classique, 207, p47) 

(Source image : Jardin de Mikhailovsky. artmajeur.com)

samedi 7 novembre 2015

" Plus gros est le mensonge, plus tout le monde le gobe. "

Les apparences
Gillian Flynn 

Sonatine, 2012.

Amy, une jolie jeune femme au foyer, et son mari Nick, propriétaire d’un bar, forment, selon toutes apparences, un couple idéal. Ils ont quitté New York deux ans plus tôt pour emménager dans la petite ville des bords du Mississipi où Nick a grandi. Le jour de leur cinquième anniversaire de mariage, en rentrant du travail, Nick découvre dans leur maison un chaos indescriptible : meubles renversés, cadres aux murs brisés, et aucune trace de sa femme. Quelque chose de grave est arrivée. Après qu’il a appelé les forces de l’ordre pour signaler la disparition d’Amy, la situation prend une tournure inattendue. Chaque petit secret, lâcheté, trahison quotidienne de la vie d’un couple commence en effet à prendre, sous les yeux impitoyables de la police, une importance inattendue et Nick ne tarde pas à devenir un suspect idéal. Alors qu’il essaie désespérément, de son côté, de retrouver Amy, il découvre qu’elle aussi cachait beaucoup de choses à son conjoint, certaines sans gravité et d’autres plus inquiétantes. Si leur mariage n’était pas aussi parfait qu’il le paraissait, Nick est néanmoins encore loin de se douter à quel point leur couple soi-disant idéal n’était qu’une illusion.


Vous savez sûrement que je ne lis que très rarement des polars. Mais parfois, un d'entre eux m'attire irrésistiblement. J'avais noté Les apparences depuis plusieurs mois et j'ai pu enfin le découvrir.
Pour qu'un thriller me plaise, il faut qu'il soit "littéraire". J'entends par là une écriture soignée, une certaine maîtrise de la langue et aussi une analyse profonde des personnages. J'ai lu plusieurs avis sur Les apparences. La plupart faisait l'éloge de l'intrigue palpitante et des nombreuses révélations composant ce "page-turner" captivant. Étrangement, je dois avouer ne pas avoir été soufflée par cet aspect du roman. On comprend assez rapidement le fin mot de l'histoire et je n'ai pas trouvé l'intrigue policière incroyablement bluffante (certains romans de Wilkie Collins ou Agatha Christie m'ont bien plus époustouflé). J'ai été totalement passionnée par ce roman de 600 pages pour autre chose que son intrigue. Gillian Flynn est une véritable écrivain. Elle dissèque, elle analyse, elle éventre chacun de ses personnages. Je ne sais pas si les vrais lecteurs de thriller ont apprécié cette oeuvre. C'est un roman long et lent. Chaque phrase, chaque situation est étudié au millimètre. Gillian Flynn aurait pu écrire l'intrigue en 200 pages, mais elle a choisi de broder autour. Et ce fut pour moi un bonheur.   
Les apparences nous plonge dans une Amérique sombre et détruite par la crise financière. Je me suis réellement vu dans cette ville triste et abandonnée sur les bords du Mississippi. Nous y rencontrons Amy et Nick. Durant tout le roman, chacun leur tour, ils prennent la parole. Ils se contredisent et parfois se répondent. La vision de la vie de couple dans Les apparences est totalement pessimiste, noire et surtout exagérée, poussée à l'extrême. Pourtant, il y a énormément de vrai dans ce roman. Comment ne pas reconnaître une certaine vérité? Comme lors de la description de la première rencontre? Ou durant les premiers mois quand on se sent tellement différents des autres couples autour de soi? Un couple plus fort, plus soudé et surtout pas ringard. Mais au final, la routine, les défauts de chacun, les ennuis professionnels et familiaux nous rattrapent. Malgré le côté extrême de Nick et d'Amy, j'ai trouvé les personnages assez justes. Les apparences est aussi un roman sociologique.
Un roman qui nous happe dès les premières pages. Non pour l'intrigue policière, au final assez simple, mais principalement pour son étude des personnages, son analyse de la vie de couple et ses travers. Un roman-immersion où l'on plonge dans cet univers étouffant et sombre pour en ressortir troublé et mal à l'aise.

" Elle riait avec moi et elle me faisait rire, elle ne me contredisait pas  systématiquement et n’essayait pas toujours d’anticiper mes réactions. Elle ne me parlait jamais avec hargne. Elle était facile à vivre. Tout était tellement facile, bon Dieu ! Et je me suis dit : l’amour vous donne envie d’être un homme meilleur – d’accord, d’accord. Mais peut-être que l’amour, l’amour vrai, vous donne aussi la permission d’être tout bonnement celui que vous êtes. " 
(Les apparences, Gillian Flynn, Sonatine, 2012) 
(Source image : Gone girl. theblacknarcissus)

lundi 2 novembre 2015

Au beau milieu d'un rêve

Rêves cruels
Rhoda Broughton

 L'arbre vengeur, 2014.


Ne traitez plus de folle cette amie qui vous supplie de croire que son dernier rêve, qui vous prédisait de sombres jours, était prémonitoire : même s'il y a de fortes chances qu'elle débloque, on ne sait jamais... Rhoda Broughton, pléthorique aventurière des Lettres qui triompha en Angleterre au tournant du XXe siècle, ne démordit jamais de cette idée qui lui inspira ses nouvelles les plus enlevées, les plus inquiétantes mais aussi les plus drôles, car la dame indigne savait se moquer comme personne des petits délires dont les hommes encombrent leur psyché. En trois histoires perfides jamais lues en français, elle raconte ici quelques rêves cruels et menaçants, les meilleurs comme on le sait, ceux que l'on se plaît à colporter en souriant et avec ce léger frisson qui nous rappelle que le monde de la nuit est celui de toutes les peurs et de toutes les idées les plus invraisemblables... Parfait avant d'éteindre la lumière.


C'est grâce à Lou que j'ai découvert ce texte de Rhoda Broughton. Gardé au chaud pour la période d'Halloween, je l'ai enfin lu.
Trois contes composent ce recueil. Nos héroïnes (puisqu'il ne s'agit que de femmes) se retrouvent mêlées à de sordides histoires. Rêves prémonitoires, nuits sombres, crimes sanglants, tous les ingrédients du roman gothique sont présents. J'ai trouvé ces nouvelles assez réjouissantes. J'ai préféré la première, plus longue et subtile que les deux autres. Rhoda Broughton sait créer l'ambiance angoissante et lourde, nécessaire à ce genre d'histoires. Ces contes ne sont pas franchement terrifiants, mais l'atmosphère y est savoureuse. 
Rhoda Broughton est très moderne. Ces héroïnes prennent des décisions, désobéissent à leur famille, bravent les interdits. Elle se moque également de façon très fine des superstitions de ses contemporains. 
Ces Rêves cruels sont une lecture plaisante et agréable. Rien de révolutionnaire ni bouleversant, mais un bon moment littéraire en cette période de l'année.  
" Ce disant, je passai ma main sur le front, car j'avais les tempes battantes, et je me rendis à la fenêtre. Un gel noir, mordant cruellement, de longs parterres nus encerclés de fer, où il semblait impossible que les gracieux crocus pussent passer leur tête jaune d'or ... un rouge-gorge triste, un pinson, et trois moineaux, tous affamés, évidemment silencieux et cherchant sur les graviers de l'allée ce qui restait des quelques miettes jetées au petit déjeuner. Il n'y avait assurément rien, dans le monde extérieur, pour me remonter le moral. "(Mrs Smith de Longmains in Rêves cruels de Rhoda Broughton, L'arbre vengeur, 2014, p15)
(Source image : Northanger abbey, fr.academic.ru)

dimanche 25 octobre 2015

Des portes qui grincent et autres tracas de la vie de château

 Le roi fantôme
Pearl Buck
Challenge Petit bac 2015

Le livre de poche, 1965.

Conserver Staborough Cassie est devenu un luxe que Sir Richard. et Lady Mary ne peuvent plus se permettre. Ils se voient dans l'obligation de. vendre. Un acheteur s'est présenté, un Américain qui se propose de transformer le château en musée. La solution est digne du passé de cette demeure qui accueillit pendant cinq siècles les rois d'Angleterre avant d'être cinq autres siècles durant la résidence des Sedgeley.

Ce que n'avaient compris ai Sir Richard ni Lady Mary, c'est que John Blayne veut transporter leur château pierre par pierre aux Etats-Unis. Rompre les pourparlers en criant au sacrilège -est leur première réaction, mais comment trouver l'argent si nécessaire ? A moins de dénicher un trésor par quelque miracle - un miracle que Lady Mary va implora des hôtes invisibles de ta maison. Est-elle folle ou les fantômes existent-ils ? De curieux incidents se produisent à la suite desquels john Blayne a bonne envie de laisser tomber l'affaire.
Seulement - il y a Kate, la mystérieuse jeune fille au statut mal défini, si aimée des sedgeley, si attachée à les défendre. A cause du mystère Kate, John restera pour, affronter les fantômes et les secrets de la vieille demeure.


Octobre oblige, j'ai ouvert une histoire de revenants, de couloirs sombres et glacés et de secrets de famille.
Le roi fantôme est mon douzième roman de Pearl Buck et le premier qui ne traite pas de l'Asie. Dans l'ensemble, la sensation a été assez étrange et je n'ai pas tout à fait reconnu la douce plume de ma chère Pearl Buck. Ce roman est un peu à part dans son oeuvre. Je ne conseillerai pas aux lecteurs de découvrir Pearl Buck avec ce roman. J'ai aimé ma lecture, mais c'est avant tout un "roman-détente". Je n'ai pas retrouvé la philosophie de vie de Pearl Buck, sa poésie et sa finesse d'analyse. En préface, l'auteure explique que ce roman a été écrit pour en faire un scénario de film. Ceci explique peut-être cela.
Le roi fantôme est, malgré tout, plaisant à lire. J'ai énormément aimé les premières pages. J'ai retrouvé cette ambiance anglaise que j'aime tant. On se croirait presque dans un épisode de Downton abbey. Le lord et la lady du château de Staborough n'ont plus les moyen d'entretenir leur domaine et leurs terres. Nous plongeons dans un monde ancien fait d'étiquettes et de bienséances. Nous voyons en parallèle la vie des maîtres et celles des domestiques. Nous retrouvons le thème cher à Pearl Buck du conflit entre passé et modernité. Dans chacun de ses romans, l'importance de concilier les valeurs de l'ancien temps avec les idées nouvelles est essentielle. Malheureusement, au fil des pages, le charme d'épuise un peu. L'ambiance un peu gothique est toujours agréable, mais l'histoire regorge de clichés et de rebondissements très peu crédibles. Les personnages s’essoufflent et l'intrigue avec eux
Le roi fantôme ne montre pas la profondeur et la sensibilité de la plume de Pearl Buck. Il faut lire ce texte par curiosité et amusement. J'ai aimé le découvrir, mais nous sommes loin des sublimes La mère ou Pavillon de femmes. 
" Sir Richard arrêta son cheval et contempla ses champs. Après le déjeuner, une brume légère avait presque obscurci l'atmosphère, mais les jours allongeaient et le soleil avait eu raison de cette brume. Le spectacle était beau : les blés commençaient à verdoyer dans les champs et ses bonnes vaches de Guernesey paissaient dans les prairies aux formes ondulantes. Au loin, un groupe de toits indiquait l'emplacement du village et ça et là un bouquet d'arbres abritait un cottage et une famille de fermier. "
(Le roi fantôme, Pearl Buck, Le livre de poche, 1965, p 101)
(Source image : fougeret.com. Gustave Doré)

samedi 24 octobre 2015

Swap annuel entre copines!

Comme chaque année depuis 4 ans, mon amie Unlivre Unthé et moi nous sommes confortablement installées chacune chez soi pour ouvrir notre colis. Moment égoïste et réconfortant.

L'année dernière, nous avions choisi le thème Pluri'elles, un hommage aux écrivains et aux héroïnes féminines. Cette année, notre choix s'est porté sur les Intrigues policières

A 15h ce samedi (jour et heure choisis avec mon amie), je me suis préparée un thé et me suis installée sur mon lit ... seule au calme.


J'ai d'abord trouvé une jolie carte fabriquée main, puis plein de petits paquets décorés chacun d'empreintes de pas. Tout de suite plongée dans le thème des intrigues policières, j'ai pris le temps d'avaler une gorgée de thé pour enfin tout déballer.


La carte m'indiquait que je devais d'abord ouvrir les paquets numérotés de 1 à 5, il s'agissait des cadeaux littéraires. Cinq romans que je rêvais de lire depuis bien longtemps. Des choix parfaits ... 

  • Un cadavre dans la bibliothèque d'Agatha Christie. Lire un de ses romans est toujours un régal et ce titre enchanteur est très prometteur.
  • Le secret de Lady Audley de Mary Elizabeth Braddon. Noté depuis une décennie, je suis ravie de découvrir bientôt cette dame de la littérature anglaise. 
  • Les apparences de Gillian Flynn. Je lis peu de policier contemporain, mais j'avais repéré celui-là depuis longtemps. J'ai hâte de me plonger dans ce pavé et d'y laisser mes nuits. 
  • Un intérêt particulier pour les morts d'Ann Granger. L'ambiance, la couverture, l'héroïne, les nombreux avis positifs, ... une série que je rêve de découvrir. 
  • Rêves de garçons de Laura Kasischke. Auteure découverte récemment avec Esprit d'hiver, je suis pressée de la retrouver et qu'elle joue de nouveau avec mes émotions. 
J'ai ensuite eu à ouvrir les autres paquets. Plusieurs surprises, gourmandises et petits plaisirs ... 
  • Deux paires de chaussettes au design mystérieux et hivernal. Mes pieds ont hâte de s'y lover.
  • Des amandes enrobées de chocolat. Je confesse en avoir goûté une immédiatement après avoir déballé le paquet ... Un délice.
  • Un jeu de déduction Oudordodo. Je suis une grande fan des jeux Djeco et je suis aux anges de posséder celui-là. Je suis pressée de le tester avec mon Romanzino. Une superbe idée!
  • Un carnet de notes magnifique. Je suis sous le charme de son design simple et élégant. 
  • Deux sublimes tampons pour ma correspondance. 



Je ne remercierai jamais assez ma tendre amie pour ce sublime moment et tous ces beaux présents. J'ai été bien trop gâtée. 
Ce swap annuel est toujours un régal qui met du baume au cœur, chasse les tracas du quotidien, nous enveloppe comme un bain chaud durant quelques minutes de pur bonheur. Et de savoir qu'à 800 km de moi ma chère amie ouvre, elle aussi, son colis préparé avec soin rend ma joie encore plus grande. 

Merci mille fois pour ce colis délicat et original! 


Pour voir le colis reçu par Unlivre Unthé c'est ici!

mercredi 14 octobre 2015

Dans la fumée des usines

La colline aux cyprès
Louis Bromfield
Challenge Myself - Automne

Livre de poche, 1966 (édition récente, La table ronde, 2003)

Un parc de fleurs, d'arbres et de statues baignant dans une atmosphère de fumées, de suie, dans le bruit infernal des hauts-fourneaux. Planté au milieu des glycines, des pivoines et de la lavande, le château de Shane, une grande maison carrée, mi-géorgienne, mi-gothique, avec sa façade de pierres blanches et ses pignons. Voilà, quelque part entre Cleveland, Chicago et Detroit, la Colline aux Cyprès, au début du XIXe siècle. Il n'y a pas de cyprès, seulement des cèdres. Mais John Shane les avait appelés cyprès et il en fut ainsi car John Shane était le chef de famille. Il était mort vers 1890 ; il resta alors sa femme Julia, ses filles Irène et Lily, leur tante Hattie Tolliver, une famille disséminée entre Paris, Londres et l'Amérique. L'histoire de la Colline aux Cyprès, celle du château de Shane, se confond avec les secrets, les rêves, les drames de Lily et d'Irène ... 

Il y a quelques temps, j'avais été transportée par le sublime Précoce automne de Louis Bromfield. Un roman qui m'avait envoûté par sa justesse et sa sensibilité. La colline aux cyprès marque ma seconde rencontre avec cet auteur américain un peu oublié. Je dois reconnaître, malgré moi, que je n'ai pas eu le coup de cœur de Précoce automne. La colline aux cyprès se veut plus ambitieux et perd cette simplicité et cette vérité qui m'avait tant touchée lors de ma première rencontre avec l'auteur. Pourtant, bien que je reconnaisse des faiblesses et une certaine irrégularité à La colline aux cyprès, j'ai aimé ma lecture. J'ai passé de doux moments plongée dans son univers. 
La colline aux cyprès, c'est d'abord une ambiance. Celle d'un vieux château dominant une ville. Cette dernière bâtie par les premiers côlons est devenue une ville industrielle, sale et bruyante. Seule preuve du passé, le château des Shane. Je n'ai pu m'empêcher de penser aux descriptions d'Elizabeth Gaskell dans Nord et Sud. L’aciérie est vue par les Shane comme Margaret Hale voit la fabrique de coton de Milton. Mais là où l'opinion de Margaret change et évolue, celle des Shane reste noire et pessimiste. 
Même la Vénus de Cnide et l'Apollon du Belvédère, fendus et souillés dans les niches de la haie morte, étaient complétement enfouis sous les munitions. Parce que quelque part dans le monde des hommes étaient tués, les aciéries faisaient d'énormes affaires. La Villese développa comme jamais. Les prix étaient exorbitants. Tout endroit empestait la prospérité et le progrès. (p475)
J'ai été emportée par cet univers mêlant modernisme et tradition. Louis Bromfield décrit à merveille les lieux, les parcs, les paysages, les salons. J'ai très bien vu chaque espace comme si j'y étais. 
C'est vrai que les personnages ne sont pas attachants. Lily m'est devenue sympathique qu'à la fin du livre lorsqu'elle commence à moins se regarder le nombril. J'ai été touchée par Irène, l'incomprise. Elle m'a émue car ses choix de vie ne sont pas respectés. Mais on ne peut pas dire qu'elle soit sympathique. Mrs Shane, quant à elle, est sévère et froide. Autour d'eux, beaucoup de personnages gravitent. Nous les rencontrons, ils disparaissent, puis on les recroise pour les voir s'enfuir à nouveau. Durant toute la lecture, on ne sait pas où nous mène Louis Bromfield. Il faut accepter de se laisser aller. Non pas que la lecture soit difficile ou complexe. Le style est fluide, l'histoire dans sa forme est simple et classique. Je dirai que c'est dans le fond que Bromfield nous perd. La colline aux cyprès est un lieu plein de secret, l'homme qui l'a bâti aussi, on s'attend à des secrets de famille, des révélations, ... Finalement, il n'y a rien de cela. Louis Bromfield ne dévoile rien. Attendez-vous à être frustré en fermant ce roman. Nous n'avons aucune réponse. Ni sur ce qui s'est passé, ni sur l'attitude des personnages, leurs décisions, leurs sentiments, leurs secrets. La colline aux cyprès est le roman des non-dits. Les personnages ne sont pas attachants parce que l'auteur ne les excuse pas, il ne nous explique pas leurs réactions ou leurs émotions. Il écrit ce qui se passe et se dit. Voilà tout. Il se passe mille choses, on passe de Paris aux Etats-Unis en quelques chapitres, on parle d'amour, de guerre, de socialisme, de religion ... Pourtant, Louis Bromfield ne dit rien, il sous-entend
" - Je croyais, dit-elle, que j'avais fini de pleurer. je devais avoir beaucoup de larmes." 
Lily qui ne pleurait jamais. (p430) 
Et puis, l'écriture de Louis Bromfield est belle. Il y a ces petites phrases si justes, si sensibles qui arrivent droit au cœur. 
Au final, La colline aux cyprès est une lecture assez étrange, mais que j'ai beaucoup aimé. J'ai apprécié ses faiblesses et ses étrangetés. C'est un roman prenant et envoûtant, facile à lire mais en réalité très complexe. C'est un texte assez particulier. 
J'ai hésité souvent durant ma lecture. Je n'arrivais pas à savoir si j'aimais ou non. Mais plusieurs signes sont venus m'aider. J'ouvrais La colline aux cyprès toujours avec plaisir et intérêt et depuis que je l'ai fini, j'y pense beaucoup et mon attachement pour ce texte devient plus fort de jour en jour. 

Louis Bromfield a écrit un roman, Emprise, où l'on retrouve un des personnages secondaires de La colline aux cyprès, Ellen. J'ai été très tentée d'enchaîner et d'attaquer immédiatement Emprise. Mais encore perturbée par ma lecture de La colline aux cyprès, j'ai préféré laisser un peu de temps. 
" Chacun de nous est différent des autres. Il n'est pas deux êtres qui se ressemblent. Et personne ne connaît vraiment personne d'autre. Un domaine reste toujours caché et secret, au plus profond de notre âme. Aucun mari ne connaît sa femme, Hattie, et aucune femme ne connaît vraiment son mari. Quelque chose reste toujours à l'écart, intact et mystérieux, impossible à découvrir, car nous-mêmes ne savons pas exactement ce que c'est. Parfois c'est scandaleux. Parfois c'est trop beau, trop précieux pour être jamais révélé. Cela dépassé la révélation, même si nous décidons de révéler ... " 
(La colline aux cyprès, Louis Bromfield, Livre de poche, 1966, p211)

La femme en blanc, Alfred Roll.

vendredi 9 octobre 2015

Tea time tag

Tea time tag



Je reprends ce joli tag, mêlant thé et littérature, trouvé chez ma chère Eliza.
Comment ne pas être tentée lorsque j'entends parler de deux de mes plus grandes passions?



English breakfast tea – Un livre que tout le monde t’as recommandé et que tu as donc fini par lire … Le petit prince de Saint-Exupéry. Je l'ai découvert à l'âge adulte. C'est un roman nécessaire qui remet les choses essentielles de la vie à leur juste place.

Earl Grey – Un livre sombre qui t’as laissé une forte impression même après l’avoir terminé … Rebecca de Daphné du Maurier. Un roman addictif, écrit d'une main de maître, parfait d'un bout à l'autre.

Rooibos – Un livre qui t’as fait découvrir un autre pays que le tien … La mère de Pearl Buck. Ce roman fut mon premier de cette grande dame. Sa simplicité m'a éblouie. La Chine, ses rizières, ses paysages, ses coutumes si éloignées des nôtres. 

Chaï – Un livre de ta PAL, que tu es sûre d’aimer avant même de l’avoir lu … Vingt ans après d'Alexandre Dumas, parce que cet écrivain est un génie.

Darjeeling – Une pépite que tu aimes tellement que tu la recommandes à tout le monde … Il y en a beaucoup et principalement des classiques. Mais j'ai tendance à conseiller un court roman contemporain sublime qui peut plaire même aux gens qui n'aiment pas lire : La petite cloche au son grêle de Paul Vacca. Un bijou!

Oolong – Le genre livresque que tu considères comme ton péché mignon … Ce n'est pas un genre, mais je dirai les romans dits "classiques" (et j'entends mon prof de littérarité à la fac' me dire "Ah oui! Mais qu'est ce qu'un classique???"). Je reviens souvent vers ses œuvres majeures. Classiques mondialement connus ou oubliés, de France ou d'ailleurs, anciens ou plus récents, ... Mes lectures sont principalement classiques. J'aime leur beau langage, leur maîtrise, leur vérité qui traverse les âges. 

Ginseng – Un livre qui t’as fait sortir d’une panne livresque … Je n'ai jamais réellement connu de panne de lecture. Quand j'ouvre un livre, je le lis jusqu'au bout. Je n'ai jamais eu de journée dans ma vie sans un livre en cours. Mais parfois, j'enchaîne les lectures médiocres. Il y a quelques temps, c'est le très beau Ecoute la pluie de Michèle Lesbre qui m'a réconforté après 3 romans décevants.

Camomille – Un livre qui t’as endormi et que tu n’as pas pu finir … Je finis tous les romans que je commence (ça m'agace d'ailleurs d'être comme ça). Il y a peu de temps Salammbô de Flaubert m'a endormie comme rarement. 

Thé au jasmin – Un livre qui t’as chamboulé mais que tu n’as pas pu reposer avant de l’avoir fini ... Je dirai Precious de Sapphire. Un des romans les plus durs que j'ai lu, mais une fois commencé, je n'arrivais pas à le lâcher. 

Thé vert Matcha – Le livre que tu considères comme le joyau de ta bibliothèque …  Tout comme Eliza, il s'agit de la seule édition de La pléiade que je possède, La maison d’Âpre Vent de Charles Dickens. Non lu encore.