La chartreuse de Parme
Stendhal
(Challenge Klassik list 2008)
Le livre de poche, 1972.
Edition récente : Livre de poche, 2000.
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Cadet de grande famille fasciné par Napoléon qu'il rêve d'aller rejoindre, Fabrice del Dongo arrive à Waterloo quand commence la bataille. Mais il ne suivra pas la carrière des armes à quoi il aspirait, et consentira à devenir prélat. Avec assez de détachement, cependant, pour que l'essentiel reste bien pour lui la chasse au bonheur - c'est-à-dire l'amour.
Quand Stendhal publie La Chartreuse en 1839, le propre du roman demeure toujours à ses yeux le romanesque où rien ne compte que le récit qui se moque du sérieux, l'allègement de la vie et l'héroïsme des grandes actions comme des grandes passions. Et le paradoxe de ce livre moderne qui est aussi une satire du pouvoir et de la cour de Parme, de ce livre où les Italiens retrouvent leur culture, c'est qu'il demeure apparenté au vieux fonds sans âge des romans où l'aventure s'accompagne d'un climat de bonheur et de gaieté.
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Ah! La chartreuse de Parme ...
Après l'avoir tant de fois touché, senti, puis reposé par crainte de m'attaquer à ce grand roman, après l'avoir tant de fois étudié durant mes années à l'université ... Je l'ai enfin lu.
Certes, ce n'est pas un roman de tout repos. Les termes militaires, religieux ou politiques de l'époque sont parfois durs à comprendre, durs à avaler. Mais qu'est ce donc par rapport au souffle si puissant de ce fabuleux roman?
La première partie m'a enchantée. Le ton toujours vif et piquant de Stendhal m'a séduite. J'ai retrouvé un peu de l'humour de mon cher Dumas, ce qui ne fut pas pour me déplaire.
J'ai aimé les aventures du jeune et passionné Fabrice. Les péripéties de ce jeune homme naïf m'ont rappelée Jacques le fataliste, Fanfan la tulipe ou encore d'Artagnan. Des héros lançaient à corps perdus dans l'aventure à qui ils n'arrivent que des malheurs, mais qui s'en sortent toujours bien. Enfin ... pour un temps!
Quant à la seconde partie, elle m'a bouleversée. Que dire de la belle Clélia Conti? Et puis de ces scènes si parfaites en prison?
Le nouveau Fabrice m'a autant envoûtée que le premier. Le jeune volage laisse place à l'amoureux éperdu, le jeune naïf à l'homme mûr. L'évolution est parfaite. L'étude des personnages sans commentaires.
J'ai été vraiment ravie de faire parties de ces happy few et je compte bien lire un autre roman de Stendhal qui me fait lui aussi de l'oeil depuis un moment : Le rouge et le noir.
Je me tais et préfére laisser la place à la sublime plume de Stendhal ...
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"On remarqua ce soir-là plus d’animation que de coutume dans la figure de Clélia, or, l’animation l’air de prendre part à ce qui l’environnait étaient surtout ce qui manquait à cette belle personne. Quand on comparait sa beauté à celle de la duchesse, c’était surtout cet air de n’être émue par rien, cette façon d’être comme au-dessus de toutes choses, qui faisaient pencher la balance en faveur de sa rivale. En Angleterre, en France, pays de vanité, on eût été probablement d’un avis tout opposé. Clélia Conti était une jeune fille encore un peu trop svelte que l’on pouvait comparer aux belles figures du Guide ; nous ne dissimulerons point que, suivant les données de la beauté grecque, on eût pu reprocher à cette tête des traits un peu marqués, par exemple, les lèvres remplies de la grâce la plus touchante étaient un peu fortes.
L’admirable singularité de cette figure dans laquelle éclataient les grâces naïves et l’empreinte céleste de l’âme la plus noble, c’est que, bien que de la plus rare et de la plus singulière beauté, elle ne ressemblait en aucune façon aux têtes des statues grecques. La duchesse avait au contraire un peu trop de la beauté connue de l’idéal, et sa tête vraiment lombarde rappelait le sourire voluptueux et la tendre mélancolie des belles Hérodiades de Léonard de Vinci. Autant la duchesse était sémillante, pétillante d’esprit et de malice, s’attachant avec passion, si l’on peut parler ainsi, à tous les sujets que le courant de la conversation amenait devant les yeux de son âme, autant Clélia se montrait calme et lente à s’émouvoir, soit par mépris de ce qui l’entourait, soit par regret de quelque chimère absente. Longtemps on avait cru qu’elle finirait par embrasser la vie religieuse. A vingt ans on lui voyait de la répugnance à aller au bal, et si elle y suivait son père, ce n’était que par obéissance et pour ne pas nuire aux intérêts de son ambition."
(La chartreuse de Parme, livre second, chapitre XV)
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