Sigrid Undset s'empare du Moyen-Âge scandinave pour dépeindre la vie de Christine Lavransdatter, jeune femme qui ose vivre sans craindre de briser les tabous sociaux et religieux de son temps. Défiant l'autorité du père tant respecté, elle refuse en effet d'épouser l'homme que celui-ci lui destine car elle aime Erlend, le chevalier au passé scandaleux. Rien ne pourra désormais la séparer de cet homme à qui elle se donne sans hésiter. Mais le couple que forment Christine et Erlend va subir l'épreuve de la réalité. La jeune femme, amante passionnée à seize ans, épouse et mère à dix-sept, se retrouve maîtresse du domaine de Husaby. Très vite elle va apprendre à le diriger, à devenir celle sur qui tous et toutes se reposent.
Je possède cet énorme pavé depuis quelques années déjà. J'étais tombée sur un article de Lilly au sujet d'un autre roman de Sigrid Undset, Vigdis la farouche. J'ai ensuite rencontré ce gros roman en librairie, le plus connu de l'autrice, et je l'ai tout de suite ajouté à ma liste de Noël. J'aime les épopées, les sagas, les pavés qui nous embarquent dans d'autres univers. J'ai attendu un moment cependant avant de l'ouvrir. On ne se lance pas dans cette brique comme on se lance dans un gentil roman de 300 pages. J'ai attendu cet été et mon roadrip norvégien d'un mois et demi pour me lancer dans l'aventure. Lire ce roman au milieu des Fjords et de la toundra fut un moment unique.
Cette lecture fut riche, très riche. Texte dense et complexe, il faut du temps pour s'attaquer à Kristin Lavransdatter. Mais les efforts sont récompensés. Oui, je vous le dis, ça en vaut la peine. Pour vous rassurer, ce roman n'est pas compliqué à lire. L'écriture est fluide, facile et l'intrigue tient le lecteur en haleine pendant les 1170 pages. On accompagne Kristin avec émotion dans sa vie difficile. Elle mérite d'être lue cette vie! Quelle leçon de courage! Kristin devra, toute sa vie, lutter contre le joug masculin. En vain. Cette héroïne paiera toute son existence le fait d'avoir épousé un homme un peu enfantin, immature et boudeur. Kristin a autant suscité chez moi le respect que la pitié. Mon âme de femme du XXIème siècle a souvent soupiré et eu envie de hurler " Quitte-le!". Mais nous sommes au Moyen âge, en Scandinavie ... et une femme ne part pas.
Kristin et Erlend vont s'aimer (on pourrait discuter longuement de cette relation. J'y ai vu pour ma part une domination telle que Tess d'Urberville peut la vivre avec Alec chez Hardy. La jeune Kristin est, certes amoureuse, mais tombée dans les mains d'un homme plus âgé qui aurait pu faire preuve de patience et de maîtrise de soi!). Ils vont braver l'interdiction de se marier. Seule Kristin paiera toute sa vie cette décision. La culpabilité, le remord, les affronts, ... Erlend n'en sera pas ou peu accablé. Kristin sera la pêcheresse. Elle expiera sa faute jusqu'à la mort. Ce roman pourrait vous sembler très moralisateur. Je ne cache pas qu'il est très imprégné de religion, l'être humain est un pêcheur qui doit se repentir de ses fautes. Cependant, c'est le roman d'une femme qui lutte, qui se bat, qui s'oppose et qui essaie de s'en sortir envers et contre tous. Sigrid Undset prend partie pour son héroïne qui, dès son plus jeune âge, sera exposée au désir des hommes et qui paiera cher sa beauté et sa force.
Kristin Lavransdatter est très complexe. J'ai choisi de le lire en immersion. De me laisser aller. Cependant, une lecture "crayon en main" aurait été intéressante. Une thèse ne suffirait pas pour aborder tous les thèmes de ce roman. J'aurais aimé le lire à l'université et pouvoir l'étudier.
Une lecture marquante, passionnante, envoûtante. Une lecture qui soulève bien des débats. Il faut lire ce texte et ne pas se laisser intimider par ses 1700 pages. C'est un roman monde, bouleversant et révoltant.
" Cela lui fit l'effet d'un réveil, quand ils sortirent de la forêt et traversèrent les prairies au-dessus des Martestokker. Le soleil était bas, et la ville et la baie s'étendaient à leurs pieds dans une lumière claire et pâle. Dans le calme du soir, les bruits arrivaient de loin comme s'ils sortaient de la fraîcheur des bas-fonds. La roue d'une voiture grinçait quelque part sur un chemin ; des chiens aboyaient en se répondant, dans les fermes, à travers la ville. Mais, dans la forêt, derrière eux, les oiseaux faisaient entendre à pleins gosiers leurs trilles et leurs chants. Le soleil, maintenant, était couché. "
(Photo : Romanza2021)
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