D'après une histoire vraie
Delphine de Vigan
Editions JC Lattès, 2015.
"Ce livre est le récit de ma rencontre avec L. L. est le cauchemar de tout écrivain. Ou plutôt le genre de personne qu'un écrivain ne devrait jamais croiser."
Dans ce roman aux allures de thriller psychologique, Delphine de Vigan s'aventure en équilibriste sur la ligne de crête qui sépare le réel de la fiction. Ce livre est aussi une plongée au cœur d'une époque fascinée par le Vrai.
Je ne sais pas ce qui me restera de ce roman dans quelques semaines ou quelques années. Comme souvent avec les romans contemporains, j'ai peur que, malgré ma lecture enthousiasmante, j'oublie rapidement ce texte. Amoureuse des classiques et des langues riches, je peux être conquise par une intrigue contemporaine, toute en déplorant la pauvreté de l'écriture et finalement oublier très vite ce texte. Ceci dit, j'ai terminé hier soir tard D'après une histoire vraie et j'ai beaucoup pensé à lui toute la journée d'aujourd'hui. Est-ce bon signe? Fera-t-il parti de ces romans contemporains que j'aime profondément et qui m'ont marqués durablement?
Je comprends certaines critiques que j'ai pu lire sur ce roman de Delphine de Vigan, notamment l’égocentrisme de la narratrice ou quelques lourdeurs dans la narration (je pense, par exemple, aux trop nombreuses références culturelles qui manquent terriblement de naturel). Cependant, j'ai dévoré ce roman et j'avoue avoir beaucoup aimé.
Delphine de Vigan questionne le lecteur sur l'importance de la réalité dans la fiction. Est-ce que le fait qu'un roman soit vrai et se revendique comme tel fait que les lecteurs accrochent davantage? Les lecteurs sont-ils demandeurs de vérité? J'ai aimé cette interrogation et les réflexions de Delphine de Vigan sur le sujet. Il n'y a pas vraiment de réponse au final. Chacun est libre de croire ce qu'il veut. C'est, je pense, ce qui fait la richesse de ce roman, c'est la grande liberté d'interprétation du lecteur.
D'après une histoire vraie apporte peu de réponses et questionne en permanence son lecteur, que ce soit sur l'intrigue (mais qui est L? Quelle est son histoire?) ou la narratrice (Delphine est-elle oui ou non Delphine de Vigan?). En fait, en ouvrant ce texte, je n'en connaissais rien (non, je ne vis pas dans une grotte. Je suis juste passée entre les gouttes du déluge médiatique). J'ai été du coup totalement prise au piège de cette auto-fiction. J'ai été très surprise de trouver une narratrice qui semblait être Delphine de Vigan elle-même. Une narratrice qui parlait de sa vie intime, de son histoire avec François Busnel (de La grande librairie), de ses précédents romans, etc ... Si bien que je n'ai plus su où se terminait la réalité, où commençait la fiction. Delphine de Vigan a gagné. Je me suis interrogée tout le long du texte pour savoir si tel ou tel fait était vrai ou inventé pour finalement me demander si cela importait vraiment. Le roman est, en tout cas, original et bien pensé.
Hormis ce jeu que Delphine de Vigan engage avec son lecteur, il y a l'intrigue. Celle d'une écrivaine incapable d'écrire après la publication de son dernier roman. Elle rencontre L., une femme énigmatique qui insidieusement la détruira. L'intrigue est lente et c'est ce que j'ai aimé. J'ai eu l'impression que Delphine de Vigan essayait de créer une ambiance à la Laura Kasischke, une atmosphère lourde et angoissante alors que rien finalement ne semble vraiment cauchemardesque. Delphine de Vigan n'a pas le talent de Kasischke dans ce domaine, mais le résultat sonne juste et j'ai vraiment embarqué. J'ai aimé la relation entre Delphine et L. L'auteure décrit avec précision ces actes en apparence anodins, mais qui peuvent lentement détruire quelqu'un. Le fait qu'on ait peu de réponses quand vient la fin du roman amène le lecteur à s'interroger, à réfléchir à toutes les hypothèses, même les plus saugrenues.
J'avais déjà lu Delphine de Vigan il y a longtemps avec Les heures souterraines. A chaque fois, il s'agit d'un cadeau. On m'a offert ces deux romans. Sans cela, je ne les aurais sûrement jamais ouverts. Je suis heureuse de les avoir reçus, car j'ai pu découvrir une auteure juste et très imaginative. Les heures souterraines était poignant. D'après une histoire vraie m'a tenu en haleine deux soirées.
Un roman original à découvrir, une intrigue bien ficelée qui perturbe son lecteur.
"Est-ce que chacun de nous a ressenti cela au moins une fois dans sa vie, la tentation du saccage? Ce vertige soudain - Tout détruire, tout anéantir, tout pulvériser - parce qu'il suffirait de quelques mots bien choisis, bien affûtés, bien aiguisés, des mots venus d'on ne sait où, des mots qui blessent, qui font mouche, irrémédiables, qu'on ne peut effacer. Est-ce que chacun de nous a ressenti cela au moins une fois, cette rage étrange, sourde, destructrice, parce qu'il suffirait de si peu de choses finalement, pour que tout soit dévasté?"D'après une histoire vraie, Delphine de Vigan, JC Lattès, 2015.
(Photos : Romanza2018)
1 commentaire:
Je suis revenue aux classiques (ou au moins à des romans publiés il y a déjà un certain temps) de façon presque exclusive depuis quelques mois, parce que comme toi, j'avais l'impression que mes coups de cœur étaient trop furtifs. J'ai beaucoup aimé ce livre, et le précédent, c'est une réflexion intéressante sur l'autofiction.
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