mercredi 8 avril 2020

" On dispose de tout ce qu'il faut lorsqu'on organise sa vie autour de l'idée de ne rien posséder. "

Dans les forêts de Sibérie
Sylvain Tesson
 
Livre de poche, 2013.

Assez tôt, j'ai compris que je n'allais pas pouvoir faire grand-chose pour changer le monde. Je me suis alors promis de m'installer quelque temps, seul, dans une cabane. Dans les forêts de Sibérie. J'ai acquis une isba de bois, loin de tout, sur les bords du lac Baïkal. Là, pendant six mois, à cinq jours de marche du premier village, perdu dans une nature démesurée, j'ai tâché de vivre dans la lenteur et la simplicité. Je crois y être parvenu. Deux chiens, un poêle à bois, une fenêtre ouverte sur un lac suffisent à l'existence. Et si la liberté consistait à posséder le temps ? Et si la richesse revenait à disposer de solitude, d'espace et de silence - toutes choses dont manqueront les générations futures ? Tant qu'il y aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera tout à fait perdu.

Voici un texte que je désirais lire depuis longtemps et une plume que je voulais découvrir. Bien que mon Romanzo ne soit pas un grand lecteur, il porte dans son cœur deux auteurs qu'il lit régulièrement : Jules Verne et Sylvain Tesson. J'étais curieuse de découvrir une oeuvre de Tesson, cet homme qui fait si souvent rire et réfléchir mon mari. J'ai aimé le style assez particulier de cet homme. Il est parfois exaspérant, avouons-le, mais il est souvent juste, vif, tranchant
Tout d'abord, si l'idée de se retirer seul dans une cabane peut en effrayer plus d'un, j'avoue pour ma part que cela me fait totalement rêver. La solitude ne m'a jamais terrifiée. Je confesse même qu'elle me manque souvent. J'aime les journées de calme, où la journée est rythmée par des activités choisies, d'autres indispensables à la survie. Du coup, lire les aventures de Tesson tient pour moi du quasi fantasme. Se préparer une liste de livres, songer, méditer. Tout en sachant que cela aura une fin bien évidemment. La solitude imposée, sans espoir de retrouver la civilisation, n'aurait bien évidemment pas la même "saveur". Mais se retirer du monde de façon volontaire pour revenir à l'essentiel ... oui, cela fait rêver. Ironie de la situation, j'ai ouvert ce livre de Tesson quelques jours seulement avant l'annonce du confinement national. Les mots de ce texte ont souvent fait écho à l'actualité. 
Je ne cacherai pas que ce journal peut être trop bavard. Pourtant court, j'ai trouvé que Tesson en faisait parfois des caisses. Ce qu'il reconnaît d'ailleurs volontiers et avec beaucoup d'humour. Tel un Rousseau ou un Chateaubriand, il contemple, commente, se lamente, se flagelle. Si j'ai aimé sa plume poétique, ironique, à la fois tendre et drôle, j'ai cependant été déstabilisée par certains détails qui ne me semblaient pas essentiels. Toujours est-il que Tesson est un écrivain à part, unique, qu'il faut absolument connaître. Sa vision de la vie, parfois rude, crue, violente, nous remet un peu à notre place, nous questionne, nous titille. Et ça fait un bien fou! Cette vision qu'il a de nos propres incohérences, de nos fautes vis-à-vis de la Planète, du monde, de ses habitants, s'impose à nous pour nous remuer. Je l'en remercie. Certaines de ses réflexions ont tellement fait écho en moi que j'en ai parfois eu la larme à l’œil. Je me suis surprise à penser : " Enfin quelqu'un qui met des mots sur ce que contient mon cœur!". J'ai beaucoup corné de pages et copié d'extraits. 
Tesson possède un talent d'écrivain à découvrir très vite si ce n'est pas déjà fait. Oui, dans ce texte, il est alcoolique et boit beaucoup trop. Oui, il est un brin suffisant. Oui, il peut être agaçant. Oui, il a une vision un peu XIXème de la femme. Mais tout cela le rend tellement humain. Il ne se sent pas supérieur à nous. Il nous montre ses taches, ses fautes, ses doutes. Il est un être humain. Éclairé, lucide, conscient. ... mais humain tout de même. Il peut se permettre de critiquer, car il se critique lui-même et nous autorise également à le faire. 
Un détail m'a souvent fait sourire : le guide ornitho qui le suit dans ses aventures. A la maison, nous avons le même. Ce Delachaux qui nous suit partout, qui tombe en lambeaux, mais que l'on aime tellement. Ce guide où l'on coche tous les oiseaux que l'on a pu observer, qui parfois rythme nos vacances, décide des lieux où l'on partira vadrouiller, ... C'est une Bible chez les Romanzi! Lorsque Tesson explique qu'il s'efforce d'apprendre le nom des oiseaux qui l'entourent car il ne trouve pas cela poli de s'imposer chez quelqu'un sans au minimum connaître le nom de la personne chez qui tu squattes, m'a fait beaucoup rire. 
Un beau texte à découvrir! Je pense piquer les autres livres de Tesson que possède l'Homme dans sa bibliothèque pour continuer à être titiller par cet homme à l'esprit cinglant.

" RAISONS POUR LESQUELLES JE ME SUIS ISOLE DANS UNE CABANE 
J'étais trop bavard 
Je voulais du silence 
Trop de courrier en retard et trop de gens à voir 
J'étais jaloux de Robinson 
C'est mieux chauffé que chez moi, à Paris 
Par lassitude d'avoir à faire les courses 
Pour pouvoir hurler et vivre nu 
Par détestation du téléphone et du bruit des moteurs"
Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie
(Photos : Romanza2020)

2 commentaires:

Lilly a dit…

Les défauts que tu pointes m'ont beaucoup trop agacée pour que j'apprécie ce livre ou que je relise l'auteur. Une de mes amies est de l'avis de ton Romanzo concernant Sylvain Tesson, mais elle ne m'a pas convertie...

FondantGrignote a dit…

Pareil que Lilly... :-) Mais j'avais tout de même apprécié le côté dépaysant de cette lecture. Bonne journée.