samedi 18 avril 2020

Je te hanterai!


Les revenants
Laura Kasischke

Le livre de poche, 2013.

Une nuit de pleine lune, Shelly est l’unique témoin d’un accident de voiture dont sont victimes deux jeunes gens. Nicole, projetée par le choc, baigne dans son sang, et Craig, blessé et en état de choc, est retrouvé errant dans la campagne. C’est du moins ce qu’on peut lire dans les journaux mais c’est une version que conteste Shelly. Un an après, Craig ne se remet toujours pas. Il ne cesse de voir Nicole partout… Serait-il possible que, trop jeune pour mourir, elle soit revenue ?

Voici mon cinquième roman de Laura Kasischke. Moi, la grande lectrice de classiques, me délecte de ces histoires sombres, modernes, troubles. Depuis ma découverte d'Esprit d'hiver il y a quelques années, je lis au moins une fois dans l'année cette autrice américaine qui joue avec mes nerfs. 
Même si je reconnais que Les revenants possèdent beaucoup de faiblesses et qu'il n'est assurément pas le meilleur, Laura Kasischke a encore réussi à me captiver. 
Comme dans tout roman de Kasischke (et surtout dans ce dernier qui est le plus épais que j'ai lu d'elle), il faut s'attendre à de nombreuses pages où il ne se passe ... rien. Kasischke prend son temps. Elle décrit, explique, narre, parle du quotidien. Ce quotidien va doucement se fissurer et le vernis va craquer. Ce roman prend place sur un prestigieux campus américain. Les Campus novel marchent du feu de dieu avec moi, j'en suis assez friande. J'aime l'ambiance à la fois studieuse et insolente de la vie universitaire. Je me suis, du coup, assez vite immergée dans le roman. Plusieurs voix vont se répondre dans ce texte : Shelly, Mira, Craig et Perry. Ils prennent chacun leur tour la parole et Kasischke mélange passé et présent, ce qui crée une sorte de destruction de l'histoire. Il revient au lecteur de rassembler les différentes pièces. Là encore, Kasischke reste Kasischke et il faut vous attendre à ne pas avoir toutes les réponses à la fin de votre lecture. C'est frustrant, mais c'est aussi en cela que j'aime cette autrice. 
Ce que j'apprécie particulièrement dans l'oeuvre de Kasischke? Cette ambiance américaine  assez clichée pleine de pompoms girls, d'étudiantes blondes, de voitures, de routes interminables, de Motel. On pourrait se dire que cela sonne faux. Pourtant ce n'est pas le cas. Chaque page est un concentré de cette Amérique à la fois folle et puritaine, un mélange de sitcoms des années 90 et de films engagés actuels. Kasischke parle des incohérences de son pays avec beaucoup de clairvoyance. Elle souligne les qualités mais n'essaie pas de masquer les erreurs. 
L'histoire des Revenants fait froid dans le dos. Je ne préfère pas en dire plus. La 4ème de couverture a été assez intelligente pour en dire peu, si bien que je ne savais pas du tout ce qui m'attendait (histoire de vampires? enquête policière?) et j'ai énormément apprécié de rester dans l'ignorance. Le pourquoi-de-l'éventuel-comment est évoqué après plusieurs pages et on lit de nombreux chapitres sans avoir une seule idée de l'endroit où nous amène l'autrice. La seule chose que je m’autorise à vous dire est que je suis ravie d'avoir connu l'université française et non américaine! 

Si vous n'avez pas encore découvert Laura Kasischke, il est grand temps de vous y mettre! Par contre, ne lisez pas Les revenants en premier. Découvrez-la dans un roman plus court, plus subtil, plus fin. Habituez-vous d'abord à son univers. Quoi qu'il en soit, lisez-la! Quant à moi, j'ai déjà hâte de lire les derniers romans d'elle qu'il me reste à découvrir. 
" La scène de l'accident était exempte de sang et empreinte d'une grande beauté. Telle fut la première pensée qui vint à l'esprit de Shelly au moment où elle arrêtait sa voiture. Une grande beauté. La pleine lune était accrochée dans la ramure humide et nue d'un frêne. L'astre déversait ses rayons sur la fille, dont les cheveux blonds étaient déployés en éventail autour du visage. Elle gisait sur le côté, jambes jointes, genoux fléchis. On eût dit qu'elle avait sauté, peut-être de cet arbre en surplomb ou bien du haut du ciel, pour se poser au sol avec une grâce inconcevable. Sa robe noire était étendue autour d'elle comme une ombre. Le garçon, qui s'était extrait du véhicule accidenté, franchit un fossé rempli d'eau noire pour venir s'agenouiller à côté d'elle."

(Photos : Romanza2020)

2 commentaires:

Lilly a dit…

J'ai beaucoup aimé ce livre, même si comme tu le dis il a des faiblesses. J'aime beaucoup les campus novels et j'avais acheté (et lu en grande partie) "L'histoire de la mort en Occident" tellement l'aspect anthropologique du livre m'avait intéressée. Depuis, j'ai lu "Esprit d'hiver" qui m'a laissée une très forte impression.

FondantGrignote a dit…

Allez hop, je le note pour un prochain challenge Halloween ! ton billet est très tentant. Bonne semaine !