samedi 21 mars 2020

La mayonnaise ne prend pas toujours, c'est pas pour autant qu'elle ne se mange pas!

Lambeaux
Charles Juliet
Folio, 2012.

Dans cet ouvrage, l'auteur a voulu célébrer ses deux mères : l'esseulée et la vaillante, l'étouffée et la valeureuse, la jetée-dans-la-fosse et la toute-donnée.

La première, celle qui lui a donné le jour, une paysanne, à la suite d'un amour malheureux, d'un mariage qui l'a déçue, puis quatre maternités rapprochées, a sombré dans une profonde dépression. Hospitalisée un mois après la naissance de son dernier enfant, elle est morte huit ans plus tard dans d'atroces conditions.
La seconde, mère d'une famille nombreuse, elle aussi paysanne, a recueilli cet enfant et l'a élevé comme s'il avait été son fils.
Après avoir évoqué ces deux émouvantes figures, l'auteur relate succinctement son parcours. Ce faisant, il nous raconte la naissance à soi-même d'un homme qui est parvenu à triompher de la «détresse impensable» dont il était prisonnier. Voilà pourquoi Lambeaux est avant tout un livre d'espoir.


Lambeaux est un beau texte ... que j'aurais aimé apprécier davantage. Je ne sais pas trop pourquoi mais je n'ai pas été aussi touchée que ce que j'aurais voulu. Il est vrai que l'histoire est touchante, voire déchirante à certains moments. C'est vrai que les mots sont beaux et justes. Mais, je ne saurais expliquer réellement pourquoi, j'ai trouvé un manque de simplicité, d'authenticité. Étrangement, ce "tu" utilisé par l'auteur m'a agacée. Je l'ai trouvé lourd et surfait. Je me rends bien compte que je suis un peu dure avec ce roman fin et bien écrit, mais c'est ainsi, ça n'a pas réellement pris. 
Lambeaux est un roman qui rend hommage aux femmes. Pour cela, je l'en remercie. Il donne la parole (mais la donne-t-il vraiment en utilisant le "tu"?) aux oubliées. A ces femmes qui n'étaient pas faites pour être épouses et mères, mais à qui on a refusé un autre destin. Il rend hommage aux femmes courageuses, généreuses, qui donnent tout sans rien recevoir ... mais qui n'avaient pas réellement le choix. Je ne peux qu'être touchée par un texte dont l'histoire est si émouvante, le sujet si féminin et féministe. Mais bizarrement, j'ai trouvé un quelque chose de trop "masculin" à ce texte. En s'adressant à elles, ses deux mères, on ne l'entend que lui, l'Homme. C'est dommage. J'aurais aimé entendre leur voix, à elles. 
Un roman à lire. J'en attendais davantage en ce qui me concerne, mais il mérite amplement d'être lu. L'écriture est délicate et poétique. Merci à mon amie UnlivreUnthé de me l'avoir fait découvrir. 
" Tes yeux. Immenses. Ton regard doux et patient où brûle ce feu qui te consume. Où sans relâche la nuit meurtrit ta lumière. Dans l’âtre, le feu qui ronfle, et toi, appuyée de l’épaule contre le manteau de la cheminée. A tes pieds, ce chien au regard vif et si souvent levé vers toi. Dehors, la neige et la brume. Le cauchemar des hivers. De leur nuit interminable. La route impraticable, et fréquemment, tu songes à un départ à une vie autre, à l’infini des chemins. Ta morne existence dans ce village. Ta solitude. Ces secondes indéfiniment distendues quand tu vacilles à la limite du supportable. Tes mots noués dans ta gorge. A chaque printemps, cet appel, cet élan, ta force enfin revenue. La route neuve et qui brille. Ce point si souvent scruté où elle coupe l’horizon. Mais à quoi bon partir. Toute fuite est vaine et tu le sais. "
Lambeaux, Charles Juliet.
(Photos : Romanza2020)

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