lundi 10 février 2020

Destinée

L'héritière
Hanne-Vibeke Holst
Pocket, 2015.

Copenhague à l’approche des fêtes. Charlotte Damgaard, trente-cinq ans, mariée et mère de deux enfants, vient de démissionner de son poste à la direction d’une ONG dédiée au développement de projets écologiques. Elle souhaite se consacrer à sa vie de famille et suivre son mari, à qui l’on vient d’offrir le poste de ses rêves, en Ouganda. Mais alors que les cartons sont faits et la maisonnée sur le départ, un coup de téléphone vient bousculer ce joli programme. Vittrup, le Premier Ministre Social Démocrate, propose à Charlotte le poste de Ministre de l’Environnement. Une opportunité qu’elle ne peut refuser, mais un choix lourd de conséquences.
Pendant neuf mois, nous suivons son ascension politique fulgurante, dévoilant peu à peu les coulisses, les alliances ou querelles intestines, et les coups (bas) médiatiques. Mais jusqu’où est-elle prête à aller pour atteindre ses objectifs et satisfaire son ambition ? Tiraillée entre sa carrière et sa vie de famille, Charlotte parviendra-t-elle à concilier son statut de femme politique, de mère et d’épouse ?

Voici un roman que je n'aurais probablement pas lu sans ma mère. C'est elle qui me l'a offert et je dois avouer avoir aimé cette excursion bien loin de ma zone de confort. 
Il faut dire que ce roman est bien écrit et son intrigue est prenante. Nous rencontrons Charlotte, une militante écologiste de renom. Alors qu'elle s'apprête à (enfin) mettre sa carrière de côté pour laisser sa chance à son mari qui jusqu’à maintenant restait au foyer et s'occupait de la maison et de leurs jumeaux, le premier ministre l'appelle pour lui demander de devenir sa ministre de l'écologie.  Chamboulement! Son mari la soutient, lui dit de foncer, laisse (encore) sa carrière de côté et tout semble bien se goupiller. Sauf que le vie politique va s'avérer bien difficile et la vie personnelle de Charlotte va être malheureusement malmenée. 
Ce que j'ai aimé dans ce roman, c'est étonnement sa simplicité. En lisant la quatrième de couverture, je m'attendais à un vrai thriller politique où les coups les plus bas sont permis. Finalement, même si le monde dépeint est assez dur, il est surtout réaliste. Oui, il y a de l'hypocrisie, des entourloupes, des faux-amis, mais il y a aussi une cause commune, une envie de faire bouger les choses, des assistants qui se serrent les coudes. J'ai bien aimé voir les coulisses du pouvoir. Suivre Charlotte dans sa vie de maman-ministre est agréable. Je me suis attachée à elle, cette femme dynamique, qui a peur de se perdre dans cette vie publique si difficile. Certes, les romans contemporains parlant de choses actuelles m'évadent (et m'évaderont) toujours moins que les classiques anciens, mais j'ai voyagé tout de même dans ce Danemark attirant et dépaysant
Cependant certains points m'ont moins convaincue. Bien que parlant d'une femme de pouvoir, ce roman a des propos parfois déstabilisant sur la femme. Charlotte est souvent décrite comme quelqu'un d'attirant et les hommes qu'elle côtoie se permettent des "choses" que la vague #metoo n'aurait sûrement pas permises ... mais le plus étonnant c'est que Charlotte ne les relève pas. Tout paraît ... normal! Est-ce une critique de la part de l'auteure? Ou la simple description factuelle de ce milieu? Je reste dans l'interrogation.
Toujours est-il que ce fut une jolie surprise. Même si les romans actuels traitant de notre société ne sont vraiment pas mes lectures favorites, j'ai apprécié ce voyage en terre inconnue. Je pense même lire un jour l'autre roman de Hanne-Vibeke Holst, Le prétendant.
" Elle n'a pas peur du noir. Seulement des images.Il est plus de minuit, entre le 20 et le 21 décembre. Charlotte ne dort pas. Elle garde les yeux ouverts pour ne pas se laisser envahir par les images. Elle essaye de distinguer les objets et les meubles dans la pénombres. L'armoire, la chaise, les molakani sud-américains sur les murs, les lames des stores vénitiens. Elle écoute le son diffus de la circulation sur Jagtvejen, entend le bruit lointain d'un klaxon, puis celui de la sirène d'un véhicule. Elle se laisse bercer par le jazz langoureux qui provient de l'appartement d'en dessous. Les notes sensuelles d'un solo de saxophone flottent a travers le plancher comme des volutes bleus d'une cigarettes. Celui lui rappelle New-York, le club ou ils avaient dansé un soir a Greenwich Village. Avant les jumeaux. Les jumeaux qui toussent de temps en temps de l'autre coté du mur. Surtout Jens a cause de son asthme. Elle démêle ses jambes des longues jambes de son homme, se dégage de son bras posé autour de ses épaules. Le bras retombe lourdement sur le drap. Rien ne peut réveiller Thomas, ni le son du canon, ni les ambulances, ni la toux des enfants. Il dort du sommeil du juste, selon sa propre expression, du sommeil d'un homme qui n'est jamais poursuivi par ses démons. Comment pourrait-il comprendre les siens ? "
L'héritière, Hanne-Vibeke Holst 
(Photos : Romanza2020)

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