dimanche 13 janvier 2019

Parfois, l'amour prend un certain temps avant de pointer le bout de son nez.

La maison d'Âpre-Vent (Bleak house)
Charles Dickens

La Pléiade, Gallimard, 1979.

Sur fond d’un interminable procès, impliquant une cinquantaine de personnages, Bleak House est le grand roman juridique de Dickens, qui dénonce une institution devenue folle. Raconté par deux personnages différents, de manière très moderne, le récit met en jeu tout un réseau de coïncidences, plusieurs fausses pistes et nombre d’espoirs déçus ou trahis. Roman foisonnant où la justice tourne à l’absurde, où l’on enquête et juge à l’infini, Bleak House est aussi un roman policier dont le véritable héros est Londres, la ville à l’atmosphère empoisonnée par la révolution industrielle. Dans une veine à la fois satirique, sombre et constamment drôle, Dickens décrit un monde où la nature est peu à peu corrompue par l’homme, et signe là son passage définitif vers le roman total. (Edition Folio)

C'est la première fois qu'un roman me fait cet effet. Durant la lecture de ce roman de plus de 1000 pages, je suis passée de la plus grande déception à l'immense coup de cœur
Ce roman est le seul que je possède en Pléiade. Je lorgnais depuis longtemps sur ce gros livre, trésor de ma bibliothèque. Lorsque j'ai décidé de l'ouvrir au mois de décembre dernier, j'étais confiante et enthousiaste. Ce fut pourtant le drame. Je pense que le principal responsable de ce drame est mon esprit préoccupé par la vie quotidienne et professionnelle. Quoi qu'il en soit, impossible de me retrouver dans les nombreux personnages du roman, ni même d'être intéressée par l'intrigue. Seules les pages où Esther prenait la parole trouvées grâce à mes yeux. Je me suis immédiatement attachée à ce doux personnage. J'étais terriblement triste de ne pas apprécier l'oeuvre. Certains chapitres m'enchantaient, mais la plupart m'ennuyait. J'hésitais presque à arrêter ma lecture, à le reprendre dans quelques mois ou années. J'ai finalement continué ... grâce à Esther, je pense. J'ai eu une belle idée car ce fut le choc. Je ne peux pas expliquer ce qui s'est passé. D'un coup, je suis rentrée dans l'oeuvre. Tout ce qui me semblait obscur m'a paru soudainement très clair. L'intrigue m'a passionnée, captivée. J'ai dévoré la dernière moitié du roman avec passion. J'ai retrouvé le ton vif de Dickens, son humour, sa sensibilité. J'ai tourné la dernière page extrêmement émue. J'ai laissé des amis. 
Dickens nous plonge dans cette Angleterre du XIXème dont il parle si bien. Comme toile de fond, un procès. Il faut accepter de ne pas avoir toutes les billes. Ce procès est un fantôme qui plane sur tous les personnages de l'histoire. Beaucoup de protagonistes se succèdent et ont tous de près ou de loin un lien avec ce procès. Dickens nous offre des pages pleines de fougue. Tantôt un sourire pointe sur nos lèvres, parfois c'est un rire franc qui s'en échappe, à d'autres moments, c'est notre gorge qui se serre. Charlie a un don incroyable pour écrire des scènes tragiques. Il m'a coupé le souffle. Quelle écriture! Il nous fait passer du rire aux larmes en quelques secondes. Je lui ai pardonné ce début de lecture difficile, tout en espérant que lui aussi me pardonne d'avoir mis autant de temps à rentrer dans l'histoire. 
Il y a tant à dire sur ce texte que je ne trouve rien à en dire. La maison d'Âpre-Vent est un roman fabuleux et passionnant qu'il faut prendre le temps de déguster. C'est une porte ouverte vers un monde parallèle. J'ai aimé Esther, Ada, Richard, Allan, le si bon M. Jarndyce, Jo, ... Je les emmène tous avec moi ... dans mes souvenirs. 
Il y a quelques jours, je pensais vous écrire ma grande déception à la lecture de ce monument dickensien. J'en étais extrêmement triste. Je repensais très fort à l'amour que j'ai pour cet auteur pour trouver le courage d'ouvrir d'autres romans de lui. J'essayais de repenser aux Grandes espérances ou au Conte de deux villes. Finalement, je viens vers vous pleine d'enthousiasme et de joie. Oui, ce roman a finalement fait ma conquête. Je l'aime profondément. Il a mis beaucoup de temps à me séduire. J'ai fait ma coquette. Je suis finalement tombée dans ses filets avec passion. Dickens est un génie. Je suis ravie de vous dire que j'ouvrirai toujours avec joie une de ses œuvres. 

(Je me suis beaucoup rappelée durant ma lecture de la passionnante biographie de Dickens écrite par Marie-Aude Murail. J'ai parfois imaginé l'auteur lire à voix haute La maison d'Âpre-Vent).
" Cet épouvantail de procès s'est tellement compliqué avec le temps que nul être vivant ne sait ce qu'il signifie.  Nul ne le comprend moins bien que les parties au procès  ; mais on a pu remarquer qu'il n'y a pas deux juristes attachés à la Chancellerie qui puissent en parler pendant cinq minutes de suite sans se trouver en désaccord complet sur toutes les données de base. D'innombrables enfants sont devenus parties au procès par la naissance  ; d'innombrables jeunes gens par le mariage  ; d'innombrables vieillards ont cessé de l'être en mourant. Des dizaines et dizaines de personnes se sont trouvées impliquées de manière affolante dans l'affaire Jarndyce et Jarndyce sans savoir comment ni pourquoi  ; des familles entières ont hérité de haines légendaires en même temps que du procès. " (Bleak house, Dickens)
(Photos : Romanza2019)

1 commentaire:

Karine a dit…

Mon Dickens préféré! J'aime et j'adore. Mais oui, il demande du temps!