samedi 25 octobre 2014

" Personne ne naît sans héritage "

Esprit d'hiver
Laura Kasischke

 Bourgois, 2013.


Réveillée tard le matin de Noël, Holly se voit assaillie par un sentiment d'angoisse inexplicable. Rien n'est plus comme avant. Le blizzard s'est levé, les invités se décommandent pour le déjeuner traditionnel. Holly se retrouve seule avec sa fille Tatiana, habituellement affectueuse, mais dont le comportement se révèle de plus en plus étrange et inquiétant...

Sans jamais avoir lu Laura Kasischke, j'ai acheté deux de ses romans récemment : Les revenants et A moi pour toujours. J'ai reçu Esprit d'hiver en cadeau. Il me faisait de l’œil depuis un moment, mais j'attendais sa sortie en poche. Heureusement, mon amie d'UnLivre Unthé a eu pitié de moi et me l'a offert il y a quelques mois. Je ne la remercierai jamais assez car j'ai dévoré ce roman. Je suis bien contente d'en avoir acheté deux autres qui m'attendent sagement.
Esprit d'hiver m'a tellement hanté que j'en ai rêvé cette nuit. Cauchemardé serait plus juste. Un songe très angoissant, étouffant ... sans lien direct avec le roman. Pourtant, en me réveillant en sursaut à 2h30, j'avais la conviction que mon rêve avait un lien avec Esprit d'hiver, qui reposait tranquillement près de moi sur ma table de nuit. Il était cause de cette boule d'angoisse que je ressentais au fond de la gorge. J'étais comme Holly se réveillant le matin de Noël avec l'idée fixe qu'une chose terrible aura lieu. 
Laura Kasischke fait monter la pression d'une façon incroyable. Pourtant lorsqu'on y réfléchit bien, il n'y a rien de particulièrement effrayant dans ce qu'elle écrit. Esprit d'hiver, c'est une atmosphère, un huis clos si puissant et asphyxiant, que parfois on est obligé de le poser. Et pourtant, on y parle que de Noël, de rôti, de carottes et d'iPhone. Tout le roman nous laisse complètement libre d'imaginer n'importe quoi et c'est cela qui est effrayant. On ne sait pas vers où Laura Kasischke nous emmène. Surnaturel? Thriller? Toutes les solutions sont envisageables. A chaque fois que je tournais la page, je frémissais de découvrir le fin mot de l'histoire. En ce qui me concerne, je n'ai absolument rien deviné. La révélation finale est sublime, à la fois simple et traumatisante, mais je pense sincèrement que ce n'est pas en ça que le roman est réussi. La fin est scotchante, j'ai du mal à m'en remettre, je l'admets.  Pourtant, le principal atout de ce livre reste son ambiance si particulière, son angoisse fine et subtile qui nous glisse le long de la colonne vertébrale, cette atmosphère familiale et quotidienne qui devient d'un coup violente et sombre. Chaque détail est choisi avec soin. Chaque image, couleur, odeur, souvenir semble étudiée. L'écriture est nette, précise, très travaillée.
Ayant accouché il y a un peu plus de deux mois de ma Romanzina, je reconnais que ce roman, qui interroge beaucoup sur la maternité et la relation mère/fille, a marché du feu de Dieu avec moi. J'ai été happée, captivée, téléportée dans la maison de Holly. J'ai fait cuire un rôti, j'ai préparé Noël, je me suis interrogée sur l'attitude étrange de ma fille. J'ai tellement erré dans les différentes pièces de la maison que j'ai la sensation de la connaître par cœur.
Vous aurez compris que Esprit d'hiver fut une vraie lecture immersion pour moi. L'écriture est habilement travaillée, l'intrigue parfaitement ficelée et surtout, l'ambiance tout simplement hallucinante. J'ai aimé Holly, cette femme si touchante et bouleversante. Cette histoire, fait partie, je pense, de celles qui nous poursuivent longtemps

" Et Holly pensa alors : "Je dois l'écrire avant que cela ne m'échappe". Elle avait déjà ressenti ça plus jeune - l'envie presque paniquée d'écrire à propos d'une chose qu'elle avait entraperçue, de la fixer sur la page avant qu'elle ne file à nouveau. Certaines fois, il avait failli lui soulever le cœur, ce désir d'arracher d'un coup sec cette chose d'elle et de la transporter en mots avant qu'elle ne se dissimule derrière un organe au plus profond de son corps - un organe un peu bordeaux qui ressemblerait à un foie ou à des ouïes et qu'elle devrait extirper par l'arrière, comme si elle le sortait du bout des doigts d'une carcasse de dinde, si jamais elle voulait l'atteindre une nouvelle fois.. Voilà ce que Holly avait ressenti chaque fois qu'elle écrivait un poème, et pourquoi elle avait cessé d'en écrire. "
(Esprit d'hiver, L. Kasischke, Bourgois, 2013)


(Source image : ladyphoto.canalblog.com)

4 commentaires:

Fleur a dit…

Moi aussi, ce roman m'a angoissée. Son atmosphère est si particulière! J'avais été complètement surprise par la fin.

Kidae a dit…

Ton avis donne trop envie, je note !

Titine a dit…

Un gros coup de coeur pour moi aussi et c'était aussi mon premier roman de l'auteur. Je n'ai pas non plus vu venir la fin que j'ai dû relire pour être sûre d'avoir bien compris !

Titou a dit…

vraiment aimé aussi!!!!!!vous me donnez envie de le relire!