jeudi 17 janvier 2008

Ancienne lecture : A travers le monde ...

Blaise Cendrars. La vie, le verbe, l’écriture
Miriam Cendrars



Denoël, Paris, 2006.



Un jeune homme à l'allure bohème se fait remarquer à Paris, en 1912, parmi les " montparnos ", peintres, poètes, écrivains. Il apporte un souffle nouveau qui surprend, dérange. Ses premiers poèmes, " Pâques à New York " et " Prose du Transsibérien " font scandale, ils mettent un point final au symbolisme. Il a vingt-cinq ans, il s'appelle Blaise Cendrars, un nom qu'il s'est inventé, évoquant le feu qui le brûle. Il a derrière lui une enfance douloureuse en Suisse, en Italie, en Allemagne ; une adolescence ardente mêlée à la révolution de 1905 dans une Russie d'apocalypse ; un apprentissage d'homme et d'écrivain dans un milieu d'esthètes en Belgique, puis dans un Paris de misère qui l'ignore, et enfin dans le Nouveau Monde. Libre de toute attache, il sillonne les routes, les océans, passe d'un continent à l'autre, du dedans au dehors. L'aventure est sa matière première. Engagé volontaire dans l'armée française, son bras droit est emporté par un obus en 1915. C'est un bouleversement profond : tout est changé, sa main d'écrivain et sa vision du monde. " L'Or " (1924), " Moravagine " (1926), " Le Plan de l'aiguille " et " Les Confessions de Dan Yack " (1929) transforment le concept du roman. De 1944 à 1949, " L'Homme foudroyé ", " La Main coupée ", " Bourlinguer ", apportent une forme nouvelle au récit autobiographique. En 1984, sa fille Miriam, s'appuyant sur ses souvenirs, ceux transmis par sa mère, et sur un fonds de documents et d'archives, publiait un essai biographique sur Blaise Cendrars. Nouant un dialogue étroit entre la vie et l'œuvre de l'écrivain, elle tentait de pénétrer le secret de cet homme hors du commun. La récente découverte de manuscrits, correspondance et documents inédits ont permis d'établir cette nouvelle édition, revue et augmentée.

Je sors tout juste de cet énorme roman. Quel voyage! De Blaise Cendrars, je n'avais lu que L'or avant de recevoir ce livre pour noël. L'or m'avait plu. Cette histoire était bouleversante. Je ne connaissais rien de son auteur. Juste le nom. Maintenant ... je sais! Sa fille Miriam a tiré un texte fabuleux où s'entremêlent narration et récit authentique de Blaise. On a la sensation que c'est lui même qui nous raconte son histoire.Cet homme a eu une vie incroyable. Il a visité tous les continents, connu tant de monde (Le peintre Modigliani, le photographe Doisneau et d'autres que je tairai, je vous laisse la surprise ... ), traversé les deux guerres mondiales ... On est essouflé tant cet homme a vécu. Cette biographie est une précieuse source historique, littéraire, géographique. On apprend à chaque page.

Ma préférence va à la première partie du livre : l'enfance suisse de Cendrars (Freddy Sauser de son vrai nom), ses premiers amours littéraires, son avancée dans la vie, sa passion pour l'écriture. Tout cela m'a passionnée.

Je suis restée aussi bouleversée par le personnage de Fela, la polonaise, femme courageuse, militante qu'on ne peut qu'admirer. Je vous laisse la découvrir. Elle m'a marquée ... Je n'ai qu'un mot : Lisez! Même si vous n'avez jamais lu Cendrars, ce livre est une mine d'information sur le XXème siècle. Et puis ... sa lecture vous donnera envie de connaître son écriture et de vous précipiter sur ses textes.

" Certains jours Marie-Louise est prise de vertige. Que faire? S'occuper des enfants. Petite Marie-Elise, aux sourires rares, on peut l'oublier pendant des journées entières : elle joue dans un coin du salon, avec ses chiffons, ses coloriages, ses perles de couleur. Jean-Georges, lui, est vif, bavard, curieux de tout, il vous harcèle de questions, trottine dans toute la maison. Mais toujours obéissant, raisonnable et, finalement, bien sage.

Freddy, le dernier, voilà le tracas.

Comment une mère peut-elle mettre au monde des enfants si différents? Freddy fait des cauchemars, toutes les nuits. Marie-Louise se lève, va le réveiller, le prendre dans ses bras, lui donner à boire, le reborder, lui caresser le front, ce front bosselé trop large pour ce petit menton pointu. Dors, dors mon enfant! Et elle retourne se coucher auprès de Georges qui grogne, ronfle, roule au milieu du lit. Elle soupire, mon Dieu, mon Dieu ... elle se fait petite, et l'inquiétude la ronge. Elle ne dormira plus cette nuit."

(Blaise Cendrars. La vie, le verbe, l'écriture, Denoël, p 37)


(Source de l'image : blogs.guardian.co.uk)

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