mardi 1 mars 2016

D'un simple coup de pied

Danse!
Anne Delbée

Fayard, 1999.


A quelques mètres en dessous du regard de Nathanaël, une vingtaine d'enfants se plient avec rigueur aux gestes de la danse.

Parmi eux, Clara. Il la regarde, elle, et seulement elle, surgie de quel fragment fracassé de quelle mémoire ? La sienne ? celle d'une humanité qui, en cette fin de siècle, s'engloutit dans le bruit et la violence ?

Il ne saurait dire si elle est belle ou laide. Elle danse.
Quel âge a-t-elle ? Onze, douze ans ? Entre Clara, qui, chaque jour, s'astreint à l'ascèse de la danse classique et Nathanaël qui, à trente ans, voudrait posséder l'écriture au plus haut prix, s'engage un face à face hors de l'ordinaire.
Détaché du monde, tourné vers lui-même, Nathanaël découvre en compagnie de Clara la dureté et les affres d'un art qui aspire pourtant à se confondre avec la beauté même. Celle qu'il recherchait dans la solitude et les mystères de l'écriture.
Quel sentiment n'ose pas dire son nom dans cette relation à la fois brûlante et éthérée ? 


J'ai lu Anne Delbée il y a plusieurs années avec sa sublime biographie de Camille Claudel, Une femme. Un roman puissant que j'avais adoré.  J'ai ouvert avec joie Danse! que je surveillais depuis longtemps. 
Je fais de la danse classique et jazz depuis 20 ans. J'ai arrêté de danser que pour accoucher. Même si la danse me prend moins de temps et d'énergie à 30 ans qu'à 16 ans, je reste une passionnée de cette discipline. Dans les cours de danse, j'ai connu mes premières angoisses, mes premières peurs, mes premières vraies amitiés. J'ai connu les douleurs, les échecs, le bonheur, la satisfaction, l'entraide et la solitude. 
J'ai aimé les pages de Danse! parlant de cet art si important pour moi. Anne Delbée en parle avec amour et respect. Art exigeant et cruel, mais si enveloppant et merveilleux. Ce texte m'a pourtant convaincue qu'à moitié. J'ai eu du mal à accrocher aux premières pages. Nathanaël, au début de l'histoire, ne me plaisait pas, ne me touchait pas. J'ai embarqué par la suite grâce au beau personnage de Louise qui apporte enfin de l'humanité à l'histoire. La vie de Clara est touchante et Anne Delbée nous offre de jolies pages. Pourtant, quelque chose ne marche pas. Il manque un je-ne-sais-quoi de naturel, d'authentique. L'histoire sonne parfois faux. Il aurait fallu plus de pages pour mieux décrire les sentiments, les attentes, des liens qui se tissent, se nouent ou se détachent. Ce roman semble inachevé. Il est très irrégulier. Certains passages sont sublimes et m'ont captivée. D'autres m'ont paru bâclés. Je pense notamment au personnage de Tatiana. Pourquoi ne pas avoir développé ce lien entre Nathanaël et cette vieille femme énigmatique? 
Je ne peux nier qu'il s’agit d'un beau texte et que j'ai parfois eu l'esprit totalement plongé entre les pages. De beaux moments de danse, d'amour, de vie. Pourtant, certaines choses ne fonctionnent pas. La puissance d'Une femme ne se retrouve pas ici. L'histoire de départ est belle, mais Anne Delbée semble ne pas réussir à en faire quelque chose de crédible, de vrai. 
Je me trouve bien trop dure avec ce roman qui m'a parfois émue et que j'ai trouvé dans l'ensemble bien écrit et juste. 
Danse! reste un roman à découvrir malgré ses faiblesses. 
" Je n'aime pas les mères qui parlent d'abondance de leur enfant. Le pauvre, après cela, n'a pus aucune chance. Vous aimeriez, avant de rencontrer telle ou telle personne, que quelqu'un vous ait déjà fait l'article? Vous la découvrirez, et cette impression-là sera la vôtre. Chaque être devrait avoir le courage de remettre sa mémoire à zéro face à un inconnu. "(Danse!, Anne Delbée, Fayard, 1999, p 111)


(Source image : L'atelier danse de Carcassonne)

1 commentaire:

FondantGrignote a dit…

Les livres qui parlent de danse m'attirent alors que j'en ai vraiment pas fait longtemps... Je note donc cette référence malgré ton bémol. Et quels beaux chaussons ! :-)