mardi 15 septembre 2015

" A cette heure du matin, les choses de la vie avaient tendance à prendre un goût de cendre. "

Les new-yorkaises
Edith Wharton

 J'ai lu, 2012.

Les journées de Pauline Manford sont réglées comme du papier à musique. Figure incontournable de la vie new-yorkaise, elle court de galas de charité en dîners mondains avec la même abnégation, mais fait peu de cas des désirs de son mari. Esseulé, celui-ci se laisse peu à peu séduire par la légèreté et la beauté vénéneuse de sa belle-fille, Lita, indifférent aux sombres présages qui menacent l'équilibre familial.


Les New-yorkaises paraît, à première vue, plus léger que les autres romans d'Edith Wharton. Commençant comme un roman satirique et pétillant,  l'ambiance devient plus lourde au fur et a mesure de la lecture
Je suis une nouvelle fois tombée sous le charme de la plume de Wharton. Les new-yorkaises est assez différent de ce que j'ai lu d'elle, mais j'ai retrouvé cette finesse d'analyse que j'aime tant. 
J'ai beaucoup souri en lisant les pages de ce roman. Pauline Manford préfère confier ses tracas à toutes sortes de gourous plutôt que de prendre sa vie en main et de prêter attention à ses proches. Son emploi du temps millimétré, l'incohérence de ses opinions, son obsession de paraître parfaite dans cette société de faux semblants, ... C'est avec humour que l'auteure nous emmène dans la vie tumultueuse de Mrs Manford et ses comparses.
" Les idées de la Marchesa di San Fedele sur la campagne étaient parfaitement simples : en fait, elle en avait une seule. Elle considérait que c'était un endroit où l'on avait plus de temps qu'à la ville pour jouer au bridge. Encore bien heureux! Car, pour le reste, on s'ennuyait à cent sous l'heure ..." p247 
Ce qui m'a fasciné dans ce roman, c'est la sensation permanente qu'un drame se joue derrière l'humour et la légèreté apparents. Le génie de Wharton est poussé jusqu'à ne jamais écrire, ni formuler la "faute" commise par certains membres de la famille. Jusqu'à la dernière page, tout reste sous-entendu. Tout comme le ferait Pauline Manford,  le narrateur ferme les yeux et tait la vérité. Les new-yorkaises n'est pas un roman à suspense ou à énigmes. Le texte est, tout comme l'ensemble de l'oeuvre de Wharton, tout en finesse et en sensibilité. Bien que la virtuosité du Temps de l'innocence n'est pas égalée, j'ai retrouvé des personnages aux psychologies complexes, la critique vive et intelligente de la haute société, des émotions refoulées, des frustrations, des sacrifices. 
J'ai passé des heures de lecture prenantes et envoûtantes. Un roman doux-amer qui m'a faite sourire autant qu'attristée. Un savant mélange d'humour et de critique, de frivolité et d'intelligence. 
Un bijou ... comme tous les romans de Wharton.
" ... Après tout, y avait-il d'autre vie possible que celle-ci? Car bien sûr ce rêve d'une ferme dans l'Ouest était une ânerie. Ce dont il rêvait, en fait, lui, Dexter Manford, c'était l'impossible combinaison d'une vie professionnelle aussi influente et captivante que celle qu'il menait, et du calme de la campagne, des grandes étendues, des livres, des chevaux, des enfants - ah, des enfants! des garçons à lui, qu'il éduquerait, à qui il apprendrait durant de longues promenades les secrets de la nature, des plantes, des arbres, à observer les oiseaux et les écureuils, à nourrir les grives et les rouges-gorges en hiver ... et puis le retour au crépuscule, dans une maison éclairée par les lampes et par l'âtre, avec une table de goûter croulant sous les bonnes choses ... les enfants tous réunis, des garçons et des filles (oui, des filles aussi,de nombreuses petites  Nona), affamés, les joues rougies par leur randonnée ... et une femme assise là, levant les yeux de son livre, tendant vers lui un visage calme et frais ... une femme absurdement jeune pour être leur mère ... "(Les new-yorkaises, Edith Wharton, J'ai lu, 2012, p 71)
(Source image : George Lepape, wikipedia.org)

6 commentaires:

Cléanthe a dit…

Je ne connais pas celui-ci, mais je note le titre: j'adore Édith Wharton!

Eliza a dit…

Je partage tout à fait ton opinion, même si j'ai un peu moins aimé celui-ci que les autres ! L'atmosphère est pesante, pesante... Quel talent !

Anonyme a dit…

J'aime beaucoup la couverture :) Je ne connais pas encore Edith Wharton, mais je vais très bientôt la découvrir par l'intermédiaire de quelques nouvelles fantastiques.

Lili a dit…

Je me rappelle l'avoir apprécié, mais je n'en ai visiblement gardé que peu de souvenirs puisque je ne me rappelle pas du tout cette histoire de faute... Zut !

FondantGrignote a dit…

J'ai beaucoup aimé "été" de Wharton ; peut-être poursuivrai-je avec celui-ci... En tout cas, c'est sûr, je continuerai à découvrir ses ouvrages ! Bonne soirée!

Fanny a dit…

Je commence juste La Splendeur des Lansing ! Et je note celui-ci que je n'ai pas encore dans ma bibliothèque !