mercredi 18 décembre 2013

Diantre!

Cranford
Elizabeth Gaskell


Points, Grands romans, 2009.

Au XIXe siècle, le petit village anglais de Cranford vit au rythme des discussions autour du thé et des entorses aux convenances. Au fil des saisons, Mary Smith rend visite à ses amies et connaissances. Elle est ainsi témoin de tous les grands et petits événements qui bouleversent la société de Cranford : deuils, scandales amoureux mais aussi manque d'argent. Car ces dames de bonnes familles se doivent de dissimuler leur pauvreté sous le vernis de l'élégance.

Je dois reconnaître - tristement- que mon premier sentiment lors de ma lecture de Cranford fut la déception. Oui, je le confesse (je ferai 4 Ave et 6 Pater, promis)! 
J'ai adoré Nord et Sud (*soupir*) et j'ai trouvé beaucoup de charme aux Confessions de Mr Harrison, je partais donc toute guillerette dans les aventures de Cranford.  Je ne peux pas trop expliquer ce qui s'est passé dans ma tête. Je crois que, déjà, je m'attendais à un roman dans sa forme la plus basique, alors que Cranford a une construction assez particulière. Au début, on ne sait même pas qui est le narrateur (la tendre Mary se dévoile au fur et à mesure), j'ai eu la sensation d'être télescopée à Cranford assez brutalement, sans préambule, sans introduction. Cranford est composé d'anecdotes. Étrangement (pour une adepte de la blogosphère littéraire et des romans anglais), je ne m'y attendais pas. Du coup, j'ai mis plusieurs pages à me faire à cette construction. J'avais l'impression de passer du coq à l'âne en permanence. Bref, vous l'aurez compris mon emménagement à Cranford ne s'est pas fait en douceur. Puis, progressivement, je me suis liée d'amitié avec les habitantes. Thé après thé, j'ai appris à vivre parmi elles. J'ai surtout été très émue par Miss Mathy, très touchante. Certains passages sont franchement drôles. J'ai beaucoup souri. D'autres au contraire m'ont rappelé Nord et Sud pour leur profondeur, leur force. En quelques mots, Gaskell arrive à rendre un simple moment beau, émouvant, nostalgique : " Miss Matty dénoua le paquet avec un soupir qu'elle s'empressa de ravaler aussitôt, comme s'il était répréhensible de regretter le passage du temps, ou celui de la vie d'ailleurs. Nous convînmes de les lire séparément, en prenant chacune une lettre différente dans le même paquet et en décrivant son contenu à l'autre avant de la détruire. Avant cette soirée, je ne m'étais jamais douté qu'il était si triste de lire d'anciennes lettres et j'aurais été bien embarrassée de dire pourquoi. Car ces lettres débordaient de bonheur - du moins celles qui remontaient le plus loin dans le temps. On y trouvait un sentiment très vif, très intense du moment présent, qui paraissait si puissant, si épanoui qu'on avait l'impression qu'il ne pourrait jamais s'éteindre, que les coeurs chaleureux et vivants qui s'exprimaient ainsi ne pourraient jamais mourir et disparaître pour toujours de la terre ensoleillée. " (p86).
J'ai fini par me régaler des petites aventures de Cranford, à écouter les ragots, à aider les amies. Si je m'étais, dès les premières lignes, attendue à ce style de lecture, j'aurai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman. Malheureusement, cela m'a pris du temps et j'ai lu plusieurs pages un peu perdue. 
Cranford est le texte que j'ai le moins aimé de Gaskell  (après avoir lu Nord et Sud et Les confessions de Mr Harrison). Et c'est avec tristesse que je le reconnais. Mais je suis toujours bien décidée à lire les autres romans de cette grande dame de Lettres. Je me replongerai avec bonheur dans son monde sentant bon le Earl grey et les scones. 

" A l'évidence, le sucre était l'économie favorite de Mrs Jamieson,. Je gagerais volontiers que la pince à sucre en filigrane, qui ressemblait plutôt à une paire de ciseaux à broder, n'aurait jamais pu s'écarter suffisamment pour saisir un de nos honnêtes et vulgaires morceaux de taille ordinaire; d'ailleurs , lorsque j'essayai de prendre d'un coup deux des petits morceaux miniatures, afin qu'on ne me vît pas plonger de trop nombreuses fois dans le sucrier, elle en lâcha un d'office, avec un petit claquement sec et une malveillance délibérée. "
(Cranford, Elizabeth Gaskell, Points, 2009)

(Source image : Cranford (BBC) interactive.wxxi.org)

1 commentaire:

maggie a dit…

J'espère que je vais plus aimer que toi ce livre. Pour l'instant, je n'ai lu que Nord Sud, j'espère que je ne vais pas être déçue...