samedi 2 novembre 2013

" Cet endroit... aussitôt que vous y avez mis le pied, il prend possession de vous... "

Simetierre
Stephen King

J'ai lu, 1987.

Louis Creed, un jeune médecin de Chicago, vient s'installer avec sa famille à Ludlow, petite bourgade du Maine. Leur voisin, le vieux Jud Crandall, les emmène visiter le pittoresque " simetierre " où des générations d'enfants ont enterré leurs animaux familiers. Mais, au-delà de ce " simetierre ", tout au fond de la forêt, se trouvent les terres sacrées des Indiens, lieu interdit qui séduit pourtant par ses monstrueuses promesses. Un drame atroce va bientôt déchirer l'existence des Creed, et l'on se trouve happé dans un suspense cauchemardesque... 

Pour moi, la meilleure définition que l'on puisse donner à Stephen King n'est pas « le maître de l'horreur ». Alors oui, bien sûr, il maîtrise le suspense comme personne, ses ambiances étranges et inquiétantes sont si bien rendues que l'on en reste scotché, il a un don pour nous faire flipper avec un rien, mais (tout comme lors de ma lecture de ça), ce qui fait le talent de King pour moi n'est pas son esprit noir et flippant, mais bel et bien ses qualités de conteur. Je suis bluffée. L'histoire de Simetierre est sombre, dure, traumatisante et pourtant l'horreur n'est réellement présente que durant un tiers du roman. Tout comme ça, Stephen King nous offre un roman profond parlant d'amour, d'amitié, parlant de nos peurs les plus secrètes, de nos doutes, nos rêves, nos angoisses. Les romans de Stephen King parlent d'humanité. J'ai longtemps pensé qu'il n'écrivait que des histoires trashs, crues, difficiles à lire tant l'horreur était à son apogée. Depuis ma lecture de ça il y a 4 ans, j'ai compris que King écrivait surtout des romans humains, beaux, touchants et écrits d'une main de maître. Je pense que les lecteurs recherchant une simple histoire gore risquent d'être déçus. Les choses ne s’accélèrent qu'à la page 300 (sur 570). Les premières pages sont là pour installer l'ambiance, nous mettre en condition, nous faire aimer assez les personnages pour être bouleversé par leur sort (comme j'ai eu envie de crier). On croirait presque lire un roman nous contant l'histoire tranquille d'une famille américaine. Certaines scènes font froid dans le dos mais au final elles ne sont pas très nombreuses. Bon par contre, elles sont intenses … autant vous prévenir. Mais plus que des scènes gores, King arrive à nous terrifier avec un rien. C'est un magicienL'horreur chez King est comme une ombre qui plane au-dessus de notre tête. Quelque chose de toujours présent, près de nous, prêt à frapper. Il installe si bien l'ambiance qu'il arrive à nous faire sursauter seulement en décrivant le bruit d'une feuille qui tombe d'un arbre. J'en reste bluffée. L'une des images les plus flippante du roman est (je pense) celle de Zelda, la soeur de Rachel. Pas de goutte de sang, pas de trucs dégoûtants lors de la description de ce personnage et pourtant, Zelda m'a complètement traumatisée. Chapeau à Mr King! Et puis, il y a Church aussi. Ce chat m'a donné quelques sueurs froides. Pourtant, King ne raconte rien de vraiment terrifiant, mais il sait avec quelques mots nous rendre tellement bien une ambiance que Church, sa démarche maladroite, son odeur de terre, ses yeux vitreux, m'a angoissée comme jamais. 
Simetierre est sublime. King prend le temps de nous présenter la famille Creed. On s'attache à eux, on les aime. J'ai aimé les suivre dans leur quotidien. Ellie et Gage sont devenus mes enfants, Louis m'a souvent beaucoup fait rire et Rachel m'a touché. Mais surtout, ses quatre personnes m'ont bouleversé. L'image du petit Gage me hante. Je n'arrive pas à faire mon deuil de cette histoire. Mon petit garçon a l'âge de Gage et je n'ai pas arrêté de penser à lui en regardant mon fils. Tout comme les personnages de ça, les visages de Simetierre m'accompagneront toute ma vie. J'aime cette sensation à la fin d'une lecture. J'ai laissé des amis derrière moi. 
Stephen King arrive à nous faire imaginer tellement bien l'histoire que tout prend forme devant nos yeux. Je voyais la maison des Creed, ainsi que la route la séparant de celle de Jud, le chemin du "Simetierre", ... On rentre véritablement dans un autre monde, un univers parallèle au nôtre.
Si King n'écrivait que des histoires noires où la violence gratuite regorge, où les descriptions tombent dans le sanglant, je ne le lirai pas. Tout ça ne m'intéresse pas. Mais King écrit de sublimes histoires d'hommes, de femmes, d'enfants, il parle de sentiments universels et profonds, tout ça accompagné par une ambiance délicieusement angoissante. 
Tout comme après la lecture de ça, j'emmène avec moi plein d'images : le petit Gage jouant au cerf-volant, Zelda hurlant dans son lit, les réflexions amusantes de Louis, les camions roulant bien trop vite, le regard inquiétant de Church, Jud busant sa bière devant sa maison, des traces de pas boueux, ... 
Dérangeant mais pas voyeur, angoissant mais sublime, … Un roman qui me poursuivra longtemps. Décidément je n'en ai pas fini avec King. 

On a probablement tort de penser qu'il peut y avoir une limite à l'horreur que peut éprouver l'esprit humain. Au contraire, il semble qu'à mesure que l'on s'enfonce plus profondément dans les ténèbres de l'épouvante, une espèce d'effet exponentiel entre en jeu. Pour aussi déplaisant qu'il soit de constater, l'expérience humaine tendrait plutôt à valider l'idée suivant laquelle l'horreur suscite l'horreur, une calamité accidentelle engendrant d'autres calamités - parfois voulues celles-là - jusqu'à ce que les ténèbres finissent par tout recouvrir à la façon d'une tache d'encre qui s'étale progressivement sur un buvard."
(Simetierre, S. King, J'ai lu, 1987)


(Source image : deviantart.com)


5 commentaires:

Hilde a dit…

"Simetierre" m'avait fait forte impression pendant mon adolescence. Je garde un souvenir vraiment intense de cette lecture.

Je l'ai relu en 2011 et j'ai encore ressenti quelques frissons. Avec le temps on oublie certains détails. En tout cas, il fait partie de mes "King préférés".
En tout cas tu as l'air d'avoir beaucoup apprécié. :)

maggie a dit…

J'ai eu ma période ado, mais je n'ai pas eu envie de le lire car j'avais vu le film ( à l'internat !!!!) et l'adaptation est complètement ridicule !!!

So a dit…

Ton billet est génial, je suis tout à fait d'accord avec toi !!!

Lor rouge a dit…

Je partage entièrement ton avis sur le grand "King" pas seulement de l'horreur mais une peinture très proche et très juste de ce que sont les hommes (et les femmes)

Soie a dit…

Stephen King porte bien son nom, c'est un Maître dans son domaine.
J'ai lu Simetierre, et sans me rappeler de toute l'histoire, je me souviens bien de scènes assez marquantes.
Je n'avais jamais réfléchi à cet aspect de la question, mais tu as raison, il a un réel talent de conteur.