A la recherche du temps perdu Tome 3Le côté de Guermantes
Marcel Proust

Livre de poche, 2008.
Avec ses parents, le narrateur a déménagé dans un nouvel appartement qui est une dépendance de l'hôtel de Guermantes : sa vie se trouve tournée vers la duchesse, et c'est précisément parce qu'il perçoit chez elle une sorte d'irritation à son égard qu'il gagne Doncières pour demander à son ami Saint-Loup d'intercéder en sa faveur auprès de sa tante. Mais il fréquente aussi le salon de la marquise de Villeparisis, et cette vie désormais mondaine ne sera que renforcée par la disparition de sa grand-mère et l'absence de ses parents partis pour Combray : son éducation est achevée.
On a pu voir dans ce Côté de Guermantes paru en deux volumes en 1920, puis l'année suivante, un roman de transition simplement dévolu à l'évocation des salons. Mais la transition, sans doute, est ailleurs : dans le passage de l'adolescence à l'âge adulte qui permet au héros de faire son entrée dans une nouvelle société, et au romancier de s'attacher à la "poésie du snobisme". "Je n'en ai parlé, dit-il à son ami Léon Daudet, avec le ton dégagé de l'homme du monde, mais avec le ton émerveillé de quelqu'un pour qui ce serait très loin."
Et voilà! Le troisième tome d'A la recherche du temps perdu m'a révélé ses secrets (enfin, ceux que l'on voit à la première lecture, car Proust ne montre pas tous ses mystères d'un coup! Le coquin!).
Je suis toujours amoureuse de mon Marcel. Certes, il m'a encore faite parfois souffrir, ennuyée même, mais comme dans toute passion, je me suis vite réconciliée corps et âme avec mon petit Proust. Cet écrivain a un don. Celui de nous faire oublier les quelques pages un peu dures que nous lisons grâce à un seul mot, à une sensation, à une image. Sa plume est si douce, si délicate, si drôle aussi, si croustillante que l'on ne peut pas lui en vouloir d'être parfois trop descriptif.
J'ai eu pourtant un peu de mal à démarer ma lecture. Pas à cause de Marcel, non. Mais vu que La recherche est un texte riche, il nous accapare pleinement. Si notre esprit est pris par des préoccupations familiales, professionnelles ou autre, Proust risque de ne pas apprécier et de nous le faire payer durement. C'est pour cela que le début de ma lecture fut un peu difficile. Mais après quelques pages, j'ai embarqué tête la première dans ce texte fabuleux. Quelle poésie, quelle grâce, quelle ironie! Après avoir tourné en dérision le milieu bourgeois dans le tome 1, Proust se penche ici sur l'aristocratie ... et c'est délicieux! Sa critique est fine, parfaite, pleine de sous-entendus. Un régal!
La scène de fin m'a laissée immobile pendant plusieurs secondes. Elle résume à elle seule tout l'histoire.
Bon! A part vous redire de prendre votre courage à deux mains et de vous précipiter sur Proust, je ne vois pas quoi ajouter .... donc ... point final.
"Malgré cela il faut se rappeler que l'opinion que nous avons les uns les autres, les rapports d'amitié, de famille, n'ont rien de fixe qu'en apparence, mais sont aussi extrêmement mobiles que la mer. De là tant de bruits de divorce entre des époux qui semblaient si parfaitement unis et qui, bientôt après, parlent tendrement l'un de l'autre; tant d'infamies dites par un ami sur un ami dont nous le croyions inséparable et avec qui nous le retrouvons réconcilié avant que nous ayons eu le temps de revenir de notre surprise; tant de renversements d'alliances en si peu de temps, entre les peuples."
(Le côté de Guermantes, Marcel Proust, Livre de poche, p308)
(Source image : doudou.gheerbrant.com. Jean Béraud, Une soirée, musée d’Orsay)