dimanche 14 septembre 2008

Des lions, des combats et de l'amour

Diotime et les lions
Henri Bauchau

Babel, Actes sud, 2001.

A travers la lutte avec les lions, dans l'ivresse du combat et dans la prédilection que lui témoigne son grand-père, c'est aux plus troublants interdits que Diotime est confrontée. Mais sur la peur, le désir, la sauvagerie, la transgression, la violence de la féminité, Henry Bauchau projette la lumineuse sagesse de l'Orient. De sorte que son récit - mince et pourtant inépuisable - semble se jouer de la transparence des mots pour mieux atteindre à l'essentiel. L'histoire de Diotime se lit comme une aventure, et elle rayonne comme une parabole.
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C'est une bien belle plume que je viens de découvrir. Henri Bauchau fait parti de ces auteurs qui par sa délicatesse, sa sensibilité et son amour des doux instants, nous transporte dans des mondes de rêveries et d'imaginaires.
J'ai toujours eu une grande passion pour la mythologie gréco-romaine. Aimant les contes et les légendes, j'ai tout de suite été conquise par ces récits héroïques de batailles, de princes, d'amours impossibles, de jalousies et de dieux en colère. Lire un mythe écrit d'une plume moderne, poétique et passionnée fut une belle découverte.
Je ne connaissais absolument pas cette histoire. Diotime est une jeune fille vivante et fougueuse, une Antigone passionnée, digne héritière de ses ancêtres les lions.
Tout comme l'exceptionnelle fille d'Oedipe, Diotime se bat pour ses valeurs, se bat pour être celle qu'elle veut être et qu'elle doit être.
Une petite histoire de 60 pages se lisant en une heure sur la quête de soi et l'apprentissage de la vie.
Je pense un bon petit livre pour commencer Bauchau, pour s'imprégner de sa plume, de sa passion.
A découvrir.
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Dans mon plus lointain souvenir, je vois toujours mon grand-père Cambyse arriver chez nous au galop, son faucon sur le poing, suivi de serviteurs armés. Il salue ma mère avec beaucoup de respect, inspecte tout comme s’il était chez lui et s’en va, tourbillon de poussière, dans un grand tumulte de chevaux. Mon père que j’admirais tant, qui avait commandé une flotte et gagné des batailles sur l’océan des Indes, semblait parfois interdit et presque effrayé en sa présence. Tous redoutaient Cambyse, tandis que moi, sans doute parce que je ressemble à sa mère, je n’ai jamais eu peur de lui.
J’étais seule un matin avec une jeune servante. Cambyse est survenu. Etincelant, sur son cheval couvert d’écume dont il n’avait pas daigné descendre, il nous observait d’un œil sévère. J’étais toute petite, j’ai été éblouie, j’ai couru vers lui en demandant : "A cheval, à cheval avec toi !" Ma confiance a fait rire cet homme sauvage, elle l’a peut-être touché. Il m’a saisie par le cou et juchée devant lui sur sa selle. Nous sommes partis au galop, entourés par ses gardes et ce qui n’était pour lui qu’une chasse après tant d’autres a été pour moi l’ivresse, l’invention de la vie. J’ai découvert alors la joie de la vitesse dans l’air brûlant et l’odeur des chevaux. Je n’ai retrouvé pareil plaisir qu’en haute mer, par grand vent, quand Arsès gouvernait le navire.
(Diotime et les lions, Babel, 2001)



(Source image : legends-myth.blogspot.com)

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