Le choix de Sophie
William Styron

Folio, 2007.
A Brooklyn, en 1947, Stingo, jeune écrivain venu du Sud, rencontre Sophie, jeune catholique polonaise rescapée des camps de la mort. A la relation de la rencontre du jeune homme avec l'amour, se superposent la narration du martyre de Sophie, l'évocation de l'univers concentrationnaire et de l'holocauste nazi. Les deux veines, autobiographique et historique, irriguent en profondeur ce roman et fusionnent en une émouvante parabole sur l'omniprésence du Mal, symbolisé par l'horreur nazie, mais aussi par l'esclavage et le racisme brutal ou larvé de la société américaine, l'intolérance à tous les degrés, la férocité de la lutte de l'homme pour la vie ou la survie la plus élémentaire.
Ce roman me rend extrêmement perplexe. J'ai vécu, à la fois, des moments de grande littérature, mais il y a aussi beaucoup trop de détails qui m'ont dérangée pour classer ce livre parmi les très bons.
Ce roman est une complexité incroyable. Durant toute sa lecture, je regrettais de ne pas avoir fait des études de psychologie pour pouvoir comprendre les trois personnages principaux de ce livre. Réactions étranges, névroses, peurs enfouis. Un vrai travail qu'a réalisé William Styron pour comprendre l'inconscient humain.
Le choix de Sophie, c'est tout d'abord la Shoah et plus largement, toute forme de racisme. Personnage à part entière, la haine et la violence jalonnent tout le texte. Le récit de Sophie sur sa survie durant la guerre et Auschwitz arrive par bribes. On apprend de nouveaux élèments au fil du récit, jusqu'à la dernière révélation, le fameux "choix de Sophie", atroce, invivable. Cette Shoah si dévastatrice. Sophie en est revenue vivante et pourtant, elle n'est qu'un spectre. On ne renaît jamais après Auschwitz.
Le choix de Sophie, c'est aussi l'amitié. Une très belle histoire que ce triangle amoureux. Tous trois sont prêts à tout pour sauver l'un d'eux. Bien que tous les personnages se battent avec leur propre démon, ils s'épaulent, se soutiennent.
Le choix de Sophie, c'est le sexe. Extrêmement présent durant le roman. Grand point négatif pour ma part. Un peu de sexe ne m'a jamais dérangée, mais là c'est trop. Mots crus perpétuels, fantasmes et actes sexuelles décrits avec détails, ... Il y en a trop, jusqu'à écoeurement. Le sexe est vu comme une chose violente, parfois même une punition pour Sophie, celle qui n'aurait pas du survivre.
Le choix de Sophie, c'est aussi l'écriture et la lecture. Le jeune Stingo est écrivain. Quête de l'inspiration, quête de soi-même. On nous entraîne dans l'écriture de Stingo d'une façon géniallissime. J'ai beaucoup aimé cet aspect. Et puis, les livres! Grand point dans ce roman! Influence des romans, passion des romans ... Un hymne à la littérature.
Et enfin, je dirai que Le choix de Sophie, c'est la musique. La musique qui soulage, qui guérit, qui apaise. Celle part qui Sophie et Nathan vont s'aimer et se déchirer ...
Quel roman complexe et dur à lire! J'ai été submergée par des images et des scènes splendides, mais cette overdose de sexe dans le roman m'a presque empêchée d'apprécier certaines scènes. C'est vraiment le gros point que je lui reproche. Après ce livre vaut effectivement le coup. Une belle histoire d'amour à la fin majestueuse, un hymne à la vie, à la littérature et à la musique. Le personnage de Sophie est inoubliable. William Styron rend les personnages si humains qu'on les voit évoluer autour de nous.
Un roman qui a énormément de qualités, mais il faut avoir le coeur très très accroché ...
" Durant ces mêmes années, elle avait été privée de livres, en fait de presque toute forme de lecture, et elle se mit à lire avec avidité, s'abonnant à un journal polono-américain et fréquentant une librairie polonaise située à deux pas de Fulton Street et qui disposait d'une importante bibliothèque de prêt. Par goût, elle s'intéressait surtout aux traductions d'auteurs américains, et le premier livre qu'elle lut jusqu'au bout, elle s'en souvenait, fut Manhattan Transfer, de Dos Passos. Suivirent alors L'adieu aux armes, Une tragédie américaine et Au fil du fleuve, de Wolfe, ce dernier en traduction polonaise, une traduction si minable que, se résignant à rompre le voeu qu'elle s'était fait, au camp de concentration, de renoncer pour le restant de ses jours à tout ce qui était écrit en allemand, elle lut une traduction allemande qu'elle se procura dans une annexe de la bibliothèque publique."
(Le choix de Sophie, Folio, p 167-168)
(Source de l'image : veganism.mobi)