samedi 26 juillet 2014

En Inde, la vie ne connaît ni dénouement, ni fin ...

Mandala
Pearl Buck

Livre de poche, 1970.

C'est dans le cadre de l'Inde moderne que Pearl Buck a situé ce roman ; l'histoire d'une famille princière, dépouillée d'une grande partie de sa fortune par les événements politiques, et qui s'efforce de s'adapter aux conditions nouvelles, malgré le poids de ses traditions sociales et religieuses.

Vu que c'est l'été (et qu'il fait chaud), j'ai envie d'histoires de pays lointains, de voyages, de lieux étouffants. Après les rues poussiéreuses chinoises de L'amant de la Chine du Nord, je suis allée en Inde avec Mandala, roman de ma chère Pearl Buck.  Onzième texte que je lis d'elle et la magie opère toujours. Je me suis sentie bien dans cette histoire humaine et profonde.
Jagat est un prince indien désormais dénué de titres et simple citoyen. Il accepte sa situation et essaie de se faire une place dans ce nouveau monde. Il transforme un de ses palais en hôtel de luxe. Son épouse, Motti, fidèle et dévouée, reste attachée à la tradition. Leurs deux enfants, Jai et Veera, sont partagés entre leur éducation et la liberté du monde moderne. Autour d'eux, il y a Bert un américain sympathique gérant l'aménagement de l'hôtel de Jagat, ainsi que le Père Francis Paul, catholique anglais et Brooke, une belle américaine venant chambouler la vie cadrée de Jagat. 
Comme souvent dans les romans de Buck, pas de grandes tragédies ou d'histoires de famille compliquées, mais des êtres humains qui tentent de vivre malgré les changements sociaux, la disparition des traditions et l'arrivée d'idées nouvelles. La finesse et la délicatesse de la plume de Pearl Buck sont encore au rendez-vous. Mandala est un texte profond et assez complexe dans les liens qui unissent les personnages. L'écriture est toujours aussi simple et naturelle, mais derrière cette spontanéité se cache une grande analyse de l'esprit humain, beaucoup de sensibilité et de finesse. L'histoire de Motti, Jagat, Jai et Veera m'a beaucoup émue. Ils sont tous tiraillés entre leurs devoirs et leurs désirs, les lourdes traditions et l'appel de la modernité. Comme dans chacun de ses romans, Pearl Buck ne juge pas, ne condamne pas. Elle aime l'Homme ... profondément. 
Un joli roman tout en finesse. Une écriture toujours poétique et juste, parlant vraie. Une plume sublime qui nous rappelle que la vie est douce ... malgré les épreuves. 

" Tu es trop semblable aux jeunes Indiennes moderne. Tu ne te rends pas compte de ta chance d'avoir ton avenir ainsi préparé. Tu n'es pas obligée, comme les jeunes filles d'Occident, de te chercher un mari. Il parait que, dans les pays occidentaux, dès quatorze ans, les jeunes filles sont incapables de tout travail suivi, tant elles se donnent du mal pour se chercher un mari. Tu vois, tes parents t'ont délivrée de ce souci. "
(Mandala, Pearl Buck, Livre de poche, 1970)

(Source image : ateliermagique.com)

lundi 14 juillet 2014

"C'est drôle le bonheur, ça vient d'un seul coup, comme la colère."

L'amant de la Chine du Nord
Marguerite Duras

Folio, 1993.

«J'ai appris qu'il était mort depuis des années. C'était en mai 90 (...). Je n'avais jamais pensé à sa mort. On m'a dit aussi qu'il était enterré à Sadec, que la maison bleue était toujours là, habitée par sa famille et des enfants. Qu'il avait été aimé à Sadec pour sa bonté, sa simplicité et qu'aussi il était devenu très religieux à la fin de sa vie.J'ai abandonné le travail que j'étais en train de faire. J'ai écrit l'histoire de l'amant de la Chine du Nord et de l'enfant : elle n'était pas encore là dans L'Amant, le temps manquait autour d'eux. J'ai écrit ce livre dans le bonheur fou de l'écrire. Je suis restée un an dans ce roman, enfermée dans cette année-là de l'amour entre le Chinois et l'enfant.Je ne suis pas allée au-delà du départ du paquebot de ligne, c'est-à-dire le départ de l'enfant.» 
Marguerite Duras.

Marguerite Duras publie L'amant en 1984. L'adaptation de Jean-Jacques Annaud (1992) tiré de son roman, lui fera retravailler son oeuvre en la rebaptisant L'amant de la Chine du Nord. L'auteur ne fut pas satisfaite de la version ciné. Son histoire fut pour elle trop vulgarisée, limitée à une simple histoire sensuelle et de nombreux autres thèmes furent oubliés. 
Je n'ai pas lu L'amant. Maintenant que j'ai terminé L'amant de la Chine du Nord, je le regrette un peu. J'ai énormément de questions et je pense que lire les deux versions est important et intéressant. Je m'interroge sur les réelles différences entre les deux œuvres. Sont-elles uniquement une affaire de style? Ou bien l'histoire elle-même a t-elle été modifiée? Bref, mon cerveau fume. Je pense donc que je lirai L'amant pour comprendre, comparer, analyser. J'ai assez de mal à écrire cet article car j'ai la sensation de ne pas avoir toutes les clefs en main n'ayant pas lu la première version de l'histoire. 
De Duras, j'ai lu il y a un moment Yann Andréa Steiner et Cahiers de la guerre et autres textes.  Le premier ne m'a pas laissé un grand souvenir. A dire vrai, je ne m'en souviens quasiment pas. J'ai juste en mémoire la beauté du texte, la musique, le pessimisme qui s'en dégage. Ma seconde lecture, par contre, est un beau souvenir. Certains extraits de ces Cahiers sont bouleversants et marquants. 
J'ai croisé l'adaptation de Jean-Jacques Annaud il y a très longtemps. J'étais très jeune et je ne suis pas allée au delà du premier tiers car elle me mettait très mal à l'aise. J'ai gardé le souvenir d'une histoire purement sexuelle et sans grand intérêt. Vous comprendrez pourquoi j'ai été très surprise en ouvrant L'amant de la Chine du Nord de trouver une très belle et simple histoire entre deux êtres seuls et perdus. 
Car l'histoire entre L'enfant et Le chinois est belle, mélancolique, sensuelle. Je me suis laissée bercer par les phrases de Duras avec volupté, "Le bruit de la pluie de nouveau en pleine nuit. Leurs corps sur le lit. Ils sont dans le même enlacement, cette fois endormis. On les voit, ils sont très sombres à cause du ciel noir de la mousson - ce qui fait les reconnaître aussi c'est la petite taille de l'enfant allongée contre celle, longue, du Chinois du Nord" (p195). C'est vrai que son style est très cinématographique et peut mettre mal à l'aise dans un premier temps, "Ils se regardent, puis ils détournent les yeux. La scène est extrêmement lente. Elle descend du lit. Elle va se doucher." (p85). Mais je me suis vite rendue compte de la fluidité de l'ensemble, de la beauté et de la pureté de la langue. On n'est pas dans l'excès ou la surproduction de termes, de mots. La langue est claire, épurée, nette. Je me suis laissée aller dans cet univers moite, humide, poussiéreux et dur. Ce n'est pas un roman gai. Derrière l'atmosphère orientale assez langoureuse, ce texte est violent, terrible. L'humour, la joie, l'insouciance n'ont pas leur place ici. L'être humain y est assez primitif dans sa façon d'être, bien que complexe dans ses émotions, la vie n'est qu'une succession de frustrations, de doutes, d'échecs. 
Je n'ai jamais étudié Duras. Cette lecture m'a donnée envie d'en savoir davantage, de lire d'autres œuvres et d'en savoir plus sur sa vie. L'amant est-il entièrement autobiographique? La relation si particulière qu'elle entretient avec ses frères est-elle vraie? Je veux en connaître plus. La franchise avec laquelle Duras nous livre son intimité (quelque fois choquante) m'a énormément surprise. J'ai eu la sensation de devenir sa confidente, son journal, son amie
En août, une semaine entière est consacrée à Duras sur France culture. Je la suivrai avec intérêt.

" Elle disait se souvenir de la peur. Comme elle se souvenait de la peau, de sa douceur. De celle-ci, à son tour, épouvantée.
Les yeux fermés elle touchait cette douceur, elle touchait la couleur dorée, la voix, le coeur qui avait peur, tout le corps retenu au-dessus du sien, prêt au meurtre de l'ignorance d'elle devenue son enfant. L'enfant de lui, l'homme de la Chine qui se tait et qui pleure et qui le fait dans un amour effrayant qui lui arrache des larmes.
La douleur arrive dans le corps de l'enfant. Elle est d'abord vive. Puis terrible. Puis contradictoire. Comme rien d'autre. Rien: c'est alors en effet que cette douleur devient intenable qu'elle commence à s'éloigner. Qu'elle change, qu'elle devient bonne à en gémir, à en crier, qu'elle prend tout le corps, la tête, toute la force du corps, de la tête, et celle de la pensée, terrassée.
La souffrance quitte le corps maigre, elle quitte la tête. Le corps reste ouvert sur le dehors. Il a été franchi, il saigne, il ne souffre plus. Ca ne s'appelle plus de la douleur, ça s'appelle peut-être mourir.
Et puis cette souffrance quitte le corps, quitte la tête, elle quitte insensiblement toute la surface du corps et se perd dans un bonheur encore inconnu d'aimer sans savoir. "

(L'amant de la Chine du Nord, Marguerite Duras, Folio, 1993)

(Source image : blog-trendy.letudiant.fr)

dimanche 13 juillet 2014

Quelques idées de lecture ...

C'est l'été ... 
et avec lui arrive le désir de lectures brûlantes, envoûtantes, la recherche DU roman parfait, celui qui sera associé à nos longues heures de détente sur la plage ou au pied d'un arbre ... 



Cette année, je ne pars pas ... (naissance de Bébé oblige), mais cela ne m'empêchera pas de profiter des chaudes journées d'été pour bouquiner avec bonheur. Pour une fois que je ne bosse pas comme une bête de somme en cette saison, j'en profite ... Malgré le gros ventre. J'ai prévu quelques titres à lire au jardin ... Je vous en parlerai ici, bien évidemment.
Vous êtes plusieurs à partir vous dorer la pilule durant quelques jours et je ne peux m'empêcher de vous laisser quelques titres lus et aimés qui seront parfaits pour vous accompagner. 





 - Dans la main du diable d'Anne-Marie Garat : Parce qu'il faut avoir du temps pour lire cet énorme pavé ... Malgré quelques faiblesses, une très belle histoire pour vous faire rêver le temps d'un été.
- Le pays du dauphin vert d'Elizabeth Goudge : Du très grand! La mer, la moiteur de la Nouvelle-Zélande, ... Un roman qui vous poursuivra longtemps.
- Le soleil des Scorta de Laurent Gaudé : C'est brûlant, étouffant et passionnant. ça se lit tout seul, c'est court, efficace et intelligent.
- Les raisins de la colère de John Steinbeck : Pourquoi ne pas profiter de l'été pour lire ce grand classique plein de sueur et de poussière?
- Compartiment pour dames d'Anita Nair : Une bouffée d'optimisme et d'air frais .... chargé d'épices.
- Les fleurs de lune de Jetta Carleton : Une belle et touchante histoire de famille qui saura vous accompagner en douceur durant vos vacances.
- La dame du Nil de Pauline Gedge : Un excellent roman historique au temps des pharaons. Un très bon souvenir de lecture. 
- L'amour au temps du choléra de Gabriel Garcia Marquez : Idéal lorsque la chaleur est étouffante. Si vous n'avez jamais lu G.G Marquez, la saison d'été est parfaite pour le faire!
- La mère de Pearl Buck : Il faut TOUT lire de Pearl Buck. J'aurai pu citer Pivoine, Pavillon de femmes et j'en passe, mais j'ai choisi La mère car c'est le premier que j'ai lu. C'était il y a des années durant des vacances d'été dans la chaleur du Sud et bercée par le chant des cigales. Un souvenir inoubliable.
- L'amour dans l'âme de Daphné du Maurier : Il y a la mer, la côte, l'appel du large, ... Un roman passionnant et passionné complètement prenant et envoûtant.


Je vous souhaite de belles vacances et surtout plein de merveilleuses lectures!


lundi 7 juillet 2014

Petit partage ...

Un peu de moi ... 


Dans quelques semaines, un nouveau lecteur ou une nouvelle lectrice viendra rejoindre notre cocon ... 3 ans et demi après Romanzino, un nouveau petit être grandit en moi depuis 7 mois et demi. Tout comme pour le premier, le sexe de Bébé est un mystère. Un second Romanzino ou une Romanzina? On verra ... 


(Source : Les deux premières illustrations sont tirées du sublime album d'Emilie Vast En t'attendant. La troisième vient de Dans le ventre de maman de Laurie Cohen).

samedi 5 juillet 2014

En quelques mots ...

Le sortilège
Charlotte Brontë

Le mois anglais

Les 4 vents, Hors les murs, 1946.

J'ai bouclé ce délicieux mois anglais avec la lecture d'une nouvelle de Charlotte Brontë, Le sortilège. Pour ceux qui ne le savaient pas encore, je voue un véritable culte à Jane Eyre. J'aime cette histoire avec passion et Jane et Edward font partis de ma vie. 
Je suis tombée sur cette vieille édition dans un vide-grenier le dernier jour du mois anglais de l'année dernière. J'ai du utiliser mon coupe-papier lors de ma lecture car toutes les pages étaient encore attachées. Ce petit voyage dans le temps fut très agréable. Le fait de couper les pages de mon livre fut d'ailleurs le seul point positif de cette lecture. Malgré tout l'amour que je porte à Charlotte Brontë, je ne peux pas mentir et suis obligée de vous dire que la lecture du Sortilège m'a ennuyée au plus haut point. Certes on y retrouve ce goût des esprits torturés, des ambiances sombres et gothiques, mais pour le reste, je n'y ai trouvé aucun intérêt. Je me suis complètement perdue dans l'intrigue (je serai bien embêtée si je devais vous la résumer), je n'ai pas compris qui était qui, qui voulait quoi, ... Bref, la catastrophe. Un échec! Mais je le vis bien. Pour moi, Charlotte Brontë n'a rien à me prouver. Elle a mis tant de génie dans Jane Eyre qu'elle ne peut pas réussir à tous les coups. 
Je ne fais pas un avis très long ni très constructif car en toute honnêteté je n'ai pas grand chose à dire. Cette nouvelle est peu intéressante, complètement alambiquée, manquant de naturel et de maîtrise. Bref, lisez Jane Eyre plutôt ....  

(Source image : "A young lady reading a book, a spaniel on her lap" (1858). Charles Louis Baugniet;  http://books0977.tumblr.com/)
.........................................

C'est avec cette lecture que j'achève (avec un peu de retard) mon mois anglais. Je n'ai pas réussi à lire et à voir tout ce que je voulais, mais j'ai passé de très beaux moments ... Un grand merci aux organisatrices. 
Je compte bien remettre le couvert l'année prochaine ... 
Ce que j'ai lu
- Le sortilège de Charlotte Brontë (présenté ici)
- Au temps du roi Edouard de Vita Sackville-West
- L'homme invisible de H G Wells
- Jude l'obscur de Thomas Hardy (énorme coup de coeur!)
- Virginia Wolf de Kyo Maclear
Ce que j'ai vu :
- Jude de Michael Winterbottom
Ce que j'ai goûté :
- Bread pudding