samedi 29 septembre 2018

Swap traditionnel

Comme chaque année, me revoilà avec ma tendre amie UnlivreUnthé pour notre partage annuel autour d'un swap. Cette année, nous avions choisi le thème : Un titre, un lieu.


J'ai été comme toujours bien trop gâtée. Ce moment tout en douceur fut fort apprécié en cette période chargée de rentrée scolaire. Une petite bulle égoïste qui réchauffe le coeur!


J'ai reçu 4 romans : Retour à Brideshead d'Evelyn Waugh, un auteur que je ne connais toujours pas. Un été à Cold Spring de Richard Yates, lui aussi encore inconnu. J'ai hâte de les découvrir. Un roman que j'ai noté depuis longtemps, Le lys de Brooklyn de Betty Smith. Pour finir, une auteure que j'aime énormément, Vita Sackwille-West et son roman Dark island. J'ai hâte de découvrir tous ces textes.
J'ai eu aussi des petites gourmandises. Une tisane bio qui embaume et des biscuits (eux aussi bio) à la noix de coco. Miam! 
Enfin, j'ai reçu un sublime et élégant bracelet turquoise. Je l'ai tout de suite mis à mon poignet. 


Merci ma tendre amie. Ce fut un régal. Tu m'as encore énormément gâtée.
Pour voir le colis d'UnlivreUnthé, c'est ici!

Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance!

American psycho
Bret Easton Ellis

Points, 1998.

Patrick Bateman, 26 ans, flamboyant goldenboy de Wall Street, fréquente les endroits où il faut se montrer, sniffe quotidiennement da ligne de coke, et surtout ne se pose aucune question. parfait yuppie des années quatre-vingt, le jour il consomme. Mais la nuit, métamorphosé en serial killer, il tue, viole, égorge, tronçonne, décapite.
Portrait lucide et froid d'une Amérique autosatisfaite où l'argent, la corruption et la violence règnent en maîtres, American Psycho, qui fit scandale lors de sa parution aux Etats-Unis, est aujourd'hui un best-seller mondial.
American psycho est à ce jour le roman le plus trash, glauque, immonde que j'ai lu. Il m'a fallu du courage pour le terminer. J'ai tenu car sous la violence se cachait une critique acerbe de la société américaine qui valait le coup. Mais honnêtement, je vais mettre ce roman très haut dans ma bibliothèque et hors de portée de mes enfants. J'ai du très vite ouvrir un roman doux et beau après avoir terminé ce texte de B.E Ellis.
Peter Ackroyd dit d'American psycho que c'est "un roman laid". Je ne peux que le rejoindre. Tout y est horrible : les personnes, les sentiments humains, les émotions, ... Le lecteur est plongé dans un enfer où les scènes violentes, pornographiques ou dénuées d'intérêt humain et spirituel se succèdent. J'ai souvent refermé le roman, le cœur au bord des lèvres. Ce texte rend tout laid et difforme. Bateman, le héros, transpire la haine, le racisme, l'antisémitisme, la misogynie, ... Il est écœurant.
Je pense qu'American psycho est un roman à lire pour sa virulente critique de certains working boys superficiels, égoïstes, humainement inintéressants. Cependant, il faut être préparé au pire. Même si j'ai interprété les actes de Patrick Bateman comme des fantasmes qui n'ont en réalité pas lieu, il n'en reste pas moins que nous ne sommes pas épargnés par les détails, les mots crus, l'absence totale d'humanité.
Une lecture traumatisante
" Je possédais tous les attributs d'un être humain - la chair, le sang, la peau, les cheveux - , mais ma dépersonnalisation était si profonde, avait été menée si loin, que ma capacité normale à ressentir de la compassion avait été annihilée, lentement, consciencieusement effacée. Je n'étais qu'une imitation, la grossière contrefaçon d'un être humain. "
(Photos : Romanza2018)

dimanche 2 septembre 2018

" Ah! ces chutes de neige, la Russie, la nuit, la tempête et le chemin de fer! "

La vie d'Arséniev
Ivan Bounine

Le livre de poche, Biblio, 2014.

À travers le personnage d’Arséniev, l’écrivain russe Ivan Bounine décrit sa propre jeunesse à la campagne, dans la région des steppes. D’emblée, La Vie d’Arséniev nous plonge dans l’univers intime d’un enfant solitaire élevé dans une nature dépouillée, qui s’étend à perte de vue... Accomplissant un intense travail de mémoire, Bounine bâtit le canevas précis d’une enfance, à une époque d’extrême déchéance de la noblesse russe. Les périples au cœur d’une Russie poétique, chaleureuse, interlope, la rencontre avec des personnages insolites, la vie sentimentale – marquée par la violence – d’un homme aussi despote que séduisant forment la trame de ce magnifique et puissant exercice de réminiscence et d’écriture. Avec, en toile de fond, un monde destiné à disparaître…

J'ai clôturé mes lectures estivales avec ce texte d'Ivan Bounine découvert grâce à Eliza
Lorsque je pense à La vie d'Arséniev, je revois instinctivement les champs de blés et les étendues de neige. Ce roman est d'une sensibilité rare ... comme son héros. Fait de sensations, d'images, d'émotions, de ressentis, ce texte est nimbé de poésie. J'ai été envoûtée par les premières pages, au point d'avoir du mal à refermer le livre. J'ai noté plusieurs extraits dans mon carnet de lecture et je fermais régulièrement les yeux pour savourer la chanson des phrases d'Ivan Bounine. 
" Quelle merveille l'épanouissement printanier d'un arbre! Surtout si le printemps est brusque et allègre! Alors la force invisible qui travaille sans cesse en lui se manifeste, se dévoile miraculeusement. Un beau matin, quand on regarde l'arbre, on es surpris par la profusion des bourgeons qui l'ont recouvert pendant la nuit. Un peu plus tard les pousses éclatent subitement, et les noires résilles des ramures sont soudain parsemées, mouchetées de tendres taches vertes. Et puis survient la première nuée, gronde le premier coup de tonnerre, s'abat la première ondée tiède, et un nouveau miracle s'accomplit : l'arbre qui présentait hier encore une mâture dépouillée est maintenant si touffu, si riche, il étale un feuillage si majestueux, si éclatant de verdure, si volumineux et dense, il se dresse si beau et fort en sa jeune et vigoureuse parure qu'on en reste incrédule ... " (p164-165)
La vie d'Arséniev, c'est la beauté des mots, de la langue. J'ai beaucoup pensé à Virginia Woolf ou à Marcel Proust en lisant ce texte. Ivan Bounine arrive en quelques mots à saisir la magie d'un instant, la beauté d'un geste, l'émotion d'un paysage. On lit et on contemple. 
Ce roman est un texte érudit, jalonné de citations d'auteurs russes qui accompagnent Arséniev dans sa vie. Mais ce n'est pas pour autant un roman prétentieux ou élitiste. Le roman de Bounine est un hymne à la douceur de vivre, aux instants simples et aux émotions pures.
Le personnage d'Arséniev est, il est vrai, assez particulier. Tel un Chateaubriand ou un Rousseau russe, il s’apitoie beaucoup sur lui-même et ne vit que pour la création littéraire. Il peut-être parfois agaçant, surtout dans sa relation avec Lika. 
Si c'est un fait que je me suis un peu essoufflée dans le dernier quart du roman (mon état d'esprit préoccupé par la reprise du travail n'est pas innocent à cela), il n'en reste pas moins que j'ai adoré ma lecture. Ouvrir cette si belle édition, sentant l'encre fraîche, et y retrouver la langue si sublime d'Ivan Bounine fut un délice. Moi qui aime passionnément la Russie, sa langue, sa culture, ses paysages, je me suis régalée à parcourir les pages de ce texte où chaque phrase nous parle de la Russie intime et grandiose, de ses beautés et ses contradictions.
" Que de domaines désertés, de parcs abandonnés, dans la littérature russe, et avec quelle tendresse ils sont toujours décrits! Comment se fait-il que l'âme russe trouve tant de charme et de jouissance dans l'abandon, la solitude, le déclin? Je m'avançais vers la maison, passais dans le parc qui s'élevait en pente derrière cette demeure ... Les écuries, les isbas des domestiques, les granges et autres dépendances dispersées autour de l'enclos désert, tout était immense, délavé, délabré et paraissait aussi sauvage que les broussailles et herbes folles qui envahissaient les potagers et, plus loin, les aires de battage confondues désormais avec les champs. " (p153-154)
(Photos : Romanza2018)