samedi 23 juillet 2016

" Les livres sont des miroirs, et l'on y voit que ce qu'on porte en soi-même."

L'ombre du vent
Carlos Ruiz Zafon

Livre de poche, 2006.

Dans la Barcelone de l'après-guerre civile, " ville des prodiges " marquée par la défaite, la vie est difficile, les haines rôdent toujours. Un matin brumeux de 1945, un homme emmène son petit garçon - Daniel Sempere, le narrateur - dans un lieu mystérieux du quartier gothique : le Cimetière des Livres Oubliés. 
L'enfant, qui rêve toujours de sa mère morte, est ainsi convié par son père, modeste boutiquier de livres d'occasion, à un étrange rituel qui se transmet de génération en génération : il doit y "adopter" un volume parmi des centaines de milliers. Là, il rencontre le livre qui va changer le cours de sa vie, le marquer à jamais et l'entraîner dans un labyrinthe d'aventures et de secrets enterrés dans l'âme de la ville : L'Ombre du Vent. 
Avec ce tableau historique, roman d'apprentissage évoquant les émois de l'adolescence, récit fantastique dans la pure tradition du Fantôme de l'Opéra ou du Maître et Marguerite, énigme où les mystères s'emboîtent comme des poupées russes, Carlos Ruiz Zafon mêle inextricablement la littérature et la vie.

Alors que beaucoup de lecteurs ont déjà découvert L'ombre du vent depuis longtemps, je viens pour ma part tout juste de le lire.
J'ai lu les premières pages avec distance, détachement. Le style et l'ambiance étaient agréables, mais je n'avais pas l'impression de découvrir une histoire très novatrice ou palpitante. Puis, tout s'est emballé. Sans que je m'y attende, par surprise, Carlos Ruiz Zafon m'a embarquée dans son monde. J'ai pris mon temps, j'ai savouré. Entre secrets, livres oubliés, écrivains maudits, j'ai plongé dans ce roman avec passion. 
Ce n'est pas la plume ou le style de l'auteur qui m'ont réellement marquée. L'ombre du vent est un univers envoûtant, vibrant, vivant. Les personnages étaient là près de moi, j'ai parcouru inlassablement les rues de Barcelone, je connais par cœur la librairie Sempere. Oscillant entre humour (les répliques de Fermin sont un régal et resteront l'un de mes meilleurs souvenirs!), poésie, horreur, l'auteur joue constamment avec nos émotions. J'ai autant pleuré que souri, tremblé que soupiré. Certaines scènes resteront gravées. L'ombre du vent est un roman qui émeut, qui met en colère, qui attendri, qui écœure parfois, qui révolte souvent.
Ce n'est pas un roman parfait, mais c'est aussi ce qui fait son charme. C'est un roman humain. C'est une histoire qu'on se raconte au coin du feu, qu'on partage, qui fait palpiter le cœur et hérisser le poil
Un roman que j'offrirai à des gens qui n'aiment pas lire. Je suis persuadée que L'ombre du vent fait parti de ces romans qui réconcilient les plus récalcitrants avec la magie des mots. Par son humanité, sa fougue, ses personnages vivants, son intrigue captivante, L'ombre du vent peut faire succomber les plus hostiles. 
Dans une vitrine, je vis un placard publicitaire de la maison Phillips qui annonçait l'arrivée d'un nouveau messie, la télévision, dont il était dit qu'elle changerait nos vie et nous transformerait tous en créatures du futur, à l'image des Américains.La télévision est l'Antéchrist, mon cher Daniel, et je vous dis, moi, qu'il suffira de trois ou quatre générations pour que les gens ne sachent même plus lâcher un pet pour leur propre compte et que l'être humain retourne à la caverne, à la barbarie médiévale et à l'état d’imbécillité que la limace avait déjà dépassé au Pléistocène. Ce monde ne mourra pas d'une bombe atomique, comme le disent les journaux, il mourra de rire, de banalité, en transformant tout en farce et, de plus, en mauvaise farce. "

(L'ombre du vent, Carlos Ruiz Zafon, Livre de poche, 2006)
(Photos : Romanza2016)

mardi 19 juillet 2016

Quand ça veut pas, ça veut pas!

Un cadavre dans la bibliothèque
Agatha Christie
 Le club des masques, 1994.

Le colonel Bantry est contrarié : une jeune femme, vêtue d'une toilette tape-à-l'œil, a été retrouvée étranglée dans sa bibliothèque ! Cruelle énigme pour la police. Heureusement, le manoir des Bantry est situé non loin du village de miss Marple. Cette sympathique vieille dame pleine de bon sens permettra, une fois de plus, de dénouer toute l'affaire.

D'habitude totalement envoûtée à chaque lecture de Dame Christie, j'ai cette fois eu beaucoup de mal à adhérer à cette histoire de cadavre. 
L’énigme tout d'abord n'est pas palpitante. L'enquête m'a ennuyée tout comme sa résolution. 
Je n'ai pas non plus réussi à apprécier Miss Marple, que j'ai malheureusement trouvé fade et absente. Hercule Poirot et son arrogance m'ont beaucoup manquée. 
Même le style ne m'a pas convaincue. Où est passé la plume si fine d'Agatha Christie? J'ai trouvé les phrases vulgaires, sans élégance et pauvres. 
Je suis peinée d'être aussi sèche, mais c'est un fait. Je suis incapable de donner plus d'arguments. Je n'ai pas embarqué dans cette mauvaise enquête et l'oublie très vite. 
Peut-être est-ce par ce que je m'étais habituée à l'originalité et le génie des autres textes de l'auteur! Un cadavre dans la bibliothèque n'est nullement comparable au sublime Crime de l'Orient Express, à Mort sur le Nil et tant d'autres. J'ai lu d'autres romans de l'auteure, moins connus et moins grandioses, mais qui avaient le mérite de me faire passer un bon moment. Là, ce n'est définitivement pas le cas. 
" Mrs Bantry rêvait. Ses pois de senteur venaient de remporter un premier prix à l'exposition florale. Le pasteur, revêtu de sa soutane et de son surplis, distribuait les récompenses dans l'église. Sa femme traversait nonchalamment l'auguste assemblée en maillot de bain mais, heureux privilège des songes, cette incongruité ne soulevait pas parmi les paroissiens le tollé qu'elle eût assurément déclenché dans la réalité...Mrs Bantry était ravie. Elle adorait ces rêves du petit matin qui s'achevaient par le premier thé de la journée.Le petit matin. Quelque part dans son subconscient, elle en percevait les bruits dans la maison. Le raclement, sur leur tringle, des rideaux de l'escalier tirés par la femme de chambre ; celui du balai-brosse et du ramasse-poussière de la bonne dans le couloir. Plus loin, le lourd claquement du loquet de la porte d'entrée que l'on déverrouillait.Un nouveau jour commençait. En attendant, il fallait profiter au maximum de cette exposition florale, car déjà sa nature onirique devenait de plus en plus apparente..."
(Un cadavre dans la bibliothèque, Agatha Christie, Club du masque, 1994, p9)
(Photos : Romanza2016)