dimanche 30 octobre 2011

Et au commencement était ce film ...

Jane Eyre

De Franco Zeffirelli (1996) avec Charlotte Gainsbourg et William Hurt.

Après une enfance triste au pensionnat de Lowood, la jeune orpheline Jane Eyre est engagée à sa majorité comme gouvernante de la petite Adèle chez le riche Edward Rochester. (allocine)


Voilà le responsable de mon amour pour Jane Eyre ...
Je l'ai revu hier soir et j'ai eu une envie soudaine d'en parler.
Certes, je sais qu'il n'est pas sans défaut, qu'il n'est qu'un bref résumé du superbe roman de Charlotte Brontë, mais je l'aime. Il m'a fait connaître cette si belle et touchante histoire qui reste indétrônable dans mon Panthéon livresque.
Je l'ai vu la première fois à la télévision avec ma maman. Je ne sais pourquoi on avait choisi ce programme. Soirée "film de filles" probablement. Dès les premières minutes, j'ai été transportée par cette histoire de petite orpheline rejetée. Son arrivée à Lowood, son amitié avec Helen Burns, son départ pour Thornfield, Mr Rochester. Un régal!


Le destin a voulu que le lendemain, durant les courses, je tombe sur Jane Eyre dans le rayon des livres. Ma mère me l'a offert. Je me suis malheureusement rendue compte arrivée à la maison qu'il s'agissait d'un abrégé pour enfant. Je le dévorais en 2 heures. Je n'étais bien sûr pas rassasiée, mais toujours imprégnée de cette merveilleuse histoire.
J'ai retrouvé l'édition complète dans une brocante quelques temps après. J'ai pourtant attendu encore plusieurs années avant de la lire. Je l'ai ouvert à la fac'. Révélation! Tout me plaît dans ce roman. L'histoire, l'intrigue, les personnages, les dialogues, la plume de Charlotte Brontë. Un régal! Je ne me lasse pas de cette histoire. Jane et Mr Rochester sont mes personnages de romans favoris. Il y a tout dans ce roman.
Je ne l'ai pas encore relu mais ça ne tardera plus ...


Donc, ce film, je l'aime.
Charlotte Gainsbourg est MA Jane Eyre. Pas belle, mais possédant un charme indéniable et une flamme passionnée dans les yeux qui la rend attachante et attirante.
William Hurt incarne à merveille le taciturne Mr Rochester. Elégant, mystérieux, d'une beauté discrète mais bien réelle.
Les paysages, Thornfield, les choix des décors sont parfaits.
Mon seul regret? Qu'il soit trop court.


J'ai vu d'autres adaptations de Jane Eyre depuis. Celle avec Orson Welles et Joan Fontaine, celle de Robert Young (1997) et enfin, la série de 2006 avec Ruth Wilson. Je trouve un charme particulier à chacune de ses adaptations. J'ai particulièrement aimé celle de 2006. Plus longue, elle est plus fouillée. J'ai aimé visionné durant plusieurs heures, cette histoire que j'aime tant.
En 2012 sort une toute nouvelle adaptation. On verra ...
Une chose est sûre, l'adaptation de Zeffirelli garde une place de choix dans mon coeur ... Il est le commencement de tout!

(Sources images : fanpop.com ; kimpenguin.wordpress ; surcine.com ; thefancarpet.com ; toutlecine.com)

dimanche 23 octobre 2011

" ... le jouet des vagues et des vents."

De grandes espérances
Charles Dickens

Livre de poche, 1959.

Élevé, à la mort de ses parents, par sa sœur et son mari, Pip semble promis à l'existence obscure d'un jeune villageois sans fortune.

Dès les premières pages, le destin de Pip bascule lorsqu'il se voit obligé d'aider un forçat évadé, Abel Magwitch, à se libérer de ses chaînes. Puis son existence est bouleversée une seconde fois quand il fait la connaissance de l'étrange Miss Havisham qui vit recluse dans son manoir de Satis House en compagnie de sa fille adoptive, Estella, au nom prédestiné, dont la froide beauté exalte et désespère tout à la fois le jeune garçon.

Lorsqu'une série de circonstances exceptionnelles permet à Pip de recevoir l'éducation d'un gentilhomme et d'espérer entrer en possession d'une immense fortune, le jeune homme y voit l'occasion rêvée de conquérir l'inaccessible Estella.

(wikipedia.org)


Si des doutes, concernant la place de Dickens dans ma vie, persistaient, il n'y en a aujourd'hui plus aucunes traces.
Dickens vient de prendre une grande place dans mon coeur au côté de Dumas, Zweig, Zola, Balzac, Buck, Austen et tous les autres écrivains composant mon petit Panthéon.
Mon seul regret? Ne pas avoir eu le coup de coeur dès ma première découverte de l'auteur il y a trois ans avec Oliver Twist. Mais je compte bien redécouvrir cette oeuvre et l'aimer comme j'ai aimé De grandes espérances.
J'ai tout simplement tout aimé dans ce roman. Je me demande comment j'ai pu mettre autant de temps à le lire.
J'avais peur d'ouvrir ce texte. Je m'attendais à un grand roman assez exigeant et difficile. Mais il n'en ai rien. C'est passionnant, palpitant, euphorisant, ...
J'ai, bien évident, adoré l'histoire. On ne s'ennuie pas une minute. Dès les premières lignes (Ah! Cette scène d'ouverture au cimetière!), on retient notre souffle ... et ça dure jusqu'au mot "fin" (j'ai souvent tremblé lors des nombreux rebondissements et révélations de ce texte). L'histoire de Pip est touchante. J'ai souvent entendu des lecteurs disant qu'ils n'avaient pas aimé Pip, sans pour autant le détester. Pour ma part, j'ai aimé ce personnage et j'ai été touchée par ses mésaventures. C'est un être sensible, partagé entre ses envies et sa morale, apprenant de ses erreurs. Il prend souvent le mauvais chemin, se perd tout seul ... mais il est émouvant et j'ai aimé ses réflexions, ses regrets, sa détermination dans le bien (comme dans le mal parfois ... Après tout, il ne pouvait pas savoir ce qui arriverait!). En plus de cette intrigue parfaite et d'un héros attachant, Dickens nous offre des personnages secondaires géniallissimes et inoubliables. Il y a les détestables, les émouvants, mais il y a surtout des êtres humains, tous essayant de survivre avec leurs espoirs et leurs malheurs. Joe et Miss Havisham sont mes deux personnages favoris. Ce que j'ai aimé, c'est la complexité des caractères que crée Dickens (Estella, Mr Jaggers, Wemmick en sont de beaux exemples). Il ne se borne pas à la simplicité. Tout n'est pas tout blanc ou tout noir. Les personnages se cherchent, se trompent, s'aiment, se détestent, se retrouvent. Ils apprennent. Ils sont humains.
Hormis, une histoire fantastiquement prenante, des personnages tout simplement renversants de vie, de couleurs, de passions et j'en passe, ce qui m'a durant toute ma lecture le plus scotchée, c'est l'écriture de monsieur Charles Dickens. Quelle plume! Quel talent! Autant d'émotions, d'humour, de poésie, d'engagement, de qualités à décrire l'attitude d'un personnage, ... Tout ça dans un seul homme, c'est un miracle. Comme j'ai ri! Comme j'ai pleuré! Je crois qu'un seul écrivain autre que Dickens a réussi à me faire passer du rire aux larmes en deux pages, Alexandre Dumas, autre grand monsieur. Je crois que j'ai quasiment corné toutes les pages de ma vieille édition (tombant en lambeaux) tant il y a de phrases cultes, des scènes émouvantes ou drolatiques (Ah! Monsieur Pumblechook et sa bêtise ... Mrs Gargery et son "chatouilleur" ... et Joe et sa naïveté!).
J'ai retrouvé mon âme de jeune lectrice en lisant cette oeuvre, j'ai plongé dans les mots de Dickens comme une enfant.
C'est officiel, je veux TOUT lire de Dickens. Je pense que je mettrai certains titres de la Pléiade dans ma liste de Noël.
Je reste encore imprégnée de ce roman ... Pip m'accompagnera longtemps.
A lire absolument!

" Dans le conte oriental, la lourde dalle qui doit tomber sur la couche d'apparat dans l'ivresse de la victoire est lentement extraite de la carrière, le tunnel où courra la corde destinée à maintenir la dalle à sa place est lentement creusé dans le roc pendant des lieues, la dalle elle-même est lentement soulevée et ajustée à la voûte, la corde est assujettie à la dalle, et va rejoindre à plusieurs milles de là le grand anneau de fer. Tous les préparatifs achevés à grand-peine, lorsque l'heure est venue, on éveille le sultan au milieu de la nuit, on lui met dans la main la hache aiguisée qui doit détacher la corde du grand anneau de fer; il frappe, la corde se rompt, disparaît dans le tunnel et la voûte tombe. De même pour moi; tous les travaux proches et lointains qui tendaient au même but étaient achevés; en un instant le coup fut frappé et le toit de ma forteresse s'écroula sur moi!"
(De grandes espérances, Dickens, Livre de poche 1959, p 319)

(Source image : frisbeebookjournal.wordpress.com)

mercredi 19 octobre 2011

.......................

Je n'ai pas l'habitude de parler de faits divers ici, mais là ... je ne sais pas quoi dire devant une telle horreur ..... (ces images sont extrêmement traumatisantes!)

Comment sommes-nous devenus si individualistes?

Cette petite fille n'a pas été secourue durant plusieurs minutes, alors qu'elle était encore en vie ... Personne ne s'est arrêté ...

Je ne sais pas quoi dire ....
Je fais une exception aujourd'hui, je ne traite pas de culture ... juste d'humanité ... ou plutôt d'absence d'humanité!


dimanche 16 octobre 2011

Où je me lance de nouveau dans un mini challenge ...

Et oui ....
Rassurée sur le fait que l'on peut concilier le rôle de jeune maman avec celui de lectrice compulsive, je me lance dans un petit défi initié par Karine ... mais un tout petit ... pas de prises de tête, non mais!
Il s'agit du Gilmore girls challenge.

Laissez-moi vous expliquer!

Je ne suis pas série, je n'en regarde pas (sauf Les simpsons et Kaamelott auxquels je voue un culte). Mais j'entends de plus en plus parler d'une série (pourtant pas récente) où l'héroïne est connue pour lire sans arrêt ... toujours un livre à la main paraît-il! Il s'agit de Gilmore girls. Débats sur de grands classiques, scènes de lecture, livres en veux-tu en voilà ... Bref! L'héroïne est une lectrice compulsive. Il n'y a pas moins de 343 références littéraires dans cette série. Et Karine en a fait une liste.
Je compte bien découvrir bientôt cette héroïne au coeur littéraire, mais en attendant je me lance dans la belle idée de Karine ... voir ici pour les infos ( ... et pour la liste ... )!
Il s'agit de lire 3 romans présents dans cette liste avant le 31 décembre 2012 (large!).


Et voici mes 3 choix :

- La cousine Bette de Balzac. Car j'aime Balzac et que celui-là erre dans ma bibliothèque depuis un bon bout de temps. (Lu!)

- La foire aux vanités de Tackeray, gros pavé que je rêve de lire depuis un moment. (Lu!)

- Carrie de Stefen King. Je l'ai acheté après ma découverte très positive de ça il y a quelques temps. Vais-je accrocher cette fois-ci? (Lu!)

......

Et vous, vous en êtes?

samedi 8 octobre 2011

Où l'on se perd autant que l'on s'y trouve ...

La danseuse d'Izu et autres nouvelles
Yasunari Kawabata

Le livre de poche, 2008.

Prix Nobel de littérature en 1968, Yasunari Kawabata ne révéla peut-être jamais aussi bien que dans les cinq nouvelles de La Danseuse d'Izu la poésie, l'élégance, le raffinement exquis et la cruauté du japon.
Est-ce là ce « délicat remue-ménage de l'âme » dont parlait le romancier et critique Jean Freustié ? Chacun de ces récits semble porter en lui une ombre douloureuse qui est comme la face cachée de la destinée.
Un vieillard s'enlise dans la compagnie d'oiseaux, un invalide contemple le monde dans un miroir, et ce miroir lui renvoie d'abord son propre visage dans une sorte de tête à tête avec la mort...
Rechercher le bonheur est aussi vain et aussi désespéré qu'apprivoiser une jeune danseuse, un couple de roitelets ou le reflet de la lune dans l'eau. Voici cinq textes limpides et mélancoliques, aussi pudiques sans doute dans l'expression que troublants dans les thèmes.

Bien que je connaisse Kawabata depuis longtemps l'ayant croisé régulièrement sur les étagères des librairies, des bibliothèques et du CDI de mon lycée, je n'avais encore jamais eu l'occasion de le lire. C'est chose faite! Et j'ai, ma foi, bien aimé.
J'aime énormément la littérature asiatique, pourtant, j'ai peu lu d'oeuvres japonaises. Chaque fois que j'en lis une, je suis bercée par la poésie, la douceur, la contemplation qui émanent de ces textes, mais je suis également totalement dépassée (en temps qu'occidentale) par les symboles, les références, les subtilités. Après la lecture de ce recueil de nouvelles, j'ai le même constat. J'ai aimé ma lecture, j'ai été bercée par les mots de Kawabata, par sa poésie et sa finesse d'analyse, mais je n'ai malheureusement pas tout saisi. Il a les sens cachés, les images, les métaphores, tout est subtil et parfois, je me suis un peu perdue.
La première nouvelle, intitulée La danseuse d'Izu, est pleine de beaux paysages et de poésie mais le sens m'a échappée. J'ai adoré la seconde, Elégie, que j'ai trouvé tout simplement sublime. Elle m'a beaucoup rappelée Lettre d'une inconnue de Zweig. J'ai trouvé Bestiaire, la troisième nouvelle, très glauque. Elle m'a rendue très mal à l'aise. Ces histoires de morts d'oiseaux m'a profondément dérangée. Je n'ai pas tout compris à Retrouvailles mais La lune dans l'eau, dernière nouvelle, est très belle. Le personnage féminin m'a émue.
Au final, je garde plusieurs images marquantes de ma lecture. Certaines sublimes comme les visions de l'héroïne de Elégie (cette nouvelle pourrait être un sujet de roman à part entière tant elle est riche), d'autres très dérangeantes comme la mort des roitelets de Bestiaires (j'ai des visions d'horreur encore maintenant ... J'aimerai vraiment lire une analyse de ce texte). Kawabata a gagné son pari, il m'a marquée. Je pense que je relirai un texte de cet auteur que j'ai trop longtemps ignoré. Certes, je n'ai pas toutes les clefs en mains pour comprendre toutes les subtilités de la littérature japonaise, mais je me suis laissée bercer par les mots et les images de ces belles (et parfois déstabilisantes) nouvelles.
Je me rends compte qu'il y aurait bien des choses à dire sur ce recueil si riche, mais malheureusement je n'en ai pas les moyens ...
A lire!

" Une nuit, dans la salle de bain, voici quatre ans, une senteur violente m'assaillit. Sans pouvoir la définir, je jugeai incongru de respirer un parfum si puissant alors que j'étais nue. J'eus alors un éblouissement ; je perdis connaissance. A ce moment précis, vous, dans un hôtel, aspergiez de parfum la couche blanche de votre nuit de noces. Vous veniez de vous marier, sans m'en avoir fait part, après m'avoir abandonnée. J'avais beau, sur le moment, tout ignorer de ce mariage, je me rendis compte plus tard, à la réflexion, que cela se produisit à ce moment précis. "
(Elégie in La danseuse d'Izu, Kawabata, Livre de poche, 2008, p 40)

(Source image : blue.fr)

mercredi 5 octobre 2011

" Monsieur Dickens est mort? Et le père Noël, est-ce qu'il va mourir aussi? "

Charles Dickens
Marie-Aude Murail

Belles vies, L'école des loisirs, 2005.

Marche, petit Charles. Marche dans les rues de Londres puantes et enfumées, faufile-toi entre les rats. Marche jusqu'à la fabrique de cirage où tu colles des étiquettes dix heures par jour, puis marche vers la prison pour dettes rendre visite à ton père et marche encore à la nuit tombée, rentre seul dans ta chambre. Galope, Charles. Galope en rêve et en imagination. Invente-toi une autre vie, théâtre, aventures, passions, demeures luxueuses... Cours Dickens. Deviens reporter, dénonce les injustices. Cours vers la gloire que tu mérites par ta verve et ton cœur. Cours à travers le monde, de Paris à New York, lis tes romans à voix haute devant un public abasourdi, et cours écrire le suivant que des centaines de milliers attendent semaine après semaine. Cours si vite, si bine, si loin que la mort même ne pusse t'atteindre, et vis éternellement, Charles Dickens, à travers tes romans et dans cette biographie écrite par celle qui t'a élu, un jour de ses dix-sept ans, son " père céleste ", et qui te ressemble tant.

J'ai dévoré ce tout petit bijou ...
Je connaissais déjà Marie-Aude Murail grâce à son sublime Miss Charity et je désirais lire un autre de ses romans. Je me suis laissée séduire par cette biographie de Dickens car JE VEUX connaître davantage ce grand auteur qui m'intimide tant. Après avoir lu Oliver Twist, Un chant de Noël et Un conte de deux villes, Dickens prend de plus en plus de place dans mon petit coeur tout mou. Je compte me lancer dans très très peu de temps dans Les grandes espérances et j'ai tout petit peu peur. Pour me conforter dans mon idée de me lancer dans ce monument, j'ai donc décidé d'en apprendre plus sur Dickens et également de lire les mots d'une personne amoureuse de cet auteur. Je ne me suis pas trompée en ouvrant la biographie de Marie-Aude Murail. Elle aime Charles Dickens et elle le crie.
Ce texte est une toute petite biographie, qui va à l'essentiel et qui est, je pense, une très bonne première approche. Idéale pour une personne voulant se donner le dernier coup de pied aux fesses avant d'ouvrir un texte de Dickens, mais également pour les inconditionnels qui vont pouvoir entendre parler de leur auteur chouchou avec passion.
Je ne connaissais absolument rien de Charles Dickens donc autant dire que j'ai appris beaucoup en lisant ce petit texte. Je ne savais pas qu'il avait connu à ce point le succès de son vivant. J'ai adoré les pages parlant des lecteurs accro à Dickens, attendant avec impatience chaque nouvelle publication, pleurant sur certaines pages, riant sur d'autres. Les lectures publiques de l'auteur m'ont ravie. J'imaginais ce grand homme, parfait conteur, tenir en haleine toute une assemblée. Marie-Aude Murail a un talent fou pour faire apparaître devant nos yeux Monsieur Dickens. J'ai une envie terrible de lire tous les romans cités dans le livre (surtout La maison d'Apre Vent).
Je crois que le défaut principal de cette biographie est qu'elle est trop courte. J'ai aimé la plume de Marie-Aude Murail, j'ai aimé son cri d'amour, sa passion, j'ai aimé en apprendre plus sur Dickens, découvrir des extraits de ses oeuvres, ... et j'en aurai aimé plus.
Un livre à lire vite!

"De même, alors qu'il vieillit à vue d'oeil, il suffit d'un enfant pour lui faire retrouver son propre coeur d'enfant. Ainsi, cette petite fille qui s'approche de lui :

- C'est vous, monsieur Dickens ? Oh, j'aime tant vos livres ! Mais bien sûr, je passe les parties ennuyeuses, pas les parties ennuyeuses courtes. Mais les longues !

Charles éclate de rire puis sort son calepin, l'air très soucieux :

- Bon, dites-moi un peu où se trouvent ces parties ennuyeuses ?"

(Charles Dickens, Marie-Aude Murail, L'école des loisirs, 2005)

(Le rêve de Dickens, R.W. Buss. Wikipedia.org)

lundi 3 octobre 2011

Peut-on toucher un souvenir du bout des doigts?

Dans la main du diable
Anne-Marie Garat

Babel, 2007

Automne 1913. A Paris et ailleurs - de Budapest à la Birmanie en passant par Venise -, une jeune femme intrépide, Gabrielle Demachy, mène une périlleuse enquête d'amour, munie, pour tout indice, d'un sulfureux cahier hongrois recelant tous les poisons - des secrets de cœur au secret-défense. Habité par les passions, les complots, le crime, l'espionnage, et par toutes les aventures qu'en ce début du XXe siècle vivent simultanément la science, le cinéma ou l'industrie, Dans la main du diable est une ample et voluptueuse fresque qui inscrit les destinées sentimentales de ses personnages dans l'histoire d'une société dont la modernité est en train de bouleverser les repères. En 1913, Gabrielle Demachy s'avance, lumineuse et ardente, dans les rues de Paris, sur les chemins du Mesnil ; entre l'envol et la chute, entre eaux et sables, la voici qui s'engage dans le roman de sa vie..

Ouf! 1300 pages et 2 mois de lecture, cela faisait longtemps qu'un roman ne m'avait pas suivi durant autant de temps ...
J'ai énormément apprécié ce roman. Certes, il n'est pas sans défauts, mais je suis restée 2 mois en totale immersion dans les lignes de ce beau roman.
Je pense que beaucoup de personnes ayant lu ce texte ont pensé qu'il y avait beaucoup trop de pages, que l'intrigue pouvait tenir en 500 pages, pas plus. J'ai trouvé au contraire que ce roman prenait son temps et que c'était fort agréable. Dans notre époque où les romanciers enchaînent les chapitres, les révélations, toujours plus vite, toujours plus et plus, j'ai aimé cette sensation de lenteur, ces longues pages décrivant les paysages, les sentiments des héros, la vie quotidienne dans la campagne du Mesnil. Je dois reconnaître que dans les toutes premières pages, je me suis dit "Arrête Anne-Marie, tu fais trop de blabla, là!". Je trouvais les longues envolées poétiques et lyriques de l'auteur très surfaites et manquant de naturel. Puis, je me suis faite à l'écriture que j'ai finalement trouvé belle et agréable. Je crois que le gros défaut de ce roman est de vouloir être trop parfait : parfaitement poétique, une héroïne parfaite, une intrigue parfaite, du romantisme paaaaarfaaiiitt!! .... Tout doit être parfaitement parfait!! Alors certes, cela donne un texte passionnant, bouleversant, enivrant, Dans la main du diable chamboule le coeur (et le corps) ... Mais hélas, parfois, on a envie d'hurler "du naturel, que diable!".
Mais après vous avoir dévoilé le défaut principal de ce roman, je ne peux que vous conseillez mille fois de le lire. Vous allez découvrir un roman intelligent, fouillé, palpitant. Certes, il faut avoir un minimum le coeur romantique, mais ce n'est pas un roman à l'eau de rose pour autant (sinon, il ne m'aurait pas plu). On plonge dans une époque, l'avant premier guerre mondiale, la montée de l'industrie, les débuts des guerres modernes et de leurs horreurs, on plonge dans un secret d'état, dans le monde de la presse, de la médecine, du cinéma, ... Un voyage passionnant, enrichissant, fabuleux. Gabrielle est parfois (comme je le disais plus haut) bien trop parfaite, mais elle reste un personnage de roman magnifique, que j'ai aimé de tout coeur. J'ai ressenti ses joies comme ses peines ... Elle m'a labourée l'âme. Anne-Marie Garat nous offre une galerie de personnages inoubliable : le mystérieux et séduisant Pierre, l'émouvante Sophie, l'antipathique Blanche, la terrible Mme Mathilde, l'horrible Michel Terrier, tous les habitants du Mesnil, la petite Millie, Mme Victor, Sassette, Mauranne, ... Les pages parlant du Mesnil sont sans hésitation mes préférées. La vie à la campagne, l'éducation de Millie, la rencontre de Gabrielle et Pierre.
En ouvrant ce roman, on plonge dans un roman policier, un roman classique, un roman d'amour ... On découvre plusieurs romans en un. On ne s'ennuie pas en lisant les 1300 pages de ce texte! Parsemé d'alinéas, il se lit facilement, doucement, en dégustant.
Je pense que Dans la main du diable est un texte que l'on adore ou que l'on déteste ... et je comprends l'un comme l'autre. L'adorer car il est tout simplement passionnant et le détester car il peut paraître long et parfois trop poétique.
En tout cas, ne vous arrêtez pas sur le nombre de pages, ni sur la quatrième de couverture bien trop mièvre, ouvrez Dans la main du diable et faites la connaissance de Gabrielle. Je ne peux que vous conseillez mille fois de lire ce texte envoûtant. J'ai la tête encore imprégnée du Mesnil, de Gabrielle, de Millie, du cahier hongrois, de Venise, .... De beaux instant vous attendent!
La suite (car c'est une trilogie) est déjà sortie (L'enfant des ténèbres, suivi de Pense à demain), je compte bien dévorer les deux autres romans un jour. Je veux savoir ce que devient Gabrielle ... et les autres!

« Insensible, désertée de sentiments et de pensées, elle dut se regarder dans le miroir pour vérifier qu’elle n’était pas disparue, effacée, en cendres, et elle se vit seule. Une qu’elle ne reconnaissait pas, mais qui la connaissait. Assez bien pour la haïr dans un hérissement de toute sa peau, des cheveux horripilés. Sa figure de jeune fille convenable, coiffée et vêtue de dentelles, comme un épouvantail de théâtre, masquée et fardée, barbouillée d’apparences. Sauvagement, elle arracha ses vêtements, se mit nue. Se serait arraché la peau pour être plus nue encore, mais nue elle n’était pas nue. Dans les dédales de son corps, il y avait une nudité plus grande, une capacité plus grande de dépouillement que son corps n’avouait pas, où elle était seule, désaimée et seule.
Elle se regardait comme de longtemps elle ne l’avait fait. Peut-être depuis un de ces matins, […] où elle avait admiré et convoité dans le miroir la chrysalide de son corps, ses seins menus et ses hanches de garçonne, sa peau mate, fluide et soyeuse à la lumière du matin, sa grâce juvénile en majesté […] ! Fière et amoureuse d’elle-même, sans crainte, sans pudeur ! Ce soir, comme celle-là était loin ! Son corps avait grandi et mûri, les courbes plus pleines, ses seins plus lourds à l’attache fine des clavicules, son ventre mince évasé des hanches à l’aine, un peu renflé en son centre, que le nombril creusait étrangement. De sa toison brune aux mamelons de café, cela semblait un visage au triangle étiré, mystérieuse expression pleine d’étonnement. Elle toucha avec crainte l’intérieur de ses cuisses, la longue plage de peau douce jusqu’au creux du genou, remonta à ses épaules, son cou, sa bouche qu’elle palpait sans la sentir sous ses doigts. Elle était femme, mais en vain […] Elle enfila vite sa chemise de nuit et se coucha, ivre de nostalgie pour la jeune fille perdue […]. »
(Dans la main du diable, Anne-Marie Garat, Babel)

(Source image : John_Singer_Sargent_-_Lady_Diana_Manners.en.academic.ru)