Le mois dédié à l'Angleterre est de retour!
Comme chaque année, je suis prête.
Lectures, tea time et bonne humeur.
Bienvenue sur mon blog littéraire. Mes lectures, mes bonheurs, ...
" Il y a un an, je ne connaissais ni cet endroit, ni Jean-Pierre, ni Richard. J'ai passé la soirée de mes trente-neuf ans dans un restaurant chic et branché avec quelques amis qui n'étaient pas les miens, mais ceux de Stan. Est-ce que je me rendais compte de ce ça peut être, offrir à quelqu'un quelque chose qui est réellement pour lui, une surprise à laquelle on a pensé en se demandant ce qui va pouvoir vraiment lui donner du bonheur ? "(Les brumes de l'apparence, Deghelt, abel, 2015, p290-291)
" Une force me contraint à penser à des faits, à des gens qui ne viennent ni d'hier ni d'avant-hier mais d'un monde très ancien, perdu. C'est comme si j'avais oublié les événements de ces dix, vingt dernières années. Comme si toute une série d'images s'était effacée. Des choses et des êtres d'une époque révolue, incroyablement ancienne, se projettent devant moi. Datant d'il y a cinquante ans. De mon enfance.Ces images tourbillonnent. Je n'arrive pas à en saisir une en particulier : elles sont claires et précises mais elles disparaissent aussitôt. "(Le premier amour, Sandor Marai, Le livre de poche, 2010, p77)
"Et c'est alors que m'apparut le plus sage de mes bons génies: Plotine. Il y avait près de vingt ans que je connaissais l'impératrice. Nous étions du même milieu; nous avions à peu près le même âge. Je lui avais vu vivre avec calme une existence presque aussi contrainte que la mienne, et plus dépourvue d'avenir. Elle m'avait soutenu, sans paraître s'apercevoir qu'elle le faisait, dans mes moments difficiles. Mais ce fut durant les mauvais jours d'Antioche que sa présence me devint inestimable, comme plus tard son estime le resta toujours, et j'eus celle-ci jusqu'à sa mort. Je pris l'habitude de cette figure en vêtements blancs, aussi simples que peuvent l'être ceux d'une femme, de ses silences, de ses paroles mesurées qui n'étaient jamais que des réponses, et les plus nettes possible. Son aspect ne détonnait en rien dans ce palais plus antique que les splendeurs de Rome: cette fille de parvenus était digne des Séleucides. Nous étions d'accord presque sur tout. Nous avions tous deux la passion d'orner, puis de dépouiller notre âme, d'éprouver notre esprit à toutes les pierres de touche. Elle inclinait à la philosophie épicurienne, ce lit étroit, mais propre, sur lequel j'ai parfois étendu ma pensée. Le mystère des dieux, qui me hantait, ne l'inquiétait pas; elle n'avait pas non plus mon goût passionné des corps. Elle était chaste par dégoût du facile, généreuse par décision plutôt que par nature, sagement méfiante, mais prête à tout accepter d'un ami, même ses inévitables erreurs. L'amitié était un choix où elle s'engageait tout entière; elle s'y livrait absolument, et comme je ne l'ai fait qu'à l'amour. Elle m'a connu mieux que personne; je lui ai laissé voir ce que j'ai soigneusement dissimulé à tout autre: par exemple, de secrètes lâchetés. J'aime à croire que, de son côté, elle ne m'a presque rien tu. L'intimité des corps, qui n'exista jamais entre nous, a été compensée par ce contact de deux esprits étroitement mêlés l'un à l'autre. " (p95/96)
« Je doute que toute la philosophie du monde parvienne à supprimer l'esclavage : on en changera tout au plus le nom. Je suis capable d'imaginer des formes de servitude pires que les nôtres parce que plus insidieuses : soit qu'on réussisse à transformer les hommes en machines stupides et satisfaites, qui se croient libres alors qu'elles sont asservies, soit qu'on développe chez eux, à l'exclusion des loisirs et des plaisirs humains, un goût du travail aussi forcené que la passion de la guerre chez les races barbares. A cette servitude de l'esprit, ou de l'imagination humaine, je préfère encore notre esclavage de fait. »
(Mémoires d'Hadrien, Marguerite Yourcenar, Folio, p 129)(Photos : Romanza2016)