dimanche 7 août 2016

" Voilà bien les hommes : toujours croire qu’une femme pense à l’un d’eux ! "

Avec vue sur l'Arno
E.M Forster

Challenge Myself 2016

Robert Laffont, Pavillons poche, 2014.

Comme son adaptation au cinéma sous le titre Chambre avec vue l'a montré, le charme qui se dégage de ce roman d'apprentissage amoureux, écrit par le grand écrivain britannique E. M. Forster (1879 - 1970), n'a rien perdu de son intensité au fil du temps. C'est que l'initiation à l'amour est un thème éternel, et lorsqu'il est traité avec l'humour et la fine psychologie de l'auteur de Route des Indes, il n'est pas près de passer de mode. C'est ainsi qu'entre un baiser volé parmi les cataractes de violettes sur les ravins de Fiesole, un autre baiser raté par un fiancé au pince-nez d'or et un troisième arraché par un amoureux passionné sur un sentier étroit, la jeune Lucy va se libérer du carcan victorien de son milieu pour devenir une héroïne qui fait rêver aujourd'hui encore, comme elle a enchanté et enthousiasmé ses lecteurs voici un siècle.

Tout comme avec Maurice, j'ai d'abord été perturbée par la plume de Forster. Lors de ma première lecture, c'était la distance qu'il créait entre lui et ses personnages qui m'avait surprise. Avec vue sur l'Arno est déstabilisant par son style un peu "brouillon" dans les premières pages. Peut-être est-ce la traduction qui est cause de cette impression.  L'écriture est étrange, peu claire par moment. On ne sait plus ce qui se passe, qui parle, ni ce qui est dit. Pourtant, cette sensation a vite laissé place a beaucoup d'intérêt et de plaisir. J'ai finalement embarqué dans cette belle histoire pleine de vie et de fougue. 
Avec vue sur l'Arno est l'histoire d'une émancipation. Tout au long du roman, Lucy va apprendre à penser par elle-même, faire des choix et cesser de subir sa vie. J'ai trouvé ce roman très juste car il ne cherche pas à séduire, à émouvoir ou à rallier le lecteur à sa cause. Il montre seulement une jeune fille peu remarquable, presque banale, qui comprend l'importance d'être soi même. Toujours avec cette retenue, cette timidité presque, Forster nous parle d'intimité, de connaissance de soi, de révélation.  
Un joli roman ... qui a mis du temps à m'emmener avec lui, mais qui a finalement réussi. 
" - Je pense simplement à ma théorie favorite sur Miss Honeychurch. Est-il logique qu'elle joue si merveilleusement du piano et mène une petite vie si calme ? Je soupçonne qu'un jour viendra où elle vivra comme elle joue, merveilleusement. Les cloisons étanches s'effondreront en elle, musique et vie se mêleront. Elle se révélera alors héroïquement bonne, héroïquement mauvaise peut-être - peut-être encore trop héroïque pour être dite mauvaise ou bonne."
(Avec vue sur l'Arno, Forster, Pavillons poche, 2014)
(Photos : Romanza2016)