samedi 20 octobre 2018

Douceur de vivre

L'auberge du pèlerin
Elizabeth Goudge

Livre de poche, 1966.

L'herbe de grâce est le nom d'un domaine niché au cœur de la nature. Plusieurs personnages pleins de doutes se retrouvent dans ce lieu et y trouvent apaisement et sérénité. 

Elizabeth Goudge est une valeur sûre pour moi. Voici la 7ème fois que je la lis et je plonge toujours dans ces textes comme je plonge dans un bain chaud. Je suis enveloppée et sereine. Si je ne devais garder qu'un mot pour désigner la plume de Goudge ce serait "douceur". Ou peut-être "amour". Elizabeth Goudge aime la vie, aime les gens, croit aux bons sentiments et à la gentillesse ... et Mon Dieu, que ça fait du bien! (... surtout après avoir lu American psycho ...). 
L'auberge du pèlerin fait en réalité partie d'une trilogie, celle des Eliot de Damerosehay. Il s'agit ici du 2nd tome. Les romans peuvent facilement se lire indépendamment. Je n'ai absolument pas été perdue durant ma lecture. Mais je reconnais, après réflexion, que j'aurais préféré découvrir le tome 1 avant. La lecture de ce deuxième tome aurait été encore plus émouvant.
Nous suivons plusieurs personnages assez atypiques (comme souvent chez Goudge), mais vrais, beaux, humains. Je reste toujours aussi émerveillée devant le génie de Goudge pour créer des héros aussi touchants, enfantins, pleins de candeur. Goudge transforme le quotidien en monde merveilleux. On voit dans ses romans des héros se prenant pour des personnages de littérature et qui s'aventurent dans des bois perdus en quête de merveilles, on voit aussi des légendes qui prennent vie et des contes murmurés au coin du feu. Goudge n'essaie pas de masquer ses noirceurs et ses réalités, mais à travers ses yeux, nous les voyons autrement. On prend de la distance, on voit toutes les belles choses que la vie nous offre. Lire un roman de Goudge, c'est se mettre à croire aux fées et aux lutins, c'est s'émerveiller devant un feu de cheminée, être bouleversé par un sourire, un coucher de soleil, une feuille qui frissonne sous le vent. Elizabeth Goudge était connue pour sa grande piété. Sa vision de la religion est sublime. Elle est ce qu'elle devrait toujours être : un amour sincère pour son prochain, une gratitude infinie pour la nature et une pleine conscience de chaque instant passé. 
Même si Le pays du dauphin vert, La colline aux gentianes et Le jardin de Bellmaray restent dans mon top 3, cette lecture de L'auberge du pèlerin est tombé à un moment de ma vie où j'avais besoin de douceur et beauté. Ce fut un délice de me lover entre ces pages. 
" Mais Sally ne tenait pas à avoir du temps libre ; c'était la vie même qu'elle adorait. Elle se plaisait à allumer un vrai feu de bûches et de pommes de pin, pour griller les tartines au bout d'une longue fourchette. Elle aimait la courbe gracieuse des vieux escaliers, et la joie qu'on éprouve à monter et descendre en courant. Et elle préférait de beaucoup écrire une lettre et aller la mettre à la poste, plutôt que de prendre le téléphone /.../ " '
" Le chemin disparaissait sous une mousse épaisse, et de petites feuilles toutes neuves, couleur de corail, brillaient comme des cierges sur les branches des vieux chênes noueux, couverts de lichen. Comme c'est étrange, pensa Nadine, que de petites créatures aussi merveilleusement fraîches et jeunes que ces feuilles luisantes puissent tirer leur vie de vétérans usés et contrefaits comme ces chênes ... Cela donne de l'espoir. "(L'auberge du pèlerin, E.Goudge, Livre de poche, 1966)
(Photos : Romanza2018)