Grasset, Les cahiers rouges, 2002.
Marie-Antoinette m'a toujours fascinée. Tout d'abord, enfant lorsque je regardais avidemment lady Oscar (d'ailleurs, je peux affirmer, maintenant que j'en sais un peu plus, que ce dessin animé est étonnement très réaliste), puis avec mes cours d'Histoire. L'ambivalence que cette femme crée en moi est exceptionnelle. Cette reine fut hautaine, fière d'elle, dépensière, ignorante et totalement insensible aux malheurs de son peuple. Et pourtant, elle était grandiose, humaine et c'était une mère magnifique. Comment construire son bonheur quand à 14 ans on nous marrie par raison d'état et que l'on doit tout quitter, son pays, sa langue maternelle, ses amies? Je ne peux que comprendre cette jeune fille qui comble son manque affectif par la mode et la vie légère. Comment ne pas avoir pitié d'elle lorsque tout le monde ne lui parle que par intérêt? Cette lecture m'a rendue un peu mal à l'aise par certains côtés, car en tant que française, je ne peux que comprendre la Révolution. Ne nous lançons pas dans un débat sur cet événement de l'Histoire, mais je peux juste dire que la révolte du peuple français n'est qu'une suite logique et compréhensible à des siècles d'oppression. Je ne peux que défendre cet éclat. Mais là ou je suis mal à l'aise, c'est que tout fut trop sanglant. Il y a eu trop de meurtres inutiles, de cruauté. C'est très compréhensible, mais tellement triste. Dans l'Histoire de la Révolution française, il n'y a aucun manichéisme. Tout le monde a eu ces raisons, ses fautes et c'est cela qui est dur à gérer. C'est cela qui m'a énormément gênée à la lecture. On ne peut pas donner raison à Marie-Antoinette, mais on la prend en pitié et on la comprend. On ne peut pas accepter tout de la Révolution car des choses trop horribles s'y sont passées. On est tiraillé, broyé entre plusieurs camps. Zweig est particulièrement juste dans ce livre. Bien qu'autrichien, il ne défend aucun parti. Il explique, essaie de comprendre ce qui s'est passé, expose la situation en nous apportant des preuves précises de ce qu'il écrit. Il explique le malheur de Marie-Antoinette par le début de son mariage. Le roi Louis XVI, étant impuissant au début de leur union et laissant stéril ce mariage durant 7 ans, ne trouve pas la crédibilité nécessaire à un mari pour guider et moraliser son épouse. Elle lui fait payer en endettant le royaume, en vivant grandement et joyeusement, ce qui lui vaudra sa réputation de femme légère et de reine débauchée qui lui fera tant défaut par la suite : "Comment pourrait-il jouer au seigneur et maître devant une femme qui toutes les nuits assiste à sa confusion, constate son impuissance, ses échecs."(p40) ; "La destruction de l'autorité royale, en vérité, n'a pas commencé avec la prise de la Bastille, mais à Versailles."(p44). La Révolution est avant tout l'accumulation de plein de petites choses à première vue sans importance, mais qui prennent avec le temps une ampleur phénoménale.
A la question purement formelle du récit, j'ai vraiment apprécié. Les épisodes "clef" comme le premier mot à la Du Barry, l'affaire du collier, la fuite à Varennes, Fersen, m'ont vraiment passionnée. Cette histoire (Histoire) est, bien que tragique, palpitante. Un véritablement roman passionnant et envoûtant. Mais l'on garde toujours à l'esprit que tout ça est vrai, ce qui rend la lecture particulièrement émouvante.
L'écriture? J'y suis allée les yeux fermés. Connaissant déjà la plume sublime de Zweig, je n'ai pu que confirmer son réel don pour l'écriture en lisant cette biographie. C'est fluide, ça se lit comme un roman, c'est palpitant et efficace.
Marie-Antoinette m'a bouleversée. Les dernières années de sa vie, son rôle de mère a changé cette femme un peu trop belle et vive et à racheter son existence de débauche. On lui pardonne, on l'aime, on veut la serrer dans nos bras. Mais trop tard! La roue du destin est lancée. L'inévitable se déclanche. Il faut tuer ce symbole trop puissant. Il faut tuer la reine. Il faut tuer Marie-Antoinette. Des dernières pages bouleversantes où l'on se demande pourquoi était-il si nécessaire de décapiter cette femme devenue vieille par des larmes trop souvent versées et si seule? On est tiraillé entre le peuple qui commence à comprendre que l'Homme est libre et unique (et comme on le soutient!) et cette femme qui est arrivée jeune fille naïve et qui ressort femme morte tuée par son pays d'adoption.
Un grand drame de l'Histoire de France qui nous est conté ici. Profond, bouleversant, mais nécessaire. Ni méchants, ni gentils. Que des coeurs et des hommes.
Un roman à dévorer. J'ai lu, compris et j'ai pardonné à Marie-Antoinette .... A vous!
" Il fallait un coup de tonnerre pour sortir Marie-Antoinette de son orgueilleux, de son indifférent laisser-aller. A présent, réveillée, elle commence à comprendre, après avoir été mal conseillée et n'avoir voulu écouter aucun avis en temps utile, ce qu'elle a négligé, et avec la nervosité qui lui est propre elle se dépêche de corriger d'une façon visible ses fautes les plus irritantes. D'un trait de plume elle s'empresse de diminuer son coûteux train de maison."
(Marie-Antoinette, Zweig, Grasset, p225)
(Source image : princesseaudrey.fr)
4 commentaires:
Voilà un roman que je devrais aimé. Je le note. Merci.
Vraiment un superbe roman Karine! je te le conseille sincérement!
J'ai adoré. Merci encore pour cette belle suggestion.
Calins
Je suis une grande fan de Stefan Zweig. Je trouve qu'il a une puissance littéraire hors norme. Il réussit toujours à me passionner d'une seule ligne..
Enfin pour moi c'est une de ses plus belles biographies avec Marie Stuart !
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