dimanche 27 mai 2007

Cahiers retrouvés ... Histoire retracées

Cahiers de la guerre et autres textes
Marguerite Duras



POL, Paris, 2006.

Les Cahiers de la guerre constituent la part la plus exceptionnelle des archives déposées par Marguerite Duras à l'Institut Mémoires de l'édition contemporaine (Imec) en 1995. Ecrits entre 1943 et 1949, ils ont longtemps été conservés dans les mythiques " armoires bleues " de sa maison de Neauphle-le-Château ; leur publication donne aujourd'hui accès à un document autobiographique unique, en même temps qu'à un témoignage précieux sur le travail littéraire de l'écrivain à ses débuts. Le contenu de ces quatre cahiers excède amplement le cadre de la guerre, malgré l'appellation inscrite par Marguerite Duras sur l'enveloppe qui les contenait. On y trouve en effet des récits autobiographiques où elle évoque les périodes les plus cruciales de sa vie, particulièrement sa jeunesse en Indochine ; des ébauches de romans en cours, comme Un barrage contre le Pacifique ou Le Marin de Gibraltar ; ou le récit à l'origine de La Douleur, publiée en 1985. Dix " autres textes " inédits, contemporains de la rédaction de ces cahiers, complètent cette image d'une œuvre naissante où se dessine l'architecture primitive de l'imaginaire durassien. A mi-chemin de l'œuvre assumée et du document d'archive, ces Cahiers de la guerre donnent à voir tout à la fois l'enfance d'une œuvre et l'affirmation d'un écrivain.
Ce livre est magnifique tant pour débuter un apprentissage durassien que pour le compléter. C'est une mine d'informations que nous offre l'édition POL.
J'ai beaucoup apprécié la première partie sur son enfance en Indochine où L'amant commence à surgir. Lorsque s'enchaînent les fragments de textes, l'ensemble devient un peu plus dur, mais tout est toujours aussi bien écrit et agréable. De plus, après avoir lu son enfance, l'écriture de ses prochains livres nous apparait plus claire. Son enfance rejaillit dans chacune de ses histoires. C'est passionnant de retrouver des détails, des traumatismes de sa jeunesse dans ses écrits.
Deux fragments de textes m'ont émue au possible. C'est presque les deux plus beaux textes que j'ai lus dans ma courte vie. Le premier, extrait de La douleur, parle de l'attente de Marguerite Duras lorsque à la fin de la guerre, son mari devrait normalement revenir des camps de concentration et qu'elle n'a aucune nouvelle. Le second, lors de la mort de son premier enfant pendant l'accouchement. Ces deux textes sont ma-gni-fi-ques ... rien à rajouter.
Un livre à lire donc autant pour les passionnées de Duras que pour les novices ...
" On m'a dit : "Votre enfant est mort." C'était une heure après l'accouchement, j'avais apreçu l'enfant. Le lendemain, j'ai demandé : "Comment était-il?" On m'a dit : "Il est blond, un peu roux, il a de hauts sourcils comme vous, il vous ressemble." "Et il est encore là?" "Oui, il est là jusqu'à demain." "Est-il froid?" R. a répondu : "Je ne l'ai pas touché mais il doit l'être, il est très pâle." Puis il a hésité : "Il est beau, c'est aussi à cause de la mort." J'ai demandé à le voir. R. m'a dit non."
(Cahiers de la guerre, POL, p255)

(Source de l'image : violettanet.it)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

L'écriture de Marguerite Duras est très belle il est vrai, mais difficile. Je ne sais pas si ce texte-là se lit comme un roman ou par bribes... je le note grâce à toi. Merci de tes passages sur mon blog, le tien me plait bien aussi : à bientôt

Romanza a dit…

Vu que ce sont des extraits de romans, il se lit principalement par bribes. Mais par contre, on le dévore aussi vite qu'un roman.
Dans cet écrit, l'écriture de Duras est assez acceptible. Je te le conseille vraiment!