mardi 24 mars 2015

Les belles au bois dormant

Les belles endormies
Yasunari Kawabata

Livre de poche, 1984.

Dans quel monde entrait le vieil Eguchi lorsqu’il franchit le seuil des Belles Endormies ? Ce roman, publié en 1961, décrit la quête des vieillards en mal de plaisirs. Dans une mystérieuse demeure, ils viennent passer une nuit aux côtés d’adolescentes endormies sous l’effet de puissants narcotiques.

Pour Eguchi, ces nuits passées dans la chambre des voluptés lui permettront de se ressouvenir des femmes de sa jeunesse, et de se plonger dans de longues méditations. Pour atteindre, qui sait ? au seuil de la mort, à la douceur de l’enfance et au pardon de ses fautes.

J'ai lu un recueil de nouvelles de Kawabata il y a quelques années. Il s'agissait de La danseuse d'Izu. Je me souviens avoir été partagée entre une profonde admiration pour la plume si poétique de l'auteur et un sentiment de mal être lors de certaines scènes déroutantes. J'ai retrouvé les mêmes émotions à la lecture des Belles endormies. De jolis et sensibles moments de poésie se mêlent à une ambiance érotique assez malsaine. Il n'y a réellement aucune scène choquante mais l'atmosphère est lourde. Bien que dans la maison des Belles endormies, les clients ne couchent pas avec les jeunes filles, on ne peut qu'être mal à l'aise face à ces vieillards qui passent la nuit près de ces femmes complètement abruties par des narcotiques. Nous rentrons dans ce monde mi-réel mi-fantasmé avec Eguchi. A tour de rôle, chaque femme endormie lui rappellera un amour d'autrefois, une rencontre. Kawabata nous raconte avec beaucoup de retenue et de sensibilité les souvenirs d'Eguchi. 
Lire Kawabata est décidément une expérience étrange, différente. C'est beau, fin, poétique. Le sujet est souvent complexe, bien qu'écrit avec beaucoup de simplicité. On se perd un peu dans les images, les symboles, les non-dits. Le principal reste de se laisser aller dans ce monde à part, à la fois doux et amer. 

" La jeune femme du desservant avait répondu : " Le matin, quand on se lève, il arrive que l'on ne voie plus le sol tellement il est jonché de fleurs! " Puis elle s'était éloignée, laissant Eguchi seul avec sa fille. Les fleurs de couleurs diverses poussaient-elles réellement sur l'arbre géant, et lui seul? Il y avait en effet des fleurs rouges, des fleurs blanches et des fleurs bicolores, mais Eguchi préférait s'abîmer dans la contemplation de l'ensemble, plutôt que d'aller vérifier le fait. Le camélia quatre fois centenaire déployait la splendide profusion de ses fleurs. Les rayons du soleil couchant étaient comme aspirés à l'intérieur de l'arbre de sorte qu'il semblait régner dans cette masse de fleurs une chaude touffeur. Encore qu'il n'y eût pas de vent appréciable, l'extrémité des rameaux fleuris de temps à autre remuait doucement."
(Les belles endormies, Kawabata, Livre de poche, 1984, p56)


(Source image : pasiondelalectura.wordpress.com)

1 commentaire:

Fanja a dit…

Assez fan de la littérature japonaise, j'avais abordé Kawabata avec beaucoup d'espoir car il fait partie de ces grands noms de la littérature nipponne. Hélàs, je n'accroche pas du tout à sa poésie et son univers, et cet ouvrage-ci en particulier m'avait laissée sur le bord.