Oedipe sur la route
Henri Bauchau
Oedipe, celui qui-se joue des dieux- a tué son père et épousé sa mère, quitte Thèbes aveugle et accablé par le poids de sa faute. Avec sa fille Antigone, il s'engage dans une longue errance qui le conduira à Colone, lieu de sa «disparition» ... et de la clair-voyance.
Car ce livre est un voyage intérieur dans lequel un homme affronte les ténébres qu'il porte en lui, jusqu'à atteindre la connaissance de soi.
Dans cette quête, Henri Bauchau convoque tour à tour le chant, la danse, le rêve et le délire comme moyens de libération de son héros ... Et c'est par la sculpture, au flanc d'une falaise, d'une vague gigantesque, symbole des épreuves déjà franchies ou encore à franchir, que ce délire trouve son expression la plus achevée et la plus visionnaire.
Oedipe sur la route, roman d'aventures, roman initiatique, est avant tout une somptueuse interrogation sur l'individu et son destin.
Sérénité. Calme. Paix. Ressource. Voilà les mots que j'emploierai pour qualifier les sensations qui m'ont traversée durant la lecture de ce roman. Bien que le récit soit dur, l'histoire d'Oedipe est violente et tragique, Bauchau ne nous brusque pas. Son écriture, comme le cheminement général du livre, est fluide. Un mélange de violence et de plénitude, tout comme la vague que sculpte nos trois héros dans la roche.
Amoureux d'art, Henri Bauchau nous fait découvrir au fur et à mesure du récit la passion présente dans la musique, ou encore la liberté de la danse ou la jouissance du modelage et de la sculpture. Un roman qui se ressent autant qu'il se lit.
Ce roman n'est pas dur à lire et pourtant il est extrêment complexe. Etude de l'Homme, philosophie, traité d'art, on sent la profondeur et l'étendu intellectuel de ce roman mais sans que cela pèse. Je pense qu'il y a énormément de choses à dire et à débattre sur ce livre. J'ai parfois regretté de ne pas avoir de notion de psychologie ou encore d'histoire de l'art. Mais tout cela ne pas empêchée d'embarquer pleinement dans ce roman.
Une histoire à la fois passionnante par sa pure tradition mythologique (Labyrinthe du mynotaure, brigands du désert, pestiférés et histoire des Hautes Collines), mais aussi poétique grâce à la belle plume de Henri Bauchau.
Un beau roman à lire.
«Elle descend dans l'ombre de la falaise et sa froide lumière. Elle voit la barque qui jaillit, très blanche, de l'énorme roche et comment, pendant ces deux jours, ces deux nuits, Oedipe a incarné sa fille Antigone dans la pierre. Autour du front et des longs cheveux que le vent déroule, le mouvement de la pierre a formé une couronne d'écume. C'est donc ainsi qu'Oedipe la pense, qu'il la fait voir, animée d'une beauté qui n'est pas celle de Jocaste ni celle d'Ismène. Une beauté active, résolue, acharnée dans la confiance. Ce visage connaît la menace de la vague, son écrasante pesanteur, mais il ne s'abandonne pas à l'effroi.»
(Oedipe sur la route, Babel, 1992, p 143)
3 commentaires:
C'est un roman tellement particulier, je me demande toujours ce qu'on peut en penser... Tu en parles très bien, avec délicatesse. Tu me donnes même envie de le relire (alors que je l'ai déjà fait cet été), c'est dire !
Erzébeth : "Particulier"? C'est le terme en effet. Particulier mais universel, je rajouterai.
Merci pour les compliments!
De lui j'ai lu Le boulevard périphérique. Un écrivain que j'ai envie de retrouver dans un autre titre ; je ne connaissais pas celui dont tu parles.
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