Le 7 avril 1803 naît à Paris la militante féministe et ouvriériste Flora Tristan. Un siècle plus tard, le 8 mai 1903, son petit-fils, Paul Gauguin, meurt seul et presque aveugle dans son faré des îles Marquises. Sous la plume de Mario Vargas Llosa, Flora Tristan et Paul Gauguin deviennent Florita l'Andalouse et Koké le Maori, deux êtres libertaires, passionnés, profondément humains, hantés par une quête de l'absolu qui donne à leur vie une dimension tragique, et qui vécurent l'enfer pour avoir désespérément voulu bâtir le Paradis. A travers les destins croisés d'une militante et d'un artiste, Mario Vargas Llosa évoque, dans un roman à la construction magistrale, les grandes utopies politiques et artistiques des temps modernes.
On se laisse capter par ce roman sans même s'en rendre compte. C'est une oeuvre complexe, intelligente, à la construction très érudite, on pourrait donc croire qu'elle ne nous transporte pas, que les mots ne nous plongent pas dans leur univers. Et pourtant ... sans même s'en aperçevoir nous rentrons dans le monde de ce superbe conteur.
Flora Tristan m'a beaucoup émue, femme détruite par son mariage arrangé qui lutte contre l'injustice. Certains passages sont très durs : exploitation, marché du sexe, violence, ... On a envie de crier aussi fort que Madame-la-colère.
Paul Gauguin a une vie qui n'aurait sûrement pas plu à sa grand-mère, Flora Tristan : luxure, concubinage avec des jeunes filles à peine formées, (c'est parfois très dur!) ... Et pourtant, on s'attache à cet étrange peintre qui lui aussi, tout comme Florita, ne désire qu'une chose : atteindre son idéal, être heureux. Les paysages, les senteurs de Tahiti ou des îles Marquises sont envoûtants et l'on imagine Paul se mouvoir passionnément devant une toile. Je n'ai pu m'empêcher de rechercher tous les tableaux de Paul Gauguin qui étaient mentionnés dans le texte.
L'écriture m'a également impressionnée. Mario Vargas Llosa a cette façon particulière de nous faire rentrer dans l'histoire. Tout devient intime. La façon qu'il a de s'adresser directement aux protagonistes est superbe.
La construction, enfin. Ce parallèle entre Florita et Koké. Leur vie à la fois différente et proche. Elles se mêlent, s'opposent, se rencontrent, se froissent ... Un livre très intelligent, étudié jusqu'au moindre détail.
A découvrir!
" La première impression de Flora sur Toulon, où elle arriva le 29 juillet 1844 au petit matin, ne pouvait être pire : "une ville de militaires et de délinquants. Ici je ne pourrai rien faire." Son pessimisme venait de l'Arsenal naval de Toulon, où travaillaient cinq mille ouvriers de la ville, mêlés aux prisonniers condamnés aux travaux forcés. Par ailleurs, depuis Marseille, elle était assaillie par la colite et les névralgies."
(Le paradis : un peu plus loin, Folio, p 311)
Arearea Paul Gauguin
(Source de l'image : lapasserelle.com)
3 commentaires:
Tu te fais tentatrice, avec ce billet!!! J'aime bien les livres recherchés, qui comportent certains faits historiques. Je m'empresse de noter!
C'est un livre qui n'est pas de tout repos mais qui est vraiment bien ...
Fonce!
Je l'avais dévoré en licence (on bossait sur la belle Flora).
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