Pour retrouver son petit-fils préféré qui a disparu en France, avalé par l’ogre du football, Madame Bâ Marguerite, née en 1947 au Mali, sur les bords du fleuve Sénégal, présente une demande de visa. Une à une, elle répond scrupuleusement à toutes les questions posées par le formulaire officiel 13-0021. Et elle raconte alors l’enfance émerveillée au bord du fleuve, l’amour que lui portait son père, l’apprentissage au contact des oiseaux, … sa passion somptueuse et douloureuse pour son trop beau mari peul, ses huit enfants et cette étrange « maladie de la boussole » qui les frappe …Sans fard ni complaisance, c’est l’Afrique d’aujourd’hui qui apparaît au fil des pages, l’Afrique et ses violences, ses rêves cassés, ses mafias, mais aussi ses richesses éternelles de solidarité et ce formidable tissage entre les êtres.
La seconde partie fut plus laborieuse. Des questions administratives, politiques qui m'ont un peu ennuyée. Pas désintéressée, mais ennuyée. J'ai beaucoup aimé la satire de ces passages, les anecdotes, mais il est vrai que mon attention de lectrice a quelque peu décrochée.
Globalement, j'ai apprécié ce récit intelligent et émouvant à la construction originale. Erik Orsenna a une plume très délicate et sensible. Il a réussi à me faire aimer Madame Bâ dès la première phrase. J'ai approuvé sa façon de nous faire comprendre que l'administration oublie souvent qu'il y a des hommes et des femmes derrière la paperasse. Il y a des âmes, des coeurs, des histoires. Que notre vie ne se résume pas à cocher des cases ou à écrire notre âge et notre profession ...
"Monsieur le Président de la République française, J’ai bien réfléchi : notre ancêtre est un oiseau. « Ô serefana ni yéliné gna », comme nous disons, nous autres Soninkés.
Je me suis éloignée du village, j’ai marché entre les pousses de mil, j’ai posé les deux mains sur ma tête pour me protéger du soleil, j’ai froncé les sourcils pour m’étirer le cerveau et j’en suis arrivée à cette conclusion : celui qui ne remonte pas aux siècles lointains des ailes ne comprend rien à notre histoire.
Evidemment, je pourrais farfouiller encore plus haut dans les souvenirs.
Au commencement était la mer, qui recouvrait l’Afrique.
Au commencement était le désert, quand la mer se retira.
Une origine est toujours la fille d’une origine plus ancienne.
Mais j’ai pitié de vous.
Je vous connais. A la télévision je vous ai vus nous rendre visite, pauvres présidents. J’ai constaté que vous possédiez tout, sauf le loisir. Tout, motards, Mercedes, hôtesses d’accueil et climatisation. Tout, sauf la liberté d’aller tranquillement chasser la vérité jusque dans les époques les plus reculées. A peine arrivés quelque part, déjà de l’index vous tapotez sur le verre de votre Rolex platine. Déjà votre aide de camp vous murmure à l’oreille la litanie des prochains rendez-vous."
(Madame Bâ, livre de poche, p 15)
(Source de l'image : artsquebec.net)
3 commentaires:
J'ai un faible pour Orsenna, normalement mais j'ai toujours hésité devant ce roman... après ton billet, j'hésite encore! ;)
Je n'ai rien lu de l'auteur, mais je ne pense pas commencer par celui-ci, j'ai bien peur de me lasser !
Un de mes coups de coeur récents. Quel fourmillement de couleurs, d'odeurs, de soleil et de paysages!
Un vrai dépaysement que je recommande aussi chaudement.
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